Festival du cinéma queer / La 14ᵉ édition d'Écrans Mixtes, festival de cinéma queer, se tiendra du 6 au 14 mars avec pas moins de 80 séances réparties sur une trentaine de lieux de la métropole. C'est Sébastien Lifshitz, le réalisateur de Petite fille, Adolescentes et du documentaire sur Bambi qui sera l'invité d'honneur du festival.
Cinéaste discret et grand portraitiste, Sébastien Lifshitz donne la parole aux anonymes et aux invisibles avec un intérêt particulier pour les questions du genre et de l'adolescence. Il fera, à l'occasion du festival Écrans Mixtes, l'objet d'une rétrospective composée d'une dizaine de ses travaux. Un échantillon significatif et diversifié (courts, longs, documentaires, fictions) de la filmographie d'un homme qui aime jongler entre les formats.
Bambi, une femme nouvelle, version longue de son court-métrage Bambi, est le projet qui résume le mieux la richesse de son œuvre. Autour de la figure avant-gardiste et hors normes de Bambi, écrivaine et vedette d'un célèbre cabaret parisien dans les années 60, née de sexe masculin trois décennies plus tôt, s'articule un film ample et vibrant, entremêlant histoires d'amours et d'identités, récit d'émancipation et quête de liberté, témoignage d'une époque.
Le genre et sa complexité sous l'œil de Sébastien Lifshitz
Le remarqué Petite Fille qui suit le quotidien de Sasha, une enfant transgenre, inédit sur grand-écran, sera d'évidence un temps fort. Au même titre que l'avant-première de Madame Hofmann, observation du travail de Sylvie Hofmann, infirmière en chef du service oncologie, en poste depuis quarante ans à l'Hôpital Nord de Marseille, le tout tourné durant l'épidémie de coronavirus.
Sébastien Lifshitz, sera aussi chargé de décerner un prix à la compétition internationale. Huit films prometteurs parmi lesquels Fainéant.e.s, documentaire de Karim Dridi (déjà auteur ce mois-ci du beau Revivre), Rossosperanza, le retour d'Annarita Zambrano (Après la guerre et avant cela plusieurs courts-métrages remarqués) ou encore l'intrigant Sara d'Ismail Basbeth, venu tout droit d'Indonésie. À noter que toutes ces séances se feront en présence de leurs cinéastes.
L'amour qui se meurt : Wong Kar-Waï mis à l'honneur
Lors de la soirée de clôture, Sébastien Lifshitz a choisi pour sa carte blanche, le très beau Happy Together de Wong Kar-Waï. Une histoire d'amour mourante entre deux hommes originaires de Hong-Kong exilés en Argentine, qui préfigure l'avènement du cinéaste (In The Mood for Love sort trois ans plus tard). Un film de mouvements spatiaux et temporels narré par fragments elliptiques où le stylisme flamboyant se fait l'expression des sentiments de ses héros, dans un élan maniériste et moderniste.
On pourra aussi compter sur la projection en ouverture et en avant-première de Drive Away Dolls d'Ethan Coen. Tandis que son frère cadet Joel avait opéré son passage en solo en se frottant à Macbeth, l'aîné va vers davantage de légèreté avec ce premier volet d'une trilogie de série B lesbienne (le tournage du deuxième, Honey Don't, est imminent), co-écrite avec son épouse et monteuse Tricia Cooke, sous l'influence de Russ Meyer.
Hommage à Derek Jarman
Afin de célébrer le trentième anniversaire de la disparition du Britannique Derek Jarman, une rétrospective de cinq films est proposée. Souvent identifié pour sa collaboration avec Tilda Swinton qu'il révéla dans Caravaggio, il fut un artiste majeur et multi facettes (poète, décorateur, peintre, ...), on lui doit aussi plusieurs incursions cultes en tant que réalisateur de clips, dont It's a Sin des Pet Shop Boys.
Enfin, notons la soirée Cruising in New York City Inferno qui réunira le polar culte et choc de William Friedkin et le porno réalisé par Jacques Scandelari sur le milieu SM gay new yorkais dans les années 70.
Dans le rétro d'Écrans Mixtes
Écrans Mixtes est aujourd'hui le deuxième festival de cinéma de la métropole lyonnaise ainsi qu'un événement majeur dédié à la culture queer en France. Retour sur quelques étapes clés.
L'association est créée en 2007, afin d'accompagner un ciné-club mensuel centré autour des thématiques LGBTQIA+. L'objectif était simple : rendre visibles des films privés de sorties en salles et mettre en lumière un cinéma marginalisé. Ces événements ponctuels ont fait naître l'envie d'un festival de cinéma queer annuel.
En 2011, la première édition d'Écrans Mixtes a fixé la ligne éditoriale de l'événement : une sélection de films de patrimoine, des rétrospectives d'auteurs et autrices majeur(e)s ainsi que la valorisation d'œuvres injustement oubliées. Par la suite, se sont noués des partenariats avec des acteurs culturels locaux, dépassant les salles de cinéma. Bibliothèques municipales, universités, Goethe-Institut mais aussi des lieux plus undergrounds ou militants. Outre la qualité de sa programmation et la diversité de ses invités (John Waters, Virginie Despentes, Panos H. Koutras, Bruce LaBruce), le festival a rencontré un grand succès, assurant la croissance et la longévité d'Écrans Mixtes, dont l'édition 2023 a établi un record de fréquentation.
Un succès qui fut néanmoins éclaboussé par quelques polémiques passéistes comme l'annulation pure et simple de séances prévues au cinéma La Mouche par la mairie de Saint-Genis-Laval en 2023. On peut aussi citer une baisse de subventions imposée par la Région en 2016 « en raison de critères d'éligibilité » qui n'ont pas été explicités.
Écrans Mixtes
Du 6 au 14 mars dans toute la métropole lyonnaise