De Tate Taylor (ÉU, 2h26) avec Emma Stone, Jessica Chastain...
Pour ceux qui l'ignoraient, dans le Mississipi des années 60, la ségrégation entre les noirs et les blancs était encore monnaie courante. Il fallait donc au moins 2h25 de mélodrame pâteux pour nous rappeler ce fait oublié. Le film n'existe d'ailleurs que par son sujet, le reste n'étant qu'habillage décoratif et grimaces larmoyantes. Si Tate Taylor prend clairement partie pour ses aides noires, il le fait avec un procédé pour le moins discutable : il ridiculise à outrance les bourgeoises blanches qui les exploitent. Ridicule est le mot : que de grandes actrices comme Jessica Chastain ou Bryce Dallas Howard cabotinent dans des décors ripolinés avec des costumes et des coiffures qui lorgnent vers Mad Men mais ressemblent surtout à de vieux chromos publicitaires, fait franchement peine à voir. Seule la géniale Emma Stone échappe à ce festival de minauderies et impose, non sans mal, une pointe de naturel. Tout cela provoque donc un certain embarras, lié aussi à la mollesse d'une mise en scène à la traîne des séries télés contemporaines (le film aurait sans doute été plus à sa place en feuilleton de prestige sur HBO).
Il y a toutefois une maladresse significative dans La Couleur des sentiments : le scénario insiste tout du long sur ce qui paraît être la plus grande offense faite aux noirs à l'époque, à savoir l'interdiction de partager les toilettes avec les blancs. Ce qui conduit à des variations scatologiques sur la question, dont le point d'orgue consiste à faire manger à une des bourgeoises une tarte à la merde. Qu'on nous excuse le bon mot, mais La Couleur des sentiments, en effet, à tout d'une purge.
Christophe Chabert