Sélection / Si le mois de juin est indéniablement marqué par deux festivals majeurs tels que les Nuits de Fourvière et Jazz à Vienne, la programmation de la métropole nous réserve aussi d'autres nombreuses expériences musicales à découvrir. Dans notre sélection se rencontrent ainsi la rigueur du minimalisme et l'explosion de l'énergie brute, les échos mythologiques et l'exigence pianistique, les expérimentations subtiles et les déflagrations sonores : une profusion de formes questionnant notre rapport au temps, à l'espace et à l'émotion.
Music with changing parts/Philip Glass
Minimalisme / Créée en 1970, Music with changing parts marque un tournant dans la trajectoire de Philip Glass. À mi-chemin entre la rigueur du minimalisme new-yorkais et une approche plus perméable à l'improvisation, l'œuvre introduit une écriture ouverte où motifs, timbres et durées circulent librement. C'est moins une partition qu'un protocole collectif, où chaque exécution devient unique. Porté par l'Ensemble Dedalus – formation française de référence dans l'interprétation des musiques à structure variable – ce concert s'annonce comme un laboratoire d'écoute autant qu'un acte performatif. La Chapelle de la Trinité s'apprête non pas à accueillir un développement narratif, mais une modulation continue de textures, un flux sonore interrogeant le temps non comme durée, mais comme expérience.
Music with changing parts de Philip Glass par l'Ensemble Dedalus
Mardi 3 juin 2025 à 20h à la Chapelle de la Trinité (Lyon 1er) ; de 12€ à 30€
The Jesus lizard
Rock / Qu'on le range au rayon du noise-rock ou de la désarticulation post-hardcore, The Jesus lizard reste une anomalie qui refuse l'embaumement. Formé à la fin des années 1980 à Austin, avant de s'installer à Chicago et d'être ensuite sanctifié par Touch and Go, le quatuor est revenu récemment avec Rack, album d'un retour aussi inattendu que rigoureusement cohérent. La section rythmique – McNeilly et Sims – reste l'épine dorsale d'une mécanique tendue, tandis que Duane Denison cisèle ses riffs comme un chirurgien maniaque. Et David Yow, toujours possédé, érige le grotesque en art performatif.
The Jesus lizard et Mildlife
Mercredi 4 juin 2025 à 20h30 à l'Épicerie moderne (Feyzin) ; de 7€ à 28€
Caspar Brötzmann Massaker
Noise rock / Fils du saxophoniste Peter Brötzmann, figure du free européen, Caspar Brötzmann s'inscrit dès la fin des années 1980 dans une filiation bruitiste radicale. Avec Massaker, il développe un langage où la guitare électrique devient outil de dislocation sonore, entre minimalisme martial et chaos structuré. Influencé autant par Hendrix que par la rigueur du hard industriel, il impose une esthétique abrasive de l'impact, où chaque morceau agit comme une masse en mouvement lent, dense. La longue absence discographique sera rompue ce 20 juin par la sortie de It's a love song, le nouvel album à paraître sur Exile on mainstream et Neurot recordings. Cette date au Sonic s'inscrit dans une tournée européenne attendue, qui remet sur scène l'un des projets les plus intransigeants de la scène avant-rock allemande. Pas un revival, mais une relecture contemporaine d'un langage toujours à vif.
Caspar Brötzmann Massaker et Chuncho
Jeudi 5 juin 2025 à 20h au Sonic (Lyon 5e) ; 18€
Noémi Boutin
Périple mythologique / Avec Ricoche, Noémi Boutin ne se contente pas de défendre un corpus d'œuvres : elle interroge, à travers le médium du violoncelle solo, les conditions mêmes de l'écoute contemporaine. Pensé comme un cycle d'échos différés plutôt qu'un programme linéaire, ce projet articule des écritures composites, de l'organicité brute de Jean-François Vrod à la tension suspendue de Kaija Saariaho, en passant par les micro-architectures de Frédéric Pattar ou la vitalité syncopée de Frédéric Aurier. Le geste interprétatif s'y émancipe de toute littéralité pour devenir geste-situation : archet comme scalpel, résonance comme narration, lutherie étendue comme terrain d'inscription dramaturgique. Boutin, formée à l'exigence du répertoire classique mais affranchie de ses codes, y engage un corps sonore traversé de discontinuités fécondes, où le jeu est toujours un acte. À l'Opéra underground, espace liminal entre scène et laboratoire, Ricoche s'annonce comme une topologie de l'intime éclaté.
Noémi Boutin
Jeudi 5 juin 2025 à 20h à l'Amphi de l'Opéra (Lyon 1er) ; de 14€ à 17€
Gloria
Rock psyché / Avec III le groupe lyonnais Gloria approfondit une esthétique forgée sur les ruines du psychédélisme californien, qu'il revisite par le prisme d'un féminisme mythologique et d'une production artisanale érudite. Les figures d'Écho, d'Artémis ou de Terpsichore ne sont pas des motifs décoratifs : elles servent de matrice symbolique à une écriture qui mêle onirisme vocal, tensions modales et architectures harmoniques à la croisée du garage-pop et du rock baroque. Porté par un trio vocal féminin aux équilibres millimétrés et par le travail sonore méticuleux de Kid Victrola, Gloria échappe à l'exercice de style pour se déployer comme un espace de réinvention. Le concert au Périscope s'annonce comme un rituel contemporain, où les échos du passé nourrissent une forme vivante, mouvante et chargée d'aura.
Gloria et Sophia Djebel Rose
Jeudi 12 juin 2025 à 21h au Périscope (Lyon 2e) ; de 8€ à 15 €
Katia & Marielle Labèque
Piano / L'Opéra de Lyon accueille Katia et Marielle Labèque pour un programme où le répertoire français du début du XXe siècle rencontre la comédie musicale américaine. Le concert s'ouvrira avec Ma Mère l'Oye de Maurice Ravel, une suite pour piano à quatre mains inspirée des contes de fées, suivie de la Fantaisie en fa mineur de Franz Schubert, œuvre emblématique du duo pianistique romantique. Ensuite, les sœurs Labèque interpréteront les Six Épigraphes antiques de Claude Debussy, pièces brèves et évocatrices aux sonorités archaïques. La soirée se conclura avec une sélection de chansons de West Side Story de Leonard Bernstein, arrangées pour deux pianos par Irwin Kostal, incluant des titres tels que "Maria" et "America". Ce programme met en lumière la diversité stylistique et la virtuosité du duo, offrant une exploration musicale allant de la délicatesse impressionniste à l'énergie rythmique de Broadway.
Katia & Marielle Labèque
Mardi 17 juin 2025 à 20h à l'Opéra de Lyon (Lyon 1er) ; de 10€ à 66€
Groumpf
Rock psyché électrique / Dans le cadre des open-airs estivaux du Transbordeur, Groumpf s'annonce comme un corps étranger assumé car le quatuor lyonnais cultive l'art du contrepied pop avec méthode. Sous leurs oripeaux flashy, ces musiciens manient un songwriting ciselé, nourri de britpop déconstruite, de pastiches électro et d'un goût pour la frontalité scénique. Leur premier album, The Beauty, the Love, the Flawoz, en témoigne : ironique en surface, redoutablement structuré en profondeur. En live, leur énergie frôle le rituel collectif, quelque part entre happening festif et stratégie rythmique. Idéal pour une nuit chaude sous tension douce.
Groumpf et Cavale
Jeudi 19 juin 2025 à 20h au Transbordeur (Villeurbanne) ; gratuit
Rank
Post-punk / Avec Heaven, son cinquième disque, Rank affine une esthétique qui conjugue tension rythmique, lignes froides et lyrisme voilé. Le groupe lyonnais ne recycle pas les canons du post-punk : il les travaille comme une matière vive, oscillant entre brutalité contenue et épure mélodique. Cet album, à paraître le jour même, opère un déplacement subtil : moins frontal, plus introspectif, mais toujours traversé d'une urgence sourde. En ouverture, Sharon Tate Modern prolongera cette filiation avec un son plus vénéneux, alliant densité instrumentale et stylisation acide. Deux visions d'un rock lucide, débarrassé de ses postures, mais habité par le même besoin de formuler l'époque autrement. Un moment pour réentendre la dissonance comme langue critique.
Rank et Sharon Tate Modern
Vendredi 20 juin 2025 à 20h au Sonic (Lyon 5e) ; 8€
Slipknot
Nu metal / Vingt-cinq ans après ses débuts, Slipknot continue de conjuguer violence sonore et dramaturgie de masse. À la LDLC Arena, le collectif masqué viendra réactiver l'iconographie d'un metal devenu rite, entre fureur millimétrée et mise en scène apocalyptique. L'intégration du batteur Eloy Casagrande, transfuge d'une autre école du metal extrême, injecte une physicalité nouvelle à un répertoire qui puise dans la démesure de Iowa autant que dans les sinuosités plus récentes. Ce n'est pas un simple concert : c'est un dispositif total, où lumière, saturation et mise en transe s'articulent en un théâtre brutal. Sous ses oripeaux de chaos, Slipknot reste une machine parfaitement huilée, qui n'a jamais cessé d'interroger le besoin de catharsis collective.
Slipknot et Motionless in white
Mercredi 25 juin 2025 à la LDLC Arena (Décines) ; de 59, 80€ à 111, 50€
Avishai Cohen et Anne Paceo
Jazz / Pour ouvrir cette édition 2025, Jazz à Vienne mise sur deux figures majeures du jazz européen actuel. En seconde partie, le contrebassiste Avishai Cohen présente Brightlight, album où l'écriture mélodique, souvent modale, s'enrichit d'une orchestration élargie, mêlant cuivres (Voltzok, Drabkin) et rythmiques asymétriques. Son jazz s'ouvre ici à des inflexions proche-orientales, dans la continuité de ses travaux récents, mais avec une densité nouvelle. En première partie, Anne Paceo dévoile Atlantis, création hybride pensée avec Joséphine Stephenson pour ensemble élargi, intégrant les musiciens du Conservatoire à rayonnement régional de Lyon. Connue pour son approche transversale du rythme, Paceo signe une œuvre aux croisements du jazz, des musiques traditionnelles et de la forme orchestrale. Une soirée double, articulée autour d'une même exigence : penser le jazz comme langage en mutation constante.
Avishai Cohen et Anne Paceo
Jeudi 26 juin 2025 à 20h30 au Théâtre antique de Vienne ; de 6€ à 38€
Russian circles
Post-rock/metal / Depuis deux décennies, Russian circles construit une œuvre sans paroles mais saturée de sens, où les structures héritées du post-rock s'épaississent d'une sédimentation métallique. Dans Gnosis (2022), leur album le plus radical depuis Memorial, le trio affine une dialectique entre densité abrasive et suspens harmonique, en repensant le motif comme flux et tension. En live, cette mécanique atteint une forme d'hypnose granitique : pas d'extériorité spectaculaire, mais une intensité construite sur la durée. En ouverture, Ultha creusera un sillon plus spectral, entre black metal introspectif et lente déflagration. Soirée pour oreilles aguerries, et corps disponibles à l'impact.
Russian circles et Ultha
jeudi 26 juin 2025 à 19h30 à La Rayonne (Villeurbanne) ; 33€
Beth Gibbons et Bill Callahan
Folk orchestrale / Au Grand Théâtre de Fourvière, le cadre antique semble taillé pour l'élégie contemporaine de Beth Gibbons. L'ancienne voix spectrale de Portishead y présentera Lives outgrown, œuvre de dépouillement radical où chaque silence pèse autant que chaque note, plus de vingt ans après Out of season. La voix, intacte dans sa fragilité tendue, traverse des compositions lentes, habitées par le passage du temps, les pertes, la recomposition. Ce n'est pas un disque de rupture, mais de clarification. En ouverture, Bill Callahan posera son folk d'observateur lucide, aux antipodes du pathos mais dans une même économie expressive. Une soirée pensée comme une mise à nu élégante.
Beth Gibbons et Bill Callahan
Lundi 30 juin 2025 au Théâtre de Fourvière (Lyon 5e) ; 55€