L'avenir incertain des locations de courte durée de type AirBnb
Les locations de courte durée, popularisées par des plateformes comme Airbnb, ont longtemps incarné une manière simple et lucrative d'exploiter un bien immobilier. Elles ont permis à de nombreux propriétaires de compléter leurs revenus, tout en conservant une grande souplesse d'usage.
Le modèle de locations de courte durée, autrefois considéré comme une opportunité presque évidente, se trouve aujourd'hui fortement bousculé. Entre les nuisances liées aux allées et venues des touristes, la crispation croissante dans les copropriétés, les contestations des voisins et le durcissement progressif des règles légales, la location de courte durée vit un véritable tournant.
La jurisprudence l'a illustré dès 2018, lorsque la Cour de cassation a confirmé l'interdiction d'un ensemble de locations touristiques assimilables à une activité quasi hôtelière dans un immeuble d'habitation.
Les rotations permanentes et les prestations proposées avaient été jugées incompatibles avec la destination de l'immeuble. Ce type de décision s'est depuis multiplié, annonçant un changement d'ère.
Le cadre juridique général de la location courte durée
Le Code du tourisme définit les meublés de tourisme comme des logements meublés loués à une clientèle de passage n'y élisant pas domicile.
La résidence principale peut être louée jusqu'à 120 jours par an (90 dans certaines communes), généralement sans autorisation de changement d'usage, mais parfois avec une obligation de déclaration préalable.
La résidence secondaire, elle, ne peut être louée en courte durée qu'après obtention d'une autorisation de changement d'usage, parfois accompagnée d'un changement de destination en hébergement hôtelier, ainsi que d'une déclaration en meublé de tourisme.
La déclaration en mairie est obligatoire pour tout meublé de tourisme, sauf exception pour la résidence principale lorsque la commune n'a pas prévu une déclaration systématique. La location d'une simple chambre dans sa résidence principale n'entre pas dans ce régime, tout comme les chambres d'hôtes ou les locations meublées classiques d'un an ou neuf mois.
La location répétée en courte durée constitue un changement d'usage, sauf lorsqu'il s'agit de la résidence principale. Dans les grandes villes et en petite couronne parisienne, cette autorisation est impérative. Ailleurs, elle dépend des choix municipaux. Le non-respect entraîne la nullité des conventions et peut donner lieu à des sanctions civiles ou pénales.
Une nouvelle loi dite « loi anti-Airbnb »
Des contraintes générales imposées par cette loi
La loi du 19 novembre 2024, rapidement surnommée « loi anti-Airbnb », instaure un tournant majeur. Toute location de courte durée devra être déclarée via un téléservice national donnant lieu à un numéro d'enregistrement, obligatoire sur chaque annonce au plus tard en mai 2026 et généralisé à l'ensemble du territoire.
Les communes accèdent aux données déclarées et voient leurs pouvoirs considérablement renforcés. Elles peuvent soumettre le changement d'usage à autorisation, suspendre un numéro en cas de péril ou d'insalubrité ou encore instaurer des quotas pour limiter le nombre de meublés touristiques sur leur territoire.
Elles peuvent également créer, par le plan local d'urbanisme, des secteurs réservés à l'habitation principale, empêchant qu'un quartier entier soit progressivement transformé en zone de locations saisonnières. Le dispositif de changement d'usage peut désormais s'appliquer aussi aux locaux initialement non destinés à l'habitation, pour éviter les détournements consistant à transformer bureaux ou commerces en meublés touristiques sans contrôle.
La loi introduit enfin une contrainte environnementale majeure : depuis le 1er janvier 2025, une résidence secondaire classée G au DPE ne peut plus être louée en courte durée. Les logements classés F ou G déjà exploités disposent de dix ans pour atteindre au minimum la classe D. Et à partir de 2034, tous les meublés touristiques devront afficher un DPE compris entre A et D, s'alignant ainsi sur les exigences du parc locatif longue durée.
Des contraintes imposées par cette loi, spécifiques aux copropriétés
Les copropriétés voient aussi leur rôle évoluer. La loi modifie l'article 26 de la loi de 1965 et autorise désormais l'interdiction des meublés touristiques, mais sous trois conditions strictes : l'immeuble doit avoir une destination « d'habitation bourgeoise exclusive », le règlement doit déjà interdire les activités commerciales dans les lots d'habitation et l'interdiction ne peut viser que les locations de courte durée hors résidence principale. Le vote doit être acquis à la majorité des deux tiers de tous les copropriétaires.
La jurisprudence récente (Cass. 3e civ., 25 janvier 2025) précise que l'activité de location peut devenir commerciale dès lors qu'elle comporte des prestations para-hôtelières telles que ménage régulier, fourniture de linge, petit-déjeuner ou conciergerie, ce qui facilite sa contestation dans les immeubles à destination exclusivement bourgeoise.
Les règlements de copropriété modifiés devront désormais intégrer clairement la politique de l'immeuble vis-à -vis des meublés touristiques, ce qui sécurise les décisions d'assemblée générale et limite les contentieux. Par ailleurs, même si la copropriété autorise la location, le maire peut suspendre une activité dans un lot frappé d'un arrêté de péril ou d'insalubrité et demander le retrait de l'annonce aux plateformes.
Les quotas municipaux s'imposent également aux immeubles : une copropriété située dans un secteur où le quota est atteint ne peut plus accueillir de nouveaux meublés de tourisme, même si le règlement est permissif. Enfin, les données transmises par les plateformes permettront aux syndics et aux conseils syndicaux d'identifier les locations non déclarées, de vérifier le respect du règlement de copropriété et, le cas échéant, d'engager des actions en cessation.
La fiscalité du meublé de tourisme
La loi modifie aussi le régime micro-BIC. Pour les meublés de tourisme non classés, le seuil de 15 000 euros est maintenu avec un abattement de 30 %. Pour les meublés de tourisme classés et les chambres d'hôtes, le plafond est désormais fixé à 77 700 euros et l'abattement ramené à 50 %, alignant ce régime sur celui des locations longues. Les revenus doivent être reportés en case 5ND pour le micro-BIC ou dans la déclaration des recettes réelles pour le régime réel.
Un changement majeur concerne enfin le statut de loueur en meublé non professionnel : les amortissements déduits au fil des années devront désormais être réintégrés dans le calcul de la plus-value en cas de cession, ce qui augmente mécaniquement l'imposition lors de la revente. Concrètement, le prix d'acquisition sera diminué du montant des amortissements pratiqués, empêchant qu'un propriétaire efface une partie de son gain imposable par le seul jeu de ces déductions comptables.
Dans ce contexte profondément renouvelé, les enjeux entourant les meublés de tourisme doivent désormais être appréhendés avec attention, aussi bien par les acquéreurs que par les notaires.
Ce modèle de location, longtemps perçu comme une opportunité simple et particulièrement rentable, fait aujourd'hui l'objet d'une appréciation beaucoup plus nuancée. Entre exigences déclaratives, contraintes énergétiques, pouvoirs renforcés des communes et possibilités nouvelles d'interdiction en copropriété, la prudence juridique s'impose afin d'évaluer correctement la faisabilité et la pérennité de tout projet de location de courte durée.

