Lundi 29 juin 2009 Entretien / Sasha Waltz, chorégraphe et metteur en scène de l’opéra de Purcell, Didon et Énée.
Questions : JED. Propos recueillis par Pia Cuppers, avec l’aimable collaboration du Goethe Institut.
Take this Waltz
Par Jean-Emmanuel Denave
Publié Vendredi 26 juin 2009 - 2419 lectures
Sasha Waltz fait danser et sublime Purcell en transformant son opéra Didon et Enée en une œuvre tout à la fois musicale, chorégraphique et plastique. Un des grands rendez-vous des Nuits de Fourvière 2009. Jean-Emmanuel Denave
Contrairement à ses pairs, Sasha Waltz ne se contente pas, en effet, de donner une touche personnelle (via quelques éléments simples de scénographie) à un opéra, mais elle crée une chorégraphie en bonne et due forme. Mieux : elle demande aux chœurs et aux solistes de danser, de participer à des portés, de se rouler quasi nus sur le plateau, de se fondre littéralement parmi les danseurs... Chaque personnage est d'ailleurs dédoublé entre un chanteur et un danseur (Didon a même deux doubles), et cela permet à la chorégraphe de donner à voir toute une palette de perceptions et de sensations, voire de contradictions, de déchirements : aux effets narratifs ou impalpables de la musique et du chant, s'adjoignent les expressions plus physiques et concrètes des corps. Dans Didon et Enée, la musique naît du mouvement et le mouvement de la musique, jusqu'à parfois ne plus pouvoir distinguer sur scène les chanteurs des danseurs. Et ce d'autant plus que Sasha Waltz aime amalgamer les corps, les agglutiner en organismes mouvants et frémissants, les regrouper en pyramides en constante métamorphose. Cette structure avait été utilisée de manière crue et pulsionnelle dans sa fameuse trilogie consacrée au corps : Körper, S et noBody (2000-2002), décryptant successivement la trivialité de l'anatomie, les chemins du désir, la mort. Elle est ici utilisée de manière un peu plus feutrée pour dire aussi les contradictions entre l'individu et le groupe, les désirs et la raison sociale.Kaléidoscope
La chorégraphe a augmenté l'opéra de Purcell d'un prologue à teneur érotique où dieux et nymphes s'enlacent et se frôlent parmi les ondes mêlées de la lumière et de l'eau (dans un impressionnant «aquarium» surélevé), d'intermèdes plus ou moins drolatiques entre chaque acte, et d'une somptueuse et chatoyante scène de banquet à la fois surréaliste et anachronique. Chorégraphe du corps et de ses relations à l'espace ou à l'architecture, Sasha Waltz est aussi fortement influencée par les arts plastiques. Une influence qui se retrouve par exemple dans les couleurs des costumes s'agençant sur scène à la manière d'une composition picturale, ou bien encore dans de superbes jeux de lumières : vives et dorées dans le prologue, obscures et inquiétantes dans le deuxième acte où les rejetons du «mal» sourdent du sol et se tordent en larves vengeresses. Du côté musical, l'adaptation d'Attilio Cremonesi cherche à retrouver les sonorités propres au XVIIe siècle de Purcell en utilisant des instruments de l'époque : théorbes, violes de gambe, crotales, tambourins, etc. Entre retour aux sources et innovations artistiques osées, le Didon et Enée de Sasha Waltz est une véritable fête des sens et un kaléidoscope artistique, sans cesse en mouvement, réinventant brillamment l'esprit éclaté et flamboyant du baroque.Didon & Enée de Henry Purcell, chorégraphie Sasha Waltz
Aux Nuits de Fourvière, les 2, 3 et 4 juillet.