Optimiser la transmission d'un bien reçu de ses parents par donation

par Me Charles-Alexis
Publié Jeudi 20 novembre 2025

Recevoir un bien de ses parents marque souvent une étape clé dans la construction de son patrimoine. Pourtant, ce bien n'a pas vocation à rester immobile entre les mains de celui qui l'a reçu. Hérité d'une première transmission, il appelle à son tour une réflexion sur la manière dont il sera transmis aux générations suivantes.

Imaginons une situation très courante : des parents souhaitent anticiper la transmission de leur patrimoine et réalisent une donation au profit de leur enfant. Soucieux de préserver leur usage du bien, ils choisissent de ne donner que la nue-propriété, en conservant l'usufruit jusqu'à la fin de leur vie.

En raison de l'allongement de la durée de vie, il n'est plus exceptionnel que l'enfant donataire, bénéficiaire de la donation et titulaire de la nue-propriété, envisage à son tour de transmettre ce même bien à ses propres enfants, afin de prolonger la chaîne de transmission initiée par ses parents. Deux options s'offrent alors à lui : procéder à une simple donation de la nue-propriété, solution classique, ou opter pour une voie plus aboutie, la donation-partage transgénérationnelle avec réincorporation, dont les effets civils et fiscaux sont particulièrement avantageux.

La solution traditionnelle : consentir une nouvelle donation de la nue-propriété

Lorsqu'un bien a été transmis par les parents sous forme de démembrement (l'usufruit étant conservé par eux, et la nue-propriété donnée à l'enfant), celui-ci devient nu-propriétaire du bien, mais ne peut ni en jouir, ni en percevoir les revenus.

Toutefois, ce nu-propriétaire peut, sans remettre en cause l'usufruit de ses parents, donner la nue-propriété dont il dispose à ses propres enfants.

La valeur de la nue-propriété et de l'usufruit est fixée en pourcentage de la valeur du bien en fonction de l'âge de l'usufruitier. Cette évaluation dépend notamment de l'espérance de vie : plus l'usufruitier est âgé, plus la valeur de son usufruit baisse, ce qui accroît d'autant celle de la nue-propriété. La loi prévoit également que, pour évaluer la nue-propriété d'un bien, seuls les usufruits existants au jour de la donation de la nue-propriété doivent être pris en considération.

En conséquence, dans notre situation, la valeur de la nue-propriété doit être déterminée en prenant en compte l'usufruit existant au nom des donateurs initiaux, à savoir les grands-parents. La valeur transmise sera ensuite soumise aux droits de donation selon le barème applicable en ligne directe, après application de l'abattement de 100 000 euros existant entre parents et enfants.

Cependant, l'enfant nu-propriétaire peut également souhaiter disposer, comme ses parents, d'un droit de jouissance sur le bien. Il peut alors être envisagé de constituer à son profit un usufruit successif, destiné à prendre effet au décès de ses parents. Dans une telle hypothèse, la pleine propriété ne reviendra aux petits-enfants qu'après le décès des usufruitiers initiaux, grands-parents, et de leur parent.

De la même manière que précédemment, la nue-propriété sera valorisée en tenant compte de l'usufruit ouvert au jour de la donation, c'est-à-dire en fonction de l'âge des grands-parents usufruitiers de premier rang. Toutefois, dans cette situation, le Code général des impôts prévoit un correctif. Le petit-enfant pourra demander une restitution d'impôt égale à ce qu'il aurait acquitté en moins si la base imposable, c'est-à-dire la valorisation de la nue-propriété objet de la donation, avait été déterminée selon l'âge de son auteur immédiat et non selon celui de ses grands-parents au jour de la donation.

Il convient toutefois de rappeler qu'une réponse ministérielle subordonne ce droit à restitution au fait que le donataire, le petit-enfant, ait personnellement acquitté les frais de la donation. Or, en pratique, ces frais et droits sont le plus souvent réglés par le donateur, en raison de l'avantage fiscal que cette prise en charge procure. Il convient donc d'être particulièrement attentif dans une telle situation.

Une telle donation de nue-propriété, qu'elle soit assortie ou non d'un usufruit successif, entraîne des incidences particulières sur le règlement des successions, des grands-parents et de l'enfant, et sur la fiscalité, ce qui nécessite une analyse approfondie.

Une approche plus aboutie : la donation-partage transgénérationnelle avec réincorporation

Si la donation simple de la nue-propriété constitue une possibilité, elle peut être astucieusement remplacée par un dispositif plus global et harmonieux : la donation-partage transgénérationnelle avec réincorporation. Dans une perspective d'anticipation efficace des successions futures, la mise en œuvre d'une donation-partage transgénérationnelle, avec réincorporation de cette donation, constitue souvent un choix déterminant permettant notamment de préserver la possibilité pour le donataire initial de bénéficier, le moment venu, d'un usufruit sur les biens.

La donation-partage transgénérationnelle

Une donation-partage peut être consentie au profit de descendants de générations différentes et inclure simultanément les enfants et les petits-enfants. Elle prend alors la dénomination de donation-partage transgénérationnelle. La condition principale étant que les enfants acceptent que leurs propres descendants soient allotis en leur lieu et place (partiellement ou totalement). Le raisonnement s'opère alors par souche : chacun des enfants, génération intermédiaire, accompagné de sa propre descendance, forme une souche familiale.

Véritable pacte de famille, la donation-partage transgénérationnelle permet alors au donateur, le grand-parent, d'effectuer les attributions qu'il souhaite au sein de chacune des souches - par exemple, attribuer directement aux petits-enfants dans l'une, et uniquement à l'enfant dans l'autre.

Le recours à la réincorporation

Mieux encore, un enfant ayant déjà reçu un bien dans une donation antérieure peut le réincorporer dans une nouvelle donation-partage transgénérationnelle. Cette réincorporation présente plusieurs avantages.

Elle offre notamment au donateur la possibilité de redistribuer les biens donnés précédemment à un enfant, aux petits-enfants, soit au sein d'une même souche, soit en modifiant la répartition entre les souches. Ce mécanisme est alors une réponse élégante aux évolutions familiales : recompositions, inégalités de situations entre enfants, ou volonté d'aider directement les petits-enfants dans leurs projets (études, logement, création d'entreprise). Il peut notamment permettre de prévoir un usufruit pour la génération intermédiaire, laquelle pourra à son tour, le moment venu, bénéficier d'un droit de jouissance sur les biens réincorporés.

Un levier fiscal d'allègement durable

La donation-partage transgénérationnelle avec réincorporation bénéficie d'un régime fiscal particulièrement avantageux : lorsqu'elle se limite à incorporer un bien précédemment donné au sein d'une donation datant de plus de 15 ans, et à le réattribuer à un descendant du donataire initial, seul le droit de partage au taux actuel de 2, 5 % est dû. Ce droit s'applique sur la valeur des biens réincorporés appréciée à la date de la réincorporation.

Lorsque la donation initiale remonte à moins de 15 ans, une telle réattribution du bien est soumise aux droits de mutation à titre gratuit, selon les règles applicables entre le donateur et le petit-enfant bénéficiaire, avec la possibilité d'imputer les droits acquittés par la génération intermédiaire lors de la première transmission.

Conclusion

La donation-partage transgénérationnelle dépasse la simple technique juridique : elle s'inscrit dans une logique de transmission réfléchie. Réunissant trois générations autour d'une même conception du patrimoine familial, la réincorporation d'un bien reçu antérieurement dans une donation-partage transgénérationnelle permet à chacun de contribuer à une démarche commune : préserver l'histoire familiale, maintenir l'unité du patrimoine et assurer une transmission ordonnée, tout en optimisant fiscalement sa continuité.

Avec l'accompagnement de son notaire, chacun peut ainsi transformer un bien hérité en un instrument de stabilité et d'harmonie familiale.