Les mystères du bail réel solidaire enfin dévoilés
Le bail réel solidaire (BRS), institué par l'ordonnance du 19 juillet 2016, permet aux ménages modestes d'acquérir leur logement à un prix inférieur au marché en dissociant le sol du bâti, dans un cadre juridique sécurisé.
Dans une France attachée à la pierre mais où le marché immobilier classique peut être hors de portée pour certains ménages, notamment dans les grandes agglomérations, le bail réel solidaire (BRS) est un outil efficace d'accession à la propriété. Ce dispositif s'adresse aux ménages modestes et renouvelle puissamment les modes traditionnels de dissociation de la propriété du sol et du bâti que permettent également le bail emphytéotique et le bail à construction.
Acheter son logement à prix réduit tout en louant le terrain à un organisme agréé : tel est le principe du bail réel solidaire, un dispositif innovant et protecteur.
Pourquoi le BRS ?
Face à la hausse continue des prix de l'immobilier, notamment dans les grandes agglomérations, l'accession à la propriété est devenue difficile pour de nombreux ménages. Plus de 24 000 logements ont déjà été livrés en bail réel solidaire depuis 2017.
Ce dispositif dissocie la propriété du bâti et du foncier : l'accédant devient propriétaire de son logement uniquement mais loue le terrain à un organisme de foncier solidaire (OFS) agréé par l'État, moyennant une redevance modeste.
Quel est son cadre juridique ?
Le bail réel solidaire est un dispositif relativement récent (issu d'une ordonnance n° 2016-985 du 19 juillet 2016). C'est « le bail par lequel un organisme de foncier solidaire consent à un preneur, dans les conditions prévues à l'article L. 329-1 du Code de l'urbanisme et pour une durée comprise entre dix-huit et quatre-vingt-dix-neuf ans, des droits réels en vue de la location ou de l'accession à la propriété de logements, avec s'il y a lieu obligation pour ce dernier de construire ou réhabiliter des constructions existantes. Ces logements sont destinés, pendant toute la durée du contrat, à être occupés à titre de résidence principale ».
Il permet une alternative à la location pour les ménages modestes qui ne peuvent pas accéder à la propriété dans le parc immobilier classique, en leur permettant de devenir propriétaires de leur logement à moindre coût.
La durée des BRS répertoriés est généralement de 99 ans (46 %) et descend rarement en dessous de 80 ans. Une tendance qui semble se confirmer avec les projets en cours (52 % de baux de 99 ans).
Quel est le rôle des OFS dans ces opérations ?
Les organismes de foncier solidaire sont au cœur de l'opération. Ils achètent le foncier et conservent la propriété du terrain. Ils construisent ou réhabilitent des logements puis cèdent aux ménages accédants les droits réels immobiliers. La majorité des opérations BRS sont portées par des organismes de logement social (54 %), mais des promoteurs privés représentent environ 30 % des projets.
À qui s'adresse-t-il ?
Le BRS est réservé aux ménages modestes sous plafonds de ressources, variables selon la zone géographique (zones A et Abis pour les zones les plus denses, B1, B2 et C pour les autres). Les plafonds de revenus sont plus élevés sur les zones tendues, ce qui permet à un nombre élevé de ménages de pouvoir remplir les conditions du BRS.
Le logement doit impérativement être la résidence principale de l'acquéreur pendant toute la durée du contrat, le BRS ayant pour objectif de loger les ménages et non la spéculation immobilière ou l'investissement locatif. Ces conditions s'appliquent aussi lors de la revente, de la donation ou de la succession : le nouvel acquéreur doit répondre aux mêmes critères et être agréé par l'OFS.
Quels atouts par rapport à une vente classique ?
Le BRS est attractif à plusieurs niveaux :
- Prix réduit : jusqu'à 35 % moins cher. Le prix des logements BRS dans les programmes neufs déjà livrés s'établit en moyenne à 2 569 euros du m². TVA à taux réduit de 5, 5 % sur l'achat. Prêt à taux zéro (PTZ) mobilisable.
- Aides locales possibles : subventions ou exonérations partielles de taxe foncière.
- Garanties légales sur les logements neufs : garantie décennale, biennale, parfait achèvement.
- Le loyer est modeste (entre 1 et 4 euros/m²).
- La conservation de la valeur du logement dans le patrimoine de l'acquéreur. Le preneur est indemnisé en fin de bail au minimum de la valeur d'achat actualisée par application de la variation d'un indice choisi par l'OFS.
Et quelles contraintes spécifiques ?
Le BRS comprend un dispositif anti-spéculatif en cas de mutation (revente, donation, succession) et limite le champ d'action de l'acquéreur-preneur :
- Le preneur peut réaliser les travaux d'entretien et de conservation prévus par le bail, mais doit obtenir l'accord de l'OFS pour tout aménagement substantiel ou changement de destination.
- Le prix de revente est plafonné, il n'est pas possible de faire de plus-value : le prix initial est simplement actualisé selon un indice choisi dans le contrat et majoré des éventuels travaux effectués, sur justificatif.
- Le nouvel acquéreur doit remplir les conditions de revenus déterminées par décret. Pour tout projet de cession ou donation des droits réels afférents au bien objet du BRS, l'acquéreur ou donataire reçoit, de la part du cédant ou donateur, une offre préalable de cession ou de donation mentionnant expressément le caractère temporaire du droit réel, sa date d'extinction, la nouvelle durée du bail réel solidaire, les conditions de délivrance de l'agrément par l'OFS, les modalités de calcul du prix de vente ou de la valeur donnée, telles que prévues au bail.
- L'OFS dispose d'un droit de préemption et doit agréer tout nouvel acquéreur. Le cédant ou donateur informe l'OFS de son intention de céder les droits réels immobiliers qu'il tient de son bail réel solidaire, dans les trente jours qui suivent la réception par lui de l'acceptation de l'offre préalable de cession ou donation des droits réels et sollicite l'agrément de l'acquéreur ou donataire.
Si l'agrément est délivré, la durée du bail est de plein droit prorogée afin de permettre à tout nouveau preneur de bénéficier d'un droit réel d'une durée égale à celle prévue dans le contrat initial. Cela peut permettre une propriété presque perpétuelle en pratique.
En cas de refus d'agrément lors d'une cession, le cédant peut demander à l'OFS de lui proposer un acquéreur. Les conditions d'acquisition respectent les modalités de calcul du prix de vente stipulées dans le bail. Dans le cas où l'OFS n'est pas en mesure de proposer un acquéreur dans les six mois suivant la demande du cédant, il se porte acquéreur des droits réels afférents au bien objet du bail réel solidaire.
- En cas de décès, le conjoint survivant conserve le BRS. En l'absence de conjoint survivant, les héritiers disposent d'un délai pour céder le droit réel à un ménage éligible, à défaut le bail peut être résilié avec indemnisation.
À l'expiration du bail, les droits réels immobiliers retournent à l'OFS, qui indemnise le preneur dans les conditions prévues au contrat et par l'article L. 255-5 du Code de la construction et de l'habitation. Il faut donc garder en tête que la propriété est temporaire, sauf revente et nouveau bail.
Quel rôle joue le notaire dans ce cadre ?
La signature du BRS se fait devant notaire. Ce dernier explique la nature du droit réel, contrôle les conditions d'éligibilité et encadre la cession ou la transmission.
La loi 3DS du 21 février 2022 a simplifié le montage : désormais, la cession des droits réels par l'opérateur suffit à rendre le preneur titulaire du bail réel solidaire, tout en maintenant l'agrément obligatoire de l'OFS.
Un outil d'avenir pour l'accession sociale
En dissociant la propriété du sol et du bâti et en encadrant la revente, le bail réel solidaire stabilise les prix et rend l'accession à la propriété plus inclusive. C'est un levier puissant pour répondre aux enjeux du logement en zone tendue, à condition que les accédants comprennent bien le mécanisme et soient accompagnés par leur notaire. Pour savoir si vous êtes éligible, un simulateur officiel est disponible sur boris.beta.gouv.fr.