L'opportunité de la renonciation à succession

par Me Benjamin Duméril
Publié Jeudi 16 octobre 2025

La faculté de renoncer à une succession est prévue à l'article 768 du Code civil et correspond à l'une des trois options possibles pour l'héritier présomptif appelé à recueillir une succession. Elle est quasiment systématique en présence d'une succession déficitaire et prend un tout autre sens lors d'une succession excédentaire.

Anciennement, un mécanisme exclusivement de protection

La renonciation à succession est connue comme un mécanisme de protection, lorsque le patrimoine du défunt est composé majoritairement de dettes excédant l'actif. Dans ce cas, la succession est dite « déficitaire ».   En effet, l'héritier appelé à recueillir une succession, ne souhaitant pas devoir supporter les dettes du défunt sur son propre patrimoine, se protège en établissant une déclaration de renonciation auprès du tribunal judiciaire compétent.   Les créanciers du défunt n'auront pas la possibilité de se retourner contre cet héritier.

Actuellement, un mécanisme également d'optimisation

À l'inverse, dans une succession dont l'actif excède le passif, autrement dit une succession « bénéficiaire », les héritiers n'avaient pas d'intérêt pour eux-mêmes ou leurs descendants à utiliser l'outil de la renonciation jusqu'à une réforme d'envergure.   Cet héritage était alloti aux autres souches d'héritiers. Le mécanisme de la représentation n'existait pas pour un renonçant.   Depuis la loi du 23 juin 2006, la représentation s'applique automatiquement pour un renonçant.   Si une personne renonce à une succession, elle est dès lors représentée par ses propres descendants, que ce soit « en ligne directe » ou bien « en ligne collatérale privilégiée », c'est-à-dire dans ce dernier cas pour les successions entre frère et sœur.   Ainsi, la renonciation à succession est devenue, par cette réforme importante du droit de la famille, un outil de transmission patrimoniale au profit de ses propres descendants. Il est ainsi opéré « un saut de génération ».

Le notaire, acteur de premier plan pour suggérer cette opportunité

À l'ouverture d'une succession, le notaire sera le premier interlocuteur incontournable et privilégié auprès des héritiers pour évoquer ce mécanisme de gestion patrimonial. Ce professionnel, par son rôle de conseil primordial, identifiera la clientèle susceptible d'être intéressée par cet outil d'ingénierie patrimoniale. Il leur proposera cette solution de transmission.   Si un héritier renonçant confirme son intérêt pour cette démarche, le notaire accompagnera ainsi toute la souche d'une famille : il orientera la première génération dans les formalités de renonciation et il rencontrera la deuxième génération pour formaliser avec eux les choix stratégiques de conservation du patrimoine, de cessions ou de partage. Cette renonciation étant individuelle, certains héritiers peuvent faire le choix d'accepter la succession et ainsi hériter personnellement et d'autres choisir de renoncer.

Une opportunité à étudier au cas par cas

Bien entendu, cette renonciation à une succession bénéficiaire, peut ne pas être suivie par les ayants droit pour diverses raisons d'ordre sociologique, psychologique, familial, patrimonial... Cela pourrait être interprété par des membres de la famille comme un désaveu, un manque d'affection, une rupture de tout lien ou d'intérêt envers la personne décédée. En outre, en l'absence de testament, cette décision est nécessairement totale, elle ne peut pas être partielle, ce qui signifie que l'héritier s'efface intégralement au profit de ses propres enfants.   Le professionnel du droit doit donc bien sensibiliser l'héritier en amont sur cette décision et les conséquences qui en découlent.   En effet, le notaire rappellera à l'héritier voulant renoncer que cette décision sera définitive et qu'il ne pourra plus revenir en arrière. En outre, en cas de renonciation par l'héritier, ce dernier laisse ainsi ses propres enfants devoir décider du sort des biens dépendant de la succession avec les propres frère et sœur du renonçant. Autrement dit, les enfants du renonçant se retrouvent face à leur propre oncle et tante pour faire l'arbitrage du patrimoine successoral. Un décalage de point de vue entre deux générations peut ainsi faire apparaître des tensions qui n'auraient peut-être pas vu le jour, si ces décisions avaient été traitées au niveau d'une même génération.   La volonté de transmettre son patrimoine de manière optimale fiscalement devra rester un objectif secondaire. Il sera préférable de garder comme objectif principal le souci de se préserver une enveloppe financière suffisante, pour assumer une incapacité éventuelle à venir.   Cependant, dans un contexte d'allongement de l'espérance de vie, il n'est pas rare d'hériter de ses parents à un âge avancé. L'âge moyen pour hériter est d'un peu plus de 50 ans aujourd'hui, alors que dans les années 1980, il était de 40 ans. L'héritier peut évidemment être amené à se poser la question de l'opportunité de conserver cet héritage pour lui-même ou bien s'il envisage d'en faire profiter ses propres enfants, qui commencent à s'installer dans la vie. Enfin, l'héritier peut déjà être dans une stratégie de transmission de son propre patrimoine à ses enfants.

Une fois la décision prise, un beau levier d'optimisation fiscale

Cette transmission aux descendants du renonçant a un intérêt non négligeable : elle ne sera pas qualifiée de donation indirecte entraînant la perception de droits de donation. Ces descendants seront réputés avoir hérité directement du défunt, par la représentation du renonçant.   Avant la loi de 2006, l'héritier devait accepter la succession et payer des droits de succession sur cette première transmission, puis, pour la retransmettre lui-même à ses enfants, régler à nouveau des droits de donation ou de succession, le cas échéant.   Maintenant, si l'héritier n'a pas besoin financièrement de cet héritage, il peut y renoncer. Ses descendants pourront en profiter pleinement directement. C'est cette économie qui est ainsi réalisée en évitant une double taxation de droits. De même, l'économie est réalisée sur les frais d'actes, puisque ce saut de génération évite la perception de frais d'actes à la première transmission, puis à la seconde.   Les enfants du renonçant bénéficient également de l'abattement personnel de leur auteur qu'ils se partagent entre eux dans leur souche et sont taxés aux droits de succession au tarif de leur auteur. Aujourd'hui, l'abattement personnel en ligne directe est de 100 000 euros de parent à enfant. Un petit-enfant qui hériterait directement de son grand-parent ne pourrait pas prétendre à cet abattement personnel à se partager dans leur souche, mais à un abattement de 1 594 euros seulement. De même, l'abattement en ligne collatérale privilégiée est de 15 932 euros entre frère et sœur. Un neveu ou une nièce qui hériterait directement de son oncle ou de sa tante, ne pourrait pas prétendre à cet abattement à partager dans sa souche, mais à un abattement de 7 967 euros.   Dans une renonciation en ligne directe, chaque enfant du renonçant profitera du tarif au taux progressif de 5 à 45 %. Dans une renonciation en ligne collatérale privilégiée, chaque enfant du renonçant bénéficiera du tarif au taux progressif de 35 à 45 %, au lieu du taux à 55 %, s'il venait de son propre chef comme neveu ou nièce. Ainsi, par rapport à une autre souche n'ayant pas réalisé de renonciation, les enfants du renonçant régleront moins de droits de succession que l'autre souche. En outre, plus la souche du renonçant compte un nombre important d'enfants plus ce bénéfice sera accru !   Seule la renonciation dans une succession sans testament a été présentée. D'autres formes de renonciation favorisant une optimisation fiscale existent : le bénéfice d'un contrat d'assurance-vie, la succession testamentaire ou encore le cantonnement d'une donation entre époux. Appuyez-vous sur votre notaire pour vous guider face à ces multiples possibilités d'optimisation ! Par Me Benjamin Duméril, notaire.