Grnd Zero à la rue ?

Interview / Après 7 ans d'existence et de «camping», le collectif artistico-musico-alternatif Grnd Zero est à deux doigts de se retrouver à nouveau SDF. Après son divorce d'avec le Rail Théâtre en mars, voilà Grnd Zero sommé par le Grand Lyon de quitter ses locaux de Gerland. Explications. Propos recueillis par Stéphane Duchêne

Comme vous le dites sur votre site internet : Grnd Zero c'est «7 ans de camping» et vous voilà de nouveau quasiment à la rue. Que s'est-il encore passé ?...
Grnd Zero : En juin 2010, le bâtiment que nous occupons à Gerland, rue du Pré-Gaudry, avec le Secours Populaire, a été racheté par le Grand Lyon [il était auparavant la propriété de la SACVL, NdlR] qui a fait réaliser une visite de sécurité par une entreprise privée en mai dernier. Étant effectivement presque insalubre, on pensait naïvement que le Grand Lyon souhaitait juste faire le point sur ce bâtiment qu'il venait d'acheter. Et puis, douche froide, on a reçu une dédite le 20 juillet nous demandant de quitter les lieux le 21 octobre au plus tard, le site étant jugé dangereux pour le public. Un argument imparable, non ?
On est d'accord. D'ailleurs, on est presque surpris que ça n'arrive que maintenant. Car si le bâtiment est vétuste et «dangereux», il l'était déjà lorsque la Ville nous l'a proposé en bail précaire en 2006. Ce qui est étrange c'est que la dédite ne concerne que Grnd Zero et pas le Secours Populaire. Qu'en pense la Ville ?
Sur le coup, elle nous a dit ne pas être au courant et qu'elle allait essayer d'en savoir plus. Mais c'était l'été et on a dû patienter jusqu'à la rentrée. On voit le Grand Lyon ce mercredi [21 septembre, NdlR], principalement des techniciens du foncier et de la sécurité, pour tenter de négocier au moins un sursis. Un représentant de la Direction des Affaires Culturelles de la Ville sera là aussi, pour faire l'intermédiaire. Le problème c'est que le Grand Lyon a les clés du foncier et la Ville de Lyon les compétences culturelles. Ça complique tout et c'est aussi pour ça qu'on se retrouve plantés. Le plus incroyable, c'est que vous vous retrouvez à la rue avec une subvention de 9500€...
On touche cette subvention depuis fin 2010. Au départ, elle était censée compenser les frais de location de matériel quand la sono du Rail Théâtre a rendu l'âme. Et nous permettre de payer les fluides sur le site de Gerland, même si on n'a jamais reçu aucune facture en 4 ans. Ensuite, elle a été renouvelée pour faire des dates hors-les-murs depuis qu'on ne peut plus travailler au Rail Théâtre. Justement, pourquoi avoir mis fin à la convention qui vous liait au Rail Théâtre ?
Pour des problèmes de nuisances sonores essentiellement. Il y a deux ou trois ans, les résidences se sont mises à pousser autour du Rail Théâtre. Et les plaintes se sont multipliées. Le propriétaire a été obligé de mettre un limiteur-bloqueur qui coupe le son dès qu'on dépasse 95 décibels. À part du folk, impossible de faire des concerts dans ces conditions. En parallèle, il y avait de plus en plus de problème de partage de l'agenda avec le propriétaire. En mars dernier, il a annulé toutes nos dates. Du coup, la convention qui nous liait au Rail Théâtre et pour lequel il touchait une subvention devenait nulle et non avenue. Vous saviez pourtant que Gerland et le Rail Théâtre, c'était du provisoire...
Du provisoire qui a duré, c'est le nœud du problème. Au départ, quand on a été relogé au Rail Théâtre et à Gerland, il était question de deux ans. La Ville nous disait «c'est temporaire, ça va changer». Comme ça durait, on s'est renseigné et on nous a dit qu'on garderait Gerland jusqu'en 2014. Même si on aurait préféré un lieu unique, c'était une situation confortable qui nous permettait de nous concentrer sur l'artistique. On a peut-être eu le tort d'en profiter un peu et péché par naïveté. On ne nous y reprendra plus. Maintenant, il y a urgence. Ce qui est étonnant, c'est que la Ville de Lyon n'ait pas non plus anticipé cette situation puisque tout le monde, y compris la mairie, est pris au dépourvu. Quelle est votre priorité dans l'immédiat ?
Dans l'ordre, et dans l'idéal, c'est d'abord un sursis pour Gerland, un lieu de diffusion pour le printemps et in fine un lieu de création-diffusion. Tout dépendra de l'obtention d'un sursis ou non. Si on se retrouve avec un mois pour déménager, on consacrera notre énergie à reloger les occupants de Gerland, soit une quarantaine de groupes et une quinzaine d'associations qui n'ont pour certains aucune solution de relogement. Ce qu'on craint c'est qu'on nous propose, contre subvention, de faire des concerts sans avoir de lieu propre. Pour l'instant, on a dû geler toute notre programmation musicale et annuler toutes les dates qu'on n'a pas pu déplacer au Périscope ou au Clacson. Après novembre, on n'a plus rien. Faire des concerts «hors-les-murs», c'est vraiment un problème ?
Oui parce qu'on était sur un rythme de croisière de 100 dates par an. Le Clacson, le Sonic et le Périscope nous accueillent volontiers mais ils ont aussi un agenda bien rempli. Et puis la vocation de Grnd Zero c'est d'être un lieu de création ET de diffusion. Ca fait 7 ans qu'on existe et on est reconnus pour notre travail, nos principes. Quand le Kafé Myzik a fermé, la ville s'est engagée à nous reloger, on ne voit pas pourquoi on devrait revenir là-dessus. Cette expulsion, on la vit comme une régression. Surtout, on veut croire que Lyon peut encore accueillir des lieux alternatifs «bruyants» qui ne soient pas relégués à la périphérie et que le «rayonnement de la ville» dont on parle tant passe aussi par des gens comme nous.

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