Alors qu'il y a tout juste cinq ans, la mairie du Pont-de-Claix décidait de changer totalement la ligne de son théâtre en l'axant sur la création très contemporaine, nouveau changement avec la reprise en main de l'équipement par cette même mairie. En cause, la programmation de la directrice jugée trop élitiste. On fait le point avec les acteurs concernés.
« Un coup de théâtre tellement violent. » Forcément, Emmanuelle Bibard, directrice de l'Amphithéâtre depuis 2010, ne prend pas très bien la fin de la convention entre la mairie du Pont-de-Claix et Amphipédia, l'association qui gère l'Amphithéâtre, puisque cela signifie la non-reconduction de son projet. « C'est une décision politique arbitraire, un repli sur soi inquiétant par rapport à l'héritage des années 1980 » – les fameuses années Jack Lang.
« On ne ferme pas une salle, on la reprend » assure pourtant Corinne Grillet, adjointe à la culture auprès du maire Christophe Ferrari depuis les dernières élections. Une décision motivée par un bilan jugé trop faible niveau « ancrage avec le territoire ». Corinne Grillet nous parle de « programmation élitiste », alors qu'elle en souhaiterait une plus à l'écoute des habitants de sa ville « qui ne vont même pas au cinéma ».
Emmanuelle Bibard, elle, condamne ces « élus qui veulent de la rentabilité à court terme », assurant qu'un travail en direction des habitants était mené depuis 2010 par son équipe, avec notamment chaque année un hors les murs ou encore un voyage culturel à l'étranger avec « 80% de Pontois dans le bus ».
Le « laboratoire » Pont-de-Claix
Nous avons bien sûr tenté de joindre le maire (qui est également président de la Métro, la communauté d'agglomération de Grenoble), mais on nous a renvoyés vers son adjointe, comme s'il souhaitait rester le plus loin possible de la polémique. Pourtant, c'est bien lui qui a nommé Emmanuelle Bibard en 2010 (Corinne Grillet était adjointe à l'éducation lors du précédent mandat) et porté ce changement remarqué à l'époque : remplacer l'homme de théâtre Michel Belletante par une non-artiste venue des Biennales de Lyon.
D'où un nouveau projet centré sur toutes les formes de spectacle vivant avec un axe fort mis sur les expressions contemporaines qui a d'emblée fait de l'Amphithéâtre une scène innovante ayant largement de quoi rivaliser avec ses grandes sœurs de l'agglo. « Quand il m'a nommée, le maire m'a dit : "la culture n'est pas une science exacte. Vas-y, expérimente, fais du Pont-de-Claix un laboratoire ". » Ça aura duré cinq saisons.
Ici en ville
La convention avec l'association s'arrêtera fin août. Pour « donner les clés de l'Amphithéâtre aux Pontois » et « l'ouvrir à tous », Corinne Grillet évoque un programme de conférences ou encore du théâtre amateur pour que les habitants viennent voir leurs enfants, amis, collègues... Le lieu sera géré par le directeur des affaires culturelles de la Ville, sachant que cette configuration permettra de faire des économies par rapport à la précédente (400 000 euros de subventions municipales), même si en abandonnant le statut de scène régionale, la municipalité s'assoit sur 200 000 euros de financements croisés venant de la région, du département et du ministère de la culture. Mais qu'importe croit-on comprendre, l'idée qui occupe en ce moment la mairie étant les Grands Moulins de Villancourt, futur centre d'art et de culture scientifique qui, par ailleurs, donne très envie.
Quant à l'Amphithéâtre version Emmanuelle Bibard, il continuera de vivre jusqu'à la fin de la saison, avec en clôture un « ailleurs en ville » (le nom de son hors les murs) gratuit prévu le vendredi 22 mai sur la place Michel Couëtoux avec la chorégraphe Julie Desprairies. Après, on verra bien...
L'édito sur le sujet du PB n°964