Partage de la valeur : une nouvelle obligation pour les PME dès 2025
Depuis le 1er janvier dernier, les entreprises de 11 à 49 salariés qui enregistrent sur trois années consécutives un bénéfice net fiscal d'au moins 1 % de leur chiffre d'affaires doivent instaurer un dispositif de partage de la valeur. Une mesure expérimentale, qui vise à associer les salariés à la réussite économique des PME.
Le partage de la valeur consiste à associer financièrement les salariés aux performances de leur entreprise. Jusqu'à présent, ce mécanisme reposait surtout sur deux piliers : la participation, obligatoire dans les entreprises d'au moins 50 salariés, et l'intéressement, facultatif mais encouragé par des exonérations fiscales et sociales. Avec la loi du 29 novembre 2023, le dispositif prend une nouvelle dimension. À compter du 1er janvier 2025, les entreprises de 11 à 49 salariés remplissant certains critères doivent mettre en place au moins un mécanisme de partage. Cette réforme, traduit une volonté de renforcer la redistribution des résultats dans les petites entreprises.
Les entreprises concernées
L'obligation s'adresse aux entreprises de 11 à 49 salariés, qui ne sont pas déjà soumises à l'obligation légale de mise en place de la participation. Elle se déclenche lorsque la société a réalisé, pendant trois exercices consécutifs, un bénéfice net fiscal représentant au moins 1 % du chiffre d'affaires de chaque année. Pour exemple, une PME qui dégage un bénéfice équivalent à 1 % du chiffre d'affaires en 2022, 2023 et 2024 devra instaurer un dispositif dès l'exercice 2025.
Une mesure expérimentale de cinq ans
Le législateur a prévu une phase d'expérimentation de cinq ans, du 1er janvier 2025 au 29 novembre 2028. Cette période permettra d'évaluer l'impact de la réforme sur la motivation et la fidélisation des salariés, l'équilibre financier des entreprises, l'efficacité des différents dispositifs mobilisés. Au terme de cette période, un rapport d'évaluation sera remis et pourra conduire à une généralisation, une adaptation ou un abandon de l'obligation.
Les différents dispositifs
L'INTÉRESSEMENT L'intéressement associe financièrement les salariés aux résultats ou aux performances de l'entreprise sur la base d'objectifs librement choisis. Son principal atout est sa souplesse : qu'ils reposent sur les résultats ou sur la performance, les critères peuvent varier selon les objectifs suivis par l'entreprise. Autre avantage, elle peut être instaurée par décision unilatérale de l'employeur. Mais ce mécanisme a des limites : le montant reste aléatoire, parfois élevé, parfois faible ou nul, car il dépend des résultats connus à la clôture de l'exercice. Par ailleurs, le législateur encadre les délais : l'accord doit être conclu dans les six mois suivant la clôture des comptes. LA PARTICIPATION La participation associe les salariés au profit de l'entreprise, en redistribuant une partie des bénéfices selon une formule précise. Dans le cadre de ce dispositif de participation volontaire, les entreprises auront la possibilité de déroger, y compris dans un sens moins favorable, à la formule légale de participation. La formule de calcul doit néanmoins reposer sur des résultats financiers et non des objectifs liés à la productivité. En pratique, si les résultats se maintiennent, elle garantit un cadre homogène et un montant stable. Toutefois, elle présente des contraintes : sa mise en place suppose la conclusion d'un accord d'entreprise nécessitant la signature des deux tiers du personnel. De plus, la plus grande rigidité de la formule laisse peu de marge de manœuvre, contrairement à d'autres mécanismes comme l'intéressement. Si l'intéressement et la participation diffèrent par leur mode de calcul, ils partagent de nombreux points communs. Tous deux obéissent à un principe collectif : primes versées à tous les salariés ayant au moins trois mois d'ancienneté. Les dirigeants peuvent également en bénéficier, dans la limite de plafonds réglementaires. Ils s'inscrivent dans la durée (généralement d'un à cinq ans), parfois avec reconduction tacite. Autre similitude, le versement est différé (au plus dans les cinq mois après la clôture de l'exercice). La répartition de la prime peut être uniforme, selon les salaires, la durée de présence, ou un mix de ces critères. La gestion passe par un plan collectif : obligatoire pour la participation (PEE ou Perco), fortement recommandée pour l'intéressement. Enfin, ces primes présentent un coût social avantageux : elles échappent aux cotisations patronales et ne supportent que la CSG-CRDS au taux de 9, 7 %. LES PLANS D'ÉPARGNE SALARIALE Le PEE (plan d'épargne entreprise) constitue une épargne à moyen terme, avec des fonds généralement bloqués cinq ans. Le Perco (plan d'épargne retraite collectif) permet de se constituer un complément de revenu disponible au départ à la retraite. Pour encourager l'épargne, l'entreprise peut mettre en place un abondement qui est un versement complémentaire s'ajoutant aux sommes placées par le salarié. Parmi les avantages : le caractère individuel et personnalisable ; chaque salarié choisit librement le montant et les supports. Les dirigeants peuvent aussi en bénéficier, dans les mêmes conditions que leurs équipes. L'abondement est défini par l'entreprise, selon un pourcentage et un plafond fixé par accord interne. Cependant, ces plans présentent aussi des contraintes : les fonds investis sont bloqués sur plusieurs années, ce qui limite leur disponibilité. Pour l'employeur, le principal inconvénient réside dans le manque de visibilité sur le coût, le total des abondements variant selon le nombre de participants et leurs choix d'épargne. Sur le plan financier, l'abondement est soumis à la CSG-CRDS au taux de 9, 7 %. À noter également que les frais de gestion des plans sont supportés par l'employeur. LA PRIME DE PARTAGE DE LA VALEUR La prime de partage de la valeur (PPV) permet aux entreprises de verser une somme commune à l'ensemble des salariés. Son principal atout réside dans sa souplesse : le montant est librement fixé par l'employeur, dans la limite de 3 000 euros par an, voire 6 000 euros, si l'entreprise dispose déjà d'un accord d'intéressement ou de participation. Le versement est immédiat et modulable selon cinq critères : salaire, ancienneté, classification, durée de présence effective ou durée de travail. La mise en place est simplifiée, avec une possible mise en place par une décision unilatérale. Deux PPV distinctes peuvent être versées la même année civile. Mais la prime comporte aussi des limites : elle doit obligatoirement être versée à tous les salariés et intérimaires présents au moment du paiement, sans condition d'ancienneté, et n'est pas accessible aux dirigeants. De plus, elle ne crée aucun engagement : elle peut être supprimée ou réduite d'une année sur l'autre. Enfin, pour les salariés rémunérés sous 1, 6 Smic, elle est prise en compte dans le calcul de la réduction générale des cotisations, ce qui peut limiter l'avantage. Côté coût, la PPV est la plus attractive : il n'y a aucune charge sociale (si le salarié gagne moins de trois fois le Smic). Concrètement, une PPV de 1 000 euros correspond à 1 000 euros nets dans la poche du salarié.
Enjeux et perspectives pour les PME
Les dirigeants d'entreprises disposent de nombreux outils, il est primordial d'anticiper et de mettre en place une stratégie de partage de la valeur adaptée. Un expert-comptable peut vous accompagner, pour répondre à vos interrogations en permettant de traduire l'obligation légale en solution adaptée, sécurisée et optimisée fiscalement. En conclusion, la loi de 2023 marque une étape importante dans la démocratisation du partage de la valeur en France. Désormais, les PME bénéficiaires devront associer leurs salariés à leurs résultats. Si cette obligation peut sembler contraignante, elle traduit une évolution sociétale : la recherche d'un meilleur équilibre entre performance économique et équité sociale. L'avenir dira si ce modèle s'impose durablement.