Présence internationale en France : trois modèles à la loupe
Avant de s'installer durablement en France, les groupes étrangers doivent choisir la bonne forme d'implantation. Selon le niveau d'activité et d'autonomie, les obligations juridiques et fiscales varient fortement.
Malgré l'instabilité économique des derniers mois, la France attire toujours de nombreuses entreprises étrangères, séduites par la taille de son marché, la qualité de sa main-d'œuvre et la diversité de son économie. Mais avant d'y exercer une activité, il faut choisir la forme d'implantation adaptée. Bureau de liaison, succursale ou société de droit français : trois options, trois régimes et des conséquences fiscales très différentes.
Le bureau de liaison : une présence légère, sans activité commerciale
Le bureau de liaison (ou de représentation) permet de tester le marché français sans créer de structure juridique. Il sert de relais entre le siège étranger et ses prospects français : études de marché, actions de communication, missions de prospection. Il ne peut ni facturer ni signer de contrats. Toute activité génératrice de revenus entraînerait une requalification en établissement stable, avec imposition à l'impôt sur les sociétés et la TVA. L'établissement stable est un terme fiscal qui définit une unité économique qui réalise un cycle complet (prospection, production, facturation).
Obligations juridiques et comptables
Le bureau n'a pas de personnalité morale : il dépend entièrement du siège étranger. Il n'y a pas d'obligation de l'immatriculer au registre du commerce et des sociétés (RCS), mais il faut déclarer son existence auprès du guichet des formalités des entreprises (le guichet unique), ce qui peut mener à l'attribution d'un numéro Siret notamment lors de l'embauche de salariés. La tenue d'une comptabilité autonome n'est pas obligatoire.
Fiscalité et social
Le bureau n'est pas imposé en France, il ne dispose pas d'un numéro de TVA intracommunautaire français. En revanche, il est soumis aux obligations sociales françaises s'il emploie du personnel local : affiliation à l'Urssaf, fiches de paie et prélèvement à la source. Il n'existe pas de limite en termes de nombre de salariés, mais l'interdiction de réaliser un cycle économique complet sous-entend de disposer uniquement de ressources limitées.
Au-delà de la prospection commerciale, cette solution peut être utilisée pour disposer sur le territoire français d'équipes SAV en charge de la maintenance d'équipements vendus par la société étrangère en France. Dans ce cas, les équipes se limitent à des interventions purement techniques.
La succursale : un prolongement du siège étranger, mais immatriculé en France
La succursale (ou branche d'activité) constitue une extension stable de la société étrangère en France. Elle exerce une activité commerciale au nom du siège. Au contraire du bureau de liaison, la succursale réalise un cycle économique complet.
Obligations juridiques et comptables
Elle doit être immatriculée au RCS, obtenir un numéro Siret et désigner un représentant légal. Elle n'a pas de statuts propres, mais ceux du siège doivent être traduits et déposés au greffe du tribunal de commerce. Le siège étranger reste seul responsable des dettes contractées en France. La succursale doit tenir une comptabilité autonome de ses opérations françaises. Cette comptabilité n'est pas soumise aux règles édictées par le Code de commerce, mais dans la réalité, elle doit permettre la production d'un fichier qui répond aux normes de l'administration fiscale française (fichier des écritures comptables). La succursale n'est pas tenue de déposer ses comptes, mais dans les faits, cet acte est demandé par le greffe sous peine d'amende.
Fiscalité et social
Seuls les bénéfices imputables à son activité française sont imposables. Les flux intragroupes doivent être justifiés et valorisés selon les règles de prix de transfert. Les succursales peuvent être soumises à un contrôle fiscal français. L'administration peut demander les documents du siège qui justifient les opérations de la branche, mais pas la comptabilité complète de l'établissement principal étranger. Ici, le siège étranger est exposé au risque fiscal de manière plus importante qu'il ne le serait avec une filiale de droit français. En effet, la succursale n'a pas de personnalité morale propre, impliquant davantage le siège étranger en cas de contrôle fiscal par rapport à une filiale qui a une personnalité morale distincte La succursale est soumise aux obligations sociales françaises si elle emploie du personnel local : affiliation à l'Urssaf, fiches de paie et prélèvement à la source.
D'un point de vue économique, fiscal et social, la succursale fonctionne comme une société à part entière, elle diffère dans son fonctionnement juridique et sa gouvernance. Enfin, la recherche de financement peut s'avérer plus complexe devant la frilosité des créanciers à contracter avec une personne morale de droit étranger.
La société de droit français : une filiale à part entière
Créer une société de droit français offre une autonomie juridique totale. La société est dotée de sa propre personnalité morale : elle détient son patrimoine, signe ses contrats et est responsable de ses dettes. C'est la formule privilégiée dès qu'une activité durable et structurée est envisagée.
Obligations juridiques et comptables
Elle doit être immatriculée au RCS, avec statuts, capital et dirigeants, tenir une comptabilité complète selon les dispositions du Code de commerce, et le cas échéant désigner un commissaire aux comptes si les seuils légaux sont dépassés. Au contraire de la succursale, elle doit tenir une assemblée générale annuelle et déposer ses comptes au greffe.
Fiscalité et social
Dans les cas où l'activité de la filiale est fortement liée à celle du groupe (distribution de produits, mise à disposition de ressources), il est important de veiller au respect des règles en matière de prix de transfert. Il faut pouvoir justifier de l'application de conditions commerciales de marché au sein même du groupe. Le fait de dépendre d'une maison mère étrangère n'a pas d'impact sur la détermination de la taille de l'entreprise pour les règles de seuils en matière fiscale et sociale. Ce sont les mêmes que pour une société membre d'un groupe français.
En conclusion
Le choix entre bureau de liaison, succursale ou filiale dépend du degré d'autonomie commerciale que l'entreprise souhaite accorder à sa présence française. Un bureau de liaison convient pour sonder le marché ; la succursale pour développer une activité commerciale encadrée ; la société de droit français pour s'ancrer durablement. Selon la stratégie et le développement des activités du groupe étranger en France, il est possible voire naturel de transformer un bureau de liaison en succursale, qui elle-même peut être filialisée au sein d'une structure juridique autonome.

