Joël Dicker : « Un livre qui se vend bien, dans l'esprit tortueux de certains, serait un livre qui n'est pas bon »

Joël Dicker

FNAC Grand'Place

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Roman / Il est Suisse, jeune, sympa, bel homme, et a vendu 3 millions d’exemplaires de "La Vérité sur l’affaire Harry Québert", publié en 2012. Après "Le Livre des Baltimore", Joël Dicker publie une nouvelle suite de ce best-seller, "L’affaire Alaska Sanders", dans sa veine habituelle : une intrigue, une écriture simple et des cliffhangers qui vous empêchent de refermer le livre. Échange avec le chouchou du roman populaire, avant sa venue à Grenoble début juin.

Dans ce nouveau roman, L’affaire Alaska Sanders, on retrouve Marcus Goldman et Harry Québert, ces personnages qui ont fait votre notoriété. Est-ce que les remettre en scène s’est imposé à vous ? 

C’était une envie que j’ai eue quand j’ai écrit Harry Québert, ce qui remonte à 2009 ; j’avais déjà le projet de faire un cycle de trois livres. C’était évidemment avant le succès, avant tout ça, je n’avais pas du tout imaginé ce qui allait se passer pour Harry Québert et tous ces lecteurs ; jusque-là mes livres n’étaient lus par absolument personne. Mais La Vérité sur l’affaire Harry Québert se terminait par "à suivre", car j’avais déjà dans l’idée de faire une suite. Mais ce projet a été un peu interrompu par le succès, tout à coup je me suis dit que si je faisais la continuité maintenant, les gens allaient se dire que c’est facile, « le 1 a marché donc il fait le 2 »… Au fond, j’ai laissé passer un peu de temps, pour défier cette envie d’écrire la suite. J’ai écrit d’autres livres, le temps a passé, et je me suis rendu compte dix ans après que l’envie de faire ce cycle me travaillait toujours. J’étais presque agacé, à me dire, mais comment j’ai pu ne pas aller au bout de cette idée ? Donc je m’y suis mis, et je me suis rendu compte que j’étais vraiment dedans.

Dix ans après, quel regard portez-vous sur l’énorme retentissement de La Vérité sur l’affaire Harry Québert

Il y a quelque chose de nouveau dans votre vie : tout à coup, vous êtes lu. Pour moi, c’était un changement très soudain par rapport à mes précédents livres. Il faut apprendre à composer avec, mais c’est un bon souci, très enthousiasmant. Je suis en tournée des librairies et c’est très touchant de voir ces lecteurs qui viennent, qui me parlent de ce qu’ils ont lu, ce qu’ils ont aimé…. C’est très fort.

Dans quelle mesure votre héros Marcus Goldman vous ressemble ? 

C’est une bonne question, parce qu’il n’y a rien de moi en lui, mais en même temps il y a beaucoup. J’écrivais des livres qui étaient refusés par tout le monde, qui n’étaient pas lus, dans le fond ; j’étais un peu perdu dans ce que je voulais faire. Et j’ai créé ce personnage de Marcus, justement en me disant que j’allais écrire quelque chose d’autre que ma propre vie, faire une vraie fiction. Donc je l’ai créé à l’antithèse de ce que j’étais à ce moment-là : il a écrit un premier livre, il a un succès énorme… D’un côté, ça n’a rien à voir avec moi ; de l’autre, en créant un personnage à l’opposé de ce que je suis, il est complètement lié à moi puisqu’il est calqué sur ce que je ne suis pas. C’est le plaisir, le mystère et la force de la création : même quand vous faites quelque chose qui n’est pas vous, ça raconte quelque chose de vous. C’est une réponse pas très claire, mais elle se situe au fond dans ce que la création est, c’est-à-dire une projection de soi, de ce qu’on est, de ce qu’on a vécu, aimé, réalisé.

Jean-Jacques Annaud avait adapté en série télévisée La Vérité sur l’affaire Harry Québert ; pourrait-il réaliser l’adaptation de L’affaire Alaska Sanders ?

Alors ça, je ne sais pas, il faut lui poser la question ! On verra ce qu’il se passe, mais il n’y a rien de concret pour le moment.

Après la fermeture de votre maison d’édition historique, celle de Bernard De Fallois, vous êtes devenu vous-même éditeur. Pourquoi ce choix ? 

Comme la maison d’édition a fermé, j’ai dû donner une nouvelle orientation à ma carrière. Je me suis posé beaucoup de questions, c’est un processus qui remonte à la mort de Bernard, donc en 2018. J’ai eu le temps de me rendre compte que je n’avais pas envie d’aller chez un éditeur conventionnel, déjà existant, car j’aurais eu l’impression de trahir Bernard. Peu à peu, l’évidence a été de monter ma propre maison, dans la lignée de ce qu’il avait fait pour moi, en étant dans la transmission.

Comptez-vous éditer d’autres livres que les vôtres ? 

À partir de 2023, oui. L’idée est de faire paraître des coups de cœur, des livres que j’ai envie de partager. C’est une petite maison, ce sont les titres qui donneront sa couleur à la maison. L’idée c’est de mettre ma notoriété au service d’autres livres, et de parler à mes lecteurs d’autres livres que les miens. Et de rassembler autour de la lecture, parce que je crois que le rôle des éditeurs et de toute la chaîne du livre, c’est aussi de faire lire, et pas que les livres qu’on a écrits et qu’on fait paraître. Je crois que plus les gens lisent, plus ils ont envie de lire, donc l’idée est de créer une émulation générale autour des livres, sans passer son temps à tirer la couverture à soi.

C’est dans cette idée que vous animez votre propre Club des écrivains ? 

Oui, je reçois beaucoup de questions autour de l’écriture, je vois que c’est un sujet qui travaille beaucoup les gens. La maison elle-même reçoit beaucoup de manuscrits, mais on ne peut pas les accepter car on ne peut pas les traiter pour le moment. Je suis en tournée, c’est impossible de consacrer tout le temps qu’ils méritent à ces textes. Donc il y a ce club dans lequel je donne des conseils, basés sur les questions que je reçois.

Guillaume Musso regrette que la critique désavoue quasi systématiquement la littérature populaire en France. Vos livres sont des best-sellers, et le milieu de la critique littéraire est, en effet, mitigé. Comment expliquez-vous ce schéma ? 

Ils s’y habitueront, hein ! (Rire) Quand vous avez un livre peu lu, en général, les journalistes qui en parlent sont ceux qui ont vraiment aimé et envie de le faire lire. – l’inverse, quand vous avez un livre – et c’est mon cas aujourd’hui – qui sort, numéro 1 des ventes, tout le monde a envie d’en parler, y compris ceux qui n’aiment pas. Donc c’est mathématique, il y a aussi de mauvaises critiques. Et tant mieux ! C’est le rôle du critique de dire ce qu’il aime, ce qu’il n’aime pas, et au lecteur ensuite de se faire son avis. Ça fait partie du jeu. Il y a des critiques qui n’aiment pas, depuis 10 ans, et c’est très bien, ils ont le droit ! Après, il se dit qu’il faut cacher le tirage… Un livre qui se vend bien, dans l’esprit compliqué et tortueux de certains, serait un livre qui n’est pas bon. Moi j’ai tendance à dire le contraire, parce qu’en général, un livre qui a du succès parvient à toucher un public très large. Mais chacun a son interprétation !

Pour finir, quel est votre dernier coup de cœur littéraire ?  

Un des derniers livres qui m’a beaucoup plu, c’est Numéro Deux de David Foenkinos. D’abord, c’est un auteur que j’aime beaucoup, c’est un être humain que j’aime beaucoup aussi (mais ce n’est pas pour ça que je recommande son livre). J’ai été bluffé par le pitch : c’est l’histoire de l’acteur qui n’est pas sélectionné pour interpréter le rôle de Harry Potter ; Daniel Radcliffe est pris, et lui échoue à la deuxième place. Il a tout réussi jusque-là, et il devient numéro 2, il bascule dans une forme de néant. Ce sujet me plaît beaucoup, j’étais très curieux en lisant le pitch de voir le traitement que l’auteur en ferait ; j’ai été épaté, car c’est une chose d’avoir une bonne idée, ç’en est une autre de la traiter brillamment !

Joël Dicker rencontre-dédicace mardi 7 juin à 17h à la Fnac Grand’Place

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