Audience de règlement amiable : quand la négociation permet d'éviter le procès

par Me Carole Ollagnon Delroise
Publié Mercredi 8 octobre 2025

Le recours à l'audience de règlement amiable (ARA), démontre son efficacité dans un cas de parasitisme économique opposant un salon professionnel et un fournisseur de shampoing (le nom, les professions et certains éléments de contexte ont été modifiés).

Une procédure discrète mais efficace

Dans l'ombre des grands procès médiatisés, une nouvelle pratique judiciaire s'installe : l'audience de règlement amiable (ARA).

Introduite par les articles 1532 et suivants du Code de procédure civile, elle offre aux parties la possibilité de rechercher une solution négociée, sous l'égide d'un juge dédié, en marge de la formation de jugement. Loin d'être une simple formalité, ce dispositif peut désamorcer des litiges complexes, préserver des relations commerciales et ouvrir la voie à des accords innovants élaborés en toute confidentialité.

L'histoire du congrès de coiffure Les Ébouriffés, confronté à une situation de parasitisme économique, illustre cette évolution.

Le cadre légal : une audience pas comme les autres

Par application de l'article 1532 du Code de procédure civile, le juge saisi peut décider, à la demande d'une partie ou d'office, d'orienter le litige vers une audience de règlement amiable (ARA).

Cette décision, qui ne dessaisit pas la juridiction, suspend les délais de péremption et place les parties face à un magistrat impartial et extérieur à la formation de jugement.

L'article 1532-1 précise la finalité : permettre aux parties de confronter de manière équilibrée les points de vue, évaluer les besoins et intérêts de chacun, placer le litige dans un cadre juridique permettant d'en mesurer les avantages et parfois les limites.

Le juge met en présence les parties en personnes, peut consulter les pièces, procéder à des constatations et fait s'exprimer les personnes.

Enfin, l'article 1532-2 encadre les modalités : convocation par tous moyens, comparution personnelle obligatoire, assistance d'un avocat, audience en chambre du conseil pour garantir la confidentialité et faculté pour le juge de mettre fin à la mesure à tout moment.

En clair, une parenthèse procédurale, confidentielle et orientée vers la recherche de solutions.

Un congrès sous tension

Le congrès Les Ébouriffés, rendez-vous annuel des professionnels de la coiffure, vit de la location de stands aux fournisseurs.

Cette année, surprise : un exposant habituel, fabricant de shampoing, décide de ne pas réserver. Mais au lieu de rester en retrait, il organise en parallèle des « portes ouvertes » de son site, tout près du salon, en s'appuyant sur la notoriété de l'événement.

Les organisateurs découvrent la manœuvre sur les réseaux sociaux : publicité détournée, confusion créée, avantage commercial indu.

Pour eux, l'équilibre économique et l'équité entre exposants sont menacés. Plusieurs fournisseurs se demandent déjà : « Et pourquoi pas nous ? ».

Le spectre du parasitisme économique

L'avocat de l'association identifie rapidement les éléments du parasitisme : tirer profit des efforts d'autrui sans assumer les mêmes charges. Une action judiciaire en urgence est mise en œuvre pour faire cesser le trouble et obtenir réparation.

Mais l'avocat propose une alternative : tenter une résolution amiable avant de poursuivre une procédure lourde et coûteuse.

Une simple demande d'ARA présentée au tribunal saisi et la conviction d'un juge de ce que la solution est à la portée des parties suffisent pour mettre la négociation sur les rails : le fournisseur accepte l'audience de règlement amiable (ARA) en visioconférence.

La logique judiciaire cède le pas à la recherche d'un terrain d'entente.

La visioconférence de la dernière chance

Lors de l'échange, chaque partie expose ses priorités.

Côté salon : défendre son modèle économique, préserver la loyauté entre exposants, éviter de créer un précédent dangereux.

Côté fournisseur : préserver son image déjà écornée par le procès et qui sera encore plus abîmée par l'annulation de l'événement sur son site, restaurer la relation avec l'organisation du salon.

Le juge du règlement amiable favorise la confrontation constructive.

Les tensions s'apaisent, les besoins et les intérêts sont clarifiés : réputation, équité, perspectives économiques.

Peu à peu, l'idée d'un accord prend forme.

Un compromis créatif

L'accord final combine pragmatisme et innovation.

Le fournisseur conserve son événement privé, capital pour sa visibilité.

Il signe une préréservation ferme de stand sur le salon pour l'année suivante. Il prend en charge les frais d'avocat et de rédaction du protocole.

L'association, inspirée, décide d'ouvrir à l'avenir la possibilité pour tout exposant local de coupler sa présence au salon avec une visite de ses installations.

Du conflit naît une opportunité : transformer un litige en tremplin pour enrichir l'offre
du congrès.

Les vertus de la justice négociée

Au-delà de ce cas, l'expérience illustre la puissance de l'audience de règlement amiable (ARA).

Elle permet :

- d'éviter l'aléa judiciaire et les délais d'un procès,

- de préserver des relations d'affaires fragilisées,

- de favoriser des solutions sur mesure, inaccessibles au juge contraint à une application stricte du droit,

- d'ancrer une culture de coopération dans le monde économique.

Loin de fragiliser la justice, ce dispositif la complète : le juge n'est plus un arbitre imposant une décision, mais un facilitateur de solutions négociées.

Conclusion : une voie d'avenir

Le cas du congrès Les Ébouriffés démontre que la justice française sait désormais offrir autre chose que l'intervention d'un tiers en position verticale désigné pour trancher.

L'audience de règlement amiable n'efface pas le droit ; elle lui donne chair, en plaçant les parties au cœur de la solution.

Dans un contexte où la rapidité et l'adaptabilité comptent autant que la règle, cette voie négociée pourrait bien devenir, pour nombre d'entreprises, la première étape avant toute intervention du juge contentieux.