En cette rentrée, Emmanuelle Bibard entame sa première saison à la tête de l'Amphithéâtre du Pont-de-Claix (parce qu'on dit Le Pont-de-Claix nous apprend-t-elle !). Avec la volonté d'en faire un lieu de création contemporaine ancré dans la cité. Propos recueillis par AM
Suite au départ forcé de Michel Belletante, vous avez été nommée à la tête de l'Amphithéâtre en janvier dernier. Pas un peu tard pour élaborer une saison ?
Emmanuelle Bibard : Dès janvier, j'ai commencé à venir un peu de manière épisodique, comme je travaillais encore à la Biennale de la danse de Lyon. J'ai pris réellement mes fonctions au service culturel de la ville du Pont-de-Claix le 1er mars 2010, même si, effectivement, Michel Belletante était directeur de l'Amphithéâtre jusqu'au 31 août dernier. C'était vraiment un choix de la municipalité de prendre quelqu'un dès le mois de mars pour pouvoir préfigurer un nouveau projet, une nouvelle ambition, une nouvelle manière d'être en relation avec le public. Cette période de transition n'a pas été si simple que ça – il faut être honnête –, ni pour Michel, ni pour moi, puisqu'on était sur une configuration avec deux directeurs en même temps. Mais on a joué cartes sur table dès janvier, entre la municipalité, Michel et moi, pour se dire que Michel était dégagé de la programmation. On s'est simplement mis d'accord sur trois équipes artistiques avec lesquelles il s'était déjà engagé [la cie du Bonhomme, le Vox International Théâtre, et Théâtre et Compagnie du même Michel Belletante – NDLR].
Quelle va être la couleur de la nouvelle programmation de l'Amphithéâtre ?
La vraie différence, à mes yeux, c'est une envie d'ouverture à tous les genres artistiques. Que sur ce territoire, on puisse se dire qu'on a accès à différentes facettes du spectacle vivant, près de chez soi. C'est véritablement ce que j'ai envie de dire aux personnes qui habitent Le Pont-de-Claix ou les communes environnantes du canton de Vif : ici, on va pouvoir voir du théâtre bien sûr, mais aussi de la danse contemporaine, du nouveau cirque, de la musique. Et puis des spectacles hors les murs, un des axes de renouvellement voulus par la municipalité. Il va y avoir 1/5e des projets de l'Amphithéâtre qui vont se passer en dehors du plateau, dans l'espace public : au parc Borel, à la gare TER, ou bien, pour les portes ouvertes début octobre, sur la place Michel Couëtoux, devant l'Amphithéâtre. Et la deuxième couleur, outre cette ouverture à tous les genres artistiques, c'est le mélange des disciplines. Beaucoup d'artistes et de metteurs en scène sont dans cette dynamique aujourd'hui. J'ai très envie des les accompagner sur ces formes étranges, hybrides, inclassables. Le projet s'entend très bien au niveau de la ville du Pont-de-Claix.
Mais n'y a-t-il pas le risque de se retrouver avec une énième salle généraliste dans l'agglo ?
Je pense qu'au sein de toutes les disciplines, il y a des courants, des familles artistiques, et pour l'instant, dans le dialogue avec mes confrères, je ne sens pas du tout de redondance, de juxtaposition ; mais plutôt des choses qui sont très complémentaires et pourraient ainsi nous permettre, les uns les autres, de renforcer la présence de disciplines rares. Je pense notamment à l'opéra : j'ai très envie qu'il y ait du lyrique, des opéras de poche par exemple. Ce sont des formes que les spectateurs ont peu l'occasion de voir dans l'agglomération, alors si on en fait à l'Amphithéâtre, à la Rampe, à l'Heure Bleue, cela peut renforcer un public pour cette discipline autour de Grenoble.
Dans votre projet artistique, vous avez choisi de suivre certains artistes sur plusieurs saisons...
Je vais travailler sous forme de compagnonnage – pour l'instant, je n'appelle pas ça résidence ou artiste associé, car il y a des choses à tester en fonction des envies et des ambitions de chacun. Il y aura donc trois compagnons de route : Ennio Sammarco de l'association Woo, qui est aussi danseur et assistant à la chorégraphie chez Maguy Marin ; Michel Laubu, qui a fondé il y a une vingtaine d'année le Turak Théâtre à Lyon, un théâtre d'objets et de marionnettes ; et le collectif grenoblois Ici-Même, qui a une approche très forte de l'espace public, et qui va nous apporter un regard différent sur les quartiers, la ville, et pourquoi pas, des liens avec les entreprises...
Ces trois compagnons, comme d'autres artistes de la saison, sont de la région. Un choix délibéré ?
Quand je dis que je souhaite que l'Amphithéâtre soit une salle de création contemporaine près de chez soi, il y a aussi pour moi, dans la relation aux artistes, quelque chose qui est de l'ordre de la proximité. Quand on n'est pas loin, on peut développer des liens plus forts, se voir plus souvent, envisager des actions régulières... Ce qui n'empêche pas aussi, comme ce sera la cas cette saison, de garder une ouverture internationale.