Bistronomique / Le retour du retour de Benjamin Capelier, de sa bonne cuisine et de sa belle cave au Curnonsky, dans le 1ᵉʳ.
Il était une fois un petit resto du plateau de la Croix-Rousse, planqué derrière un mur peint — celui dit des Canuts. Succès, puis fermeture, il s'appelait Curnonsky. Lyon connaît la référence, celle d'un fameux critique d'entre-deux-guerres qui eut le malheur de désigner Lyon comme « capitale mondiale de la gastronomie ». Ce qui voulait dire, non pas la première place d'un classement inexistant, mais que Lyon était au carrefour de tant de beaux produits et savoir-faire. Cela, tandis que la municipalité était en train d'en faire un attrait touristique. L'expression date de 1925, mais elle prendra tout son sens avec la gloire de Bocuse, quarante ans plus tard.
Bref, Curnonsky (le resto cette fois) avait fermé, et c'était bien dommage. Où était donc passé son chef, Benjamin Capelier l'autodidacte, celui qui fit des études d'histoire à la Sorbonne, puis travailla dans la pub, avant de devenir cuisinier ? On l'aperçut chez Arvine, puis il disparut à nouveau (Arvine devint Akio), et enfin le revoilà... au même endroit.
Rock
On est donc à deux pas d'un autre mur peint — celui dit "des Lyonnais" — dans une petite rue qui mène à Sathonay, quartier aux assiettes attirantes (il y avait Senior, actuellement en travaux, et maintenant Sillon). L'intérieur n'a que peu changé depuis l'époque d'Arvine (tables en faux bois, chaises en velours vert), on note simplement la présence d'une Les Paul (guitare de la marque Gibson), suspendue par le manche, de quelques vinyles, et d'une bande-son très rock (The Strokes, The Dead Weather, The Raconteurs).
À midi, lors de notre venue, on n'avait guère le choix : menu unique pour tous (nouvelle "tendance" au déjeuner, déjà rencontrée chez Murmures, aussi dans le 1er). Par chance, c'était bien bon. À commencer par ce joli tartare de gambas, rafraichi de céleri et d'aneth, mouillé d'un jus de crevette, relevé de jalapeños, piments qui mordent un tout doux siphon de beurre noisette. Ensuite, un suprême de volaille, bien doré, posé sur une mousse de patates et accompagné, surprise, d'un boudin de langoustine. On a évité les facilités jusqu'au bout, avec un dessert autour... du pain (mousse au pain, caramel balsamique, glace à la levure).

Et vins
On ne l'a pas dit, mais Curnonsky, le critique, avait fondé la revue Cuisine et vins de France. Or, ici aussi, le vin a autant de place que la cuisine. Benjamin Capelier avait fait des réserves quand il était là-haut. Résultat : une cave de 500 références, dont beaucoup de millésimes des années 2010. Ce qui fait accourir les amateurs de beaux domaines : Pithon-Paillé, Gramenon, l'Anglore, Rayas, Métras, Belluard : la carte donne le tournis. Lors de notre déjeuner, des convives venaient spécialement déboucher un Côte-Rôtie 2014 de Maison Stephan. À part ça, le restaurant était quasiment vide (comme au Sillon d'ailleurs deux semaines plus tôt). La diète de janvier a visiblement été particulièrement suivie par les Lyonnais. Heureusement, le mois est terminé.
Curnonsky
6 rue Hippolyte Flandrin, Lyon 1er
De midi à 14h (sauf mardi et mercredi) et de 19h à 23h. Fermé dimanche et lundi
Menu déjeuner 29€