Les Éxilés permanents

Expo / Le photo-reporter Bruno Amsellem a choisi d'accompagner quelques Roms lyonnais de retour dans une Roumanie dévastée qui leur tourne le dos. Surprenant, instructif et émouvant. Nadja Pobel

Un baraquement de planches au coucher du soleil. Ce bidonville du Puisoz, situé aux portes de Lyon et dans lequel vivaient 300 Roms, a été évacué en août 2007 par la Préfecture du Rhône. Brunso Amsellem l'a photographié alors qu'il «couvrait» cette actualité pour le quotidien Le Monde et, avec la journaliste Sophie Landrin, il a souhaité faire le voyage «retour» avec ces familles. Voir où elles allaient, à quoi ressemblaient leur vie dans cette Roumaine qui venait tout juste d'entrer dans l'Union Européenne. Là-bas, ces hommes et femmes s'entassent en fait à la frontière, dans des ghettos plus grands encore que ceux qu'ils s'inventent en France. Amsellem témoigne d'un pays où ne s'élèvent plus que des carcasses de bâtiments. Jusqu'en 1989, sous le régime de Ceaucescu, 60% des Roms travaillaient dans les fermes d'État. Ils avaient un salaire mais il ne fallait pas broncher : un jour d'absence aux champs et c'était la prison pour trois mois. Depuis, ils n'ont plus accès à rien : les cimetières des Roumains n'accueillent plus leurs morts, les écoles ferment leurs portes à leurs enfants et les sources de revenus sont inexistantes. Le travail se trouve désormais dans les villes, mais les Roms vivent à la campagne et ne sont pas véhiculés.12h08 à l'est de Bucarest
En poursuivant son travail auprès des Roms en 2008 et 2009, Bruno Amsellem les montrent tels qu'ils sont : un peuple de migrants et non pas de nomades à qui il serait bien faux de coller encore la vieille image de la roulotte. Ils ne voyagent pas pour leur plaisir, mais parce que la vie qu'ils construisent dans les bidonvilles français est encore préférable au sort qui leur est réservé en Roumanie. Pour éviter de tomber dans des généralités trop réductrices, Amsellem a suivi Tarzan et sa famille lors de leur périple de vingt-quatre heures entre Jonage et Rabagani, à l'ouest de la Roumanie. Moyennant 60€ par adulte et 35€ par enfant, ils ont traversé l'Allemagne, l'Autriche et la Hongrie avec un chauffeur qui carbure aux boissons énergisantes. En photographiant le quotidien de cette famille (les instants de fatigue, la toilette de la fillette dans une bassine...), le photographe leur offre une possibilité d'exister autrement que dans la fuite et le misérabilisme. Les grands yeux noirs pétillants et le sourire d'Izabela Covaci, trois ans, irradie cette salutaire exposition qui rappelle aussi qu'actuellement 800 Roms vivent encore tant bien que mal aux alentours de Lyon. Ils sont près de 15 000 en France.«Voyages pendulaires, des Roms au cour de l'Europe», photos de Bruno Amsellem
Au CHRD jusqu'au vendredi 24 décembre.
Légende photo : Crijma Covaci à Carasau, Roumanie, novembre 2009.

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