Aux armes et cætera

Les Grenoblois de la Compagnie du Jour s’associent aux Marocains du Théâtre des Amis pour créer L’Honneur de la guerre, un spectacle qui ausculte la nature humaine. Rencontre avec le metteur en scène Karim Troussi. Propos recueillis par Aurélien Martinez

Petit Bulletin : En partant d’une légende marocaine relatant un interminable conflit entre deux tribus, vous souhaitez mettre en lumière l’une des origines de la guerre…
Karim Troussi : J’avais très envie de questionner la notion d’honneur comme inducteur de guerre, et aussi comme facteur qui nous empêche d’en sortir. Dans mon précédent spectacle, je m’appuyais sur la notion d’héroïsme, en interrogeant l’Iliade dans la tradition occidentale. Cette fois-ci, je voulais interroger la tradition orientale, mais à travers l’honneur. Je me suis donc appuyé sur cette légende arabe qui, initialement, parlait d’une guerre à cause d’une simple chamelle : deux tribus qui affirment chacune que leur chamelle est plus belle que celle de l’autre. Et il y a eu tout un conflit pendant quarante ans à cause de ça !

La légende est marocaine, mais le spectacle dépasse vite cet aspect…
Exactement. On parle de l’infiniment très petit pour aller de plus en plus vers l’universel. Bien sûr, on est dans cette idée d’Orient, mais au fil de la pièce, on se rend compte que ce sont juste des hommes et des femmes installés quelque part mais qui ailleurs auraient sûrement fonctionné de la même manière.

A travers le spectacle, vous vous questionnez aussi sur la place de la femme dans la société…
Malheureusement, aujourd’hui, on est encore obligé de se poser cette question, sans forcément idéaliser quoi que ce soit : c’est surtout une interrogation sur la place réelle de la femme, notamment par rapport au pouvoir. Et sur le devoir de faire des choix.

Le texte a été écrit par un auteur en arabe dialectal, puis traduit ensuite en Français. Pourquoi un tel choix ?
J’ai donné à Abdelatif Firdaous une trame que je souhaitais qu’il déroule en dialecte marocain, car j’avais vraiment envie qu’il écrive avec une pensée marocaine, et non pas qu’il se contente de le faire pour l’Occident. Ensuite, on a traduit le texte en français, pour le rendre plus accessible, tout en faisant attention que l’étrange – qui vient d’étranger – soit toujours là. Donc certes, le premier plan est en langue française, mais on sent toujours ce côté culture orientale en arrière-plan, grâce à ce procédé d’écriture.

Sans néanmoins tomber dans le folklore. Vous avez sûrement dû faire très attention à ça ?
Il y a de la culture, mais il n’y a pas de maladresses folkloriques. Le folklore existe quand on ne connaît pas la culture, ce qui n’est pas le cas ici !

Concernant la distribution, vous travaillez avec deux comédiens très populaires dans les pays arabes…
Latefa Ahrrare et Hicham Ibrahimi sont deux acteurs très connus au Maroc, deux des plus grandes vedettes du pays. Tous les deux font beaucoup de cinéma et de télévision. Hicham est aussi le créateur de la ligue d’improvisation marocaine et Latefa, qui tourne avec des spectacles qu’elle joue seule, a eu de nombreuses récompenses. Elle est célèbre dans tout le monde arabe !

Avec vos choix de mises en scène, vous essayez constamment d’interroger le monde qui vous entoure…
Certaines de mes créations réalisées au Maroc ou en France ont tourné un petit peu, ce qui permet de développer cette notion d’échange culturel et artistique. Dans mon travail, je me pose de nombreuses questions sur l’homme, et à partir de là, tout tourne autour de ça…

En essayant de montrer le théâtre à tous, comme avec Douleur sous clé, un spectacle qui se joue au plus près du public...
Avec la même équipe que L’Honneur de la guerre, il y a ce spectacle qui tourne en ce moment, qui est à 80% en arabe, et qu’on a déjà joué dans des foyers, des appartements, des quartiers… Il se passe des choses passionnantes, tout le monde rentre pleinement dans l’histoire. Et depuis vingt ans que je suis en France, j’ai rarement vu un public aussi diversifié. Des gens de toutes les cultures, pas seulement maghrébine mais aussi française bien sûr, portugaises… C’est formidable !

L’HONNEUR DE LA GUERRE
Mercredi 25 et jeudi 26 mars à 20h30, à l’Heure Bleue (Saint-Martin-d’Hères). Mercredi 1er avril à 20h30 au Théâtre Prémol (Grenoble)

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