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Pialat et nos amours aux Célestins
Par Nadja Pobel
Publié Mardi 15 mars 2022

Photo : © Laurent Ziserman

Ana
Célestins, théâtre de Lyon
ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement
Théâtre / Pas simple de restituer Pialat au théâtre tant il a éclaboussé le cinéma de son génie à diriger les acteurs. Dans ce spectacle énamouré adossé à À nos amours, Laurent Ziserman parvient à saisir l’infinie justesse qui émanait des films du réalisateur et, dans un même geste, à faire revivre sa figure renfrognée, peu amène mais tendre.
Fustiger la Nouvelle Vague (sauf Godard), célébrer la peinture (et Poussin), réaffirmer une passion pour Dreyer… L’homme Pialat surgit d’emblée dans ce spectacle très documenté où, entre les dialogues d’À nos amours, s’insèrent quelques réflexions du cinéaste. Incisive mais un peu déboussolante, cette entame fait craindre que ne s’exposent, ici, des dinosaures laissant le public non aficionado sur le bas-côté. Cela s’évapore très rapidement car Laurent Ziserman va, comme Pialat, laisser place au jeu, à ce huis-clos familial des années 80 (ou 50 selon que l’on se réfère au moment de l’action de la nouvelle originelle et autobiographique d’Arlette Langmann, Filles du Faubourg) dans lequel Suzanne explore la liberté sexuelle que lui offre son adolescence, prenant la tangente des conflits familiaux avec frère, mère et père bientôt disparu.
à lire aussi : Pialat à poing levé
Now, Suzanne takes your hand…
Tissant le film (tel qu’il est dialogué à l’écran en 1983 et non selon le scénario original beaucoup amendé pour des questions de budget) avec le théâtre, Ziserman n’enferme jamais À nos amours sur un plateau, fuyant le mimétisme avec l’objet filmé. Il se débarrasse de la scène inaugurale qui est du pur théâtre : Suzanne (Sandrine Bonnaire) interprétant Musset. Il fait théâtre autrement : en démultipliant une scène d’engueulade à table jusqu’à se fondre dans le travail du frère (ici un réalisateur en devenir et non un écrivain). Se décalquent les unes sur les autres les séquences rendant un chouia complexe le début d’ANA, qui ensuite va se déployer avec plus de linéarité dans des espaces mouvants mais bien identifiables : l’atelier du père (qui n’est plus fourreur mais dessinateur pour des imprimés industriels — le Pialat peintre n’est pas loin), la chambre sommaire de Suzanne et l’incontournable table à manger où tout se noue et se dénoue jusqu’à la veillée funèbre du patriarche.
Empruntant le vocable de Claire Denis qui parle « d’ adoption » plutôt que « d’adaptation » de films, Laurent Ziserman (comédien formé à la Rue Blanche et qui a frayé avec Claire Lasne-Darcueil et François Cervantès notamment) produit exactement cela : un spectacle qui ne trahit pas son maître, sans le vénérer non plus. Il est tout à fait antipathique dans le rôle du « vieux ringard de droite » au tout début... La pièce tutoie le sidérant naturalisme qui jaillissait de ses films.
Cela passe par Ziserman qui a l’audace d’endosser le rôle du père tenu par Pialat dans À nos amours et qui lui confère une ressemblance travaillée sans virer au clone. Il a su s’entourer d’un trio inextricablement soudé : Benoit Martin moins dilettante et plus lisse que Dominique Besnehard, Magali Bonat impeccable qui fait le dos rond avant d’exploser et Savannah Rol, à qui l’on donne 17 ans comme une évidence, et qui sait (se) jouer des présents comme des absents (ses nombreux amants avec qui elle dialogue déchainée, face téléphone).
La vidéo ne recouvre pas le plateau et n’est que le résultat des premiers pas du frère qui s’essaye à réaliser son film, ANA, et clôture ces 90 minutes durant lesquelles le legs de Pialat, plus que Pialat lui-même, a trouvé chair. Et, in fine, comme avec le cinéaste disparu en 2003, c’est une ode à l’adolescence et à la liberté inaliénable.
ANA
Aux Célestins du jeudi 17 au dimanche 27 mars
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