Barbara, je me souviens de vous
Théâtre-concert / Fidèles à leur habitude de retracer la vie d'un artiste, Rafaèle Huou et Philippe Mangenot invitent cette fois à se plonger dans l'existence de la chanteuse Barbara. Les chansons et le récit biographique s'articulent avec beaucoup d'aplomb et une sensibilité constante. Musique !

Photo : Barbara © Florian Colas
Déjà dans leur spectacle consacré à Anton Tchekhov (Regardez la neige qui tombe...) puis celui sur Jean-Luc Lagarce (Cabaret Lagarce), Barbara venait fureter tant l'émotion qui se dégage de ses chansons permet d'accompagner la vie de ces célèbres dramaturges. La Solitude résonnait dans le biopic du Russe ; Joyeux Noël et Les Mignons dans celui consacré au Français. Voici donc que le duo à la tête de la compagnie lyonnaise du Théâtre de l'entre-deux s'attelle logiquement à dérouler la vie de l'iconique dame en noir. Ce qui pourrait n'être qu'une litanie soporifique de dates (et il y en a !) n'est absolument pas cela, tant les acteurs et metteurs en scène savent depuis longtemps intégrer le public à leur prestation et briser le quatrième mur avec intelligence quand ce parti-pris est si souvent démagogique.
Gamine, Barbara est née à Paris en 1930 d'un père alsacien et d'une mère moldave. Elle s'est émancipée de sa famille et même du grand amour de sa vie pour se consacrer à la chanson. Elle a notamment refusé de rester à Abidjan où vivait son amant, diplomate de profession, pour chanter. La fin de leur histoire s'écoute dans le mythique morceau Quand reviendras-tu ?.
C'est en entendant chanter Edith Piaf dans le cabaret culte situé dans le 6e arrondissement parisien, l'Écluse, qu'elle a su que sa vie serait consacrée à la chanson ; faute d'avoir pu devenir pianiste concertiste à cause d'un kyste à la main. Ce mythique lieu l'a d'abord refusée avant de l'engager pour six mois en 1954. Elle y est restée 6 ans, s'est coupé les cheveux court et est devenue, peu à peu, une véritable star.
Vagabonde
Au gré des chansons interprétées avec une grande justesse par Rafaèle Huou, Monique Serf devient Barbara. On la suit, de son enfance brinquebalée pour fuir la traque des Juifs en France, à sa vie de femme libre. Peu à peu, le spectacle donne à voir la métamorphose d'une femme qui ne renonce pas à ses désirs. De la rencontre avec les « enfants blonds » de Göttingen en 1964 à son renoncement temporaire à la scène en 1969, du triomphe du morceau L'Aigle noir à l'accouchement, en quatre ans d'un autre chef-d'œuvre Nantes, sur son père incestueux dont elle manque de peu le dernier souffle. Il y a aussi ses visites aux prisonnières de Montluc, puis, sa propre mort en 1997 : la vie de la chanteuse est tracée avec une remarquable fluidité. Les deux acteurs se partagent des phrases et construisent un spectacle tissé et très serré.
Sur son décor d'estrade, au-devant d'un rideau noir, encadré par une loge à vue et un espace dévolu à son complice Philippe Mangenot, sorte de Monsieur Loyal, la comédienne alterne chansons et récit de vie puisés dans les nombreuses interviews et la biographie inachevée de la star.
Créé en décembre dernier sur la petite scène des Marronniers à Lyon, ce spectacle s'est densifié à Avignon cet été où pas moins de sept propositions concernaient la chanteuse dans le Off ! Désormais ce travail se joue avec un pianiste en live, celui qui a beaucoup accompagné les projets de Johan Boutin, Tom Georgel, remplacé par Sébastien Jaudon dès novembre.
Barbara
Du 14 au 15 octobre 2025 à la Renaissance (Oullins-Pierre-Bénite) ; de 6€ à 30€
Puis à l'Atrium (Tassin), l'Espace Culturel Jean Moulin (Mions), l'Espace Culturel Jean Salles (Saine-Foy-lès-Lyon), le Briscope (Brignais), le Théâtre de Tarare, l'Espace Saint-Marc (Lyon 2e)