Corporate sustainability reporting directive : premier bilan

par Attika Bellahcène-Guérin et Antoine Sirand
Publié Mercredi 10 décembre 2025

Entre obligations réglementaires et volontariat encadré, la CSRD redéfinit les pratiques du reporting extra-financier en Europe. Son évolution récente, notamment via la directive Omnibus et la norme VSME, illustre la volonté d'alléger les contraintes, tout en maintenant une exigence de transparence et de compétitivité. Premiers retours d'expérience.

La CSRD (Corporate sustainability reporting directive) est une directive européenne qui impose aux entreprises, selon certains seuils, de publier des informations détaillées sur leurs impacts environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). Elle remplace la précédente NFRD et élargit considérablement le nombre d'entreprises concernées afin d'instaurer un cadre harmonisé et transparent à l'échelle de l'Union européenne et de répondre aux attentes croissantes des investisseurs, clients et régulateurs.

Un profond changement du périmètre des entités concernées

L'implémentation de la CSRD fin 2023 a eu pour effet de tisser une toile d'obligations en matière de réflexions et de mise en place de reporting de durabilité et, par capillarité, de toucher de manière exponentielle un très grand nombre d'acteurs. Cette réglementation a suscité de très nombreux débats tant au sein du monde de l'entreprise que du monde politique : difficultés de mises en œuvre et d'interprétation, coût de déploiement, pertinence du référentiel... qui ont contraint l'Union européenne, dans un contexte géopolitique mondial complexe, à ralentir sa mise en place et à en réduire les effets.

Initialement destinée à concerner un grand nombre d'entités de manière directe (environ 55 000 en Europe), la directive Omnibus du 26 février 2025 a profondément impacté le périmètre des entités concernées par la CSRD à la baisse, limitant les obligations aux entités dont le CA est supérieur à 450 millions d'euros et l'effectif à 1 000 employés (environ 11 000 en Europe). Le Parlement européen a finalement porté ces seuils à 450 millions d'euros et 1 750 employés le 13 novembre dernier lors d'une plénière, réduisant encore drastiquement le nombre d'entités concernées.

Outre la réduction du périmètre, la directive Omnibus a simplifié et rationalisé le cadre du Pacte vert. Par ailleurs, elle a assoupli le cadre du reporting, tout en maîtrisant la charge de la demande au niveau des PME, dans le cadre de la chaîne de valeur. Elle a également décalé les délais d'entrée en application pour permettre aux États et aux entreprises de s'adapter. Le calendrier d'application de cette directive reste, à date, en cours de définition.

Les premiers enseignements de la vague 1

La première vague de publication concernait uniquement les grandes entreprises cotées en Bourse déjà concernées par le reporting extra-financier dont l'effectif était supérieur à 500 employés avec un CA supérieur à 40 millions d'euros ou bien un total bilan supérieur à 20 millions d'euros. Les premiers reportings publiés ont donc concerné des données établies au 31 décembre 2024. Parmi les reportings publiés, les différentes études menées laissent apparaître différents éléments sur cette directive exigeante, mais adaptée à la mesure des enjeux.

Ainsi, les entreprises concernées par la CSRD ne sont pas engagées dans cette démarche uniquement du fait d'une obligation réglementaire et traduisent dans leur rapport des actions souvent préexistantes. Trois thématiques semblent dominantes : l'égalité des traitements, l'atténuation du changement climatique et la lutte contre la corruption. Ces sujets semblent n'être cependant ni plus ni moins que la consolidation de la réglementation déjà existante en France en la matière. Par ailleurs, les entreprises ont des niveaux de maturité différents : si les secteurs de l'énergie, agroalimentaire et automobile mettaient en évidence dix normes ESRS (European Sustainability Reporting Standards, normes européennes de reporting environnemental, social et de gouvernance) matérielles en moyenne, la moyenne de tous les autres secteurs confondus était à 7.

Il n'en demeure pas moins que les entreprises ont globalement difficilement trouvé l'équilibre entre le coût de la mise en place de la CSRD et le retour sur investissement potentiel pour maintenir leur niveau de compétitivité. Et ce, notamment dans un contexte où cette réglementation n'avait pas été adoptée par de très nombreux États, tant au niveau européen qu'international.

L'avènement du volontariat dans un cadre normé

Compte tenu des difficultés de mise en œuvre de la CSRD, le législateur a souhaité fortement alléger son déploiement au travers de la directive Omnibus et a néanmoins conforté le besoin de normer le reporting extra-financier en adoptant le 30 juillet 2025 la norme VSME (voluntary sustainability reporting standard for non listed SMEs). Même si, à date, il apparaît que l'acte délégué de l'UE nécessaire à son implémentation ne sera vraisemblablement pas adopté avant 2026, la norme VSME est une norme de reporting de durabilité, d'application volontaire, établie pour aider les micro-entreprises et surtout les PME à mieux comprendre et communiquer leur impact environnemental, social et de gouvernance. Les objectifs recherchés sont notamment de satisfaire les demandes des grandes entreprises qui exigent des informations sur la durabilité auprès de leurs fournisseurs ; de satisfaire les demandes des banques et des investisseurs et d'aider les entreprises dans leurs accès au financement ; d'améliorer leur prise en compte des enjeux de durabilité et leurs réponses aux défis environnementaux, de favoriser la compétitivité et de renforcer leur résilience à court, moyen et long terme ; de contribuer à une économie plus durable et plus inclusive.

Le référentiel VSME, en maintenant un cadre homogène de reporting tout en simplifiant la collecte d'informations RSE (responsabilité sociétale des entreprises) et le nombre d'indicateurs, permet d'adapter et d'alléger la démarche tout en permettant de diffuser une information attendue. Ainsi, la norme VSME comporte 15 pages présentant 80 points de données potentiels sur lesquels communiquer, pour 1 144 pour la CSRD expliqués en plusieurs centaines de pages. Si la CSRD est complexe à mettre en œuvre et nécessite souvent un accompagnement extérieur, le VSME est davantage accessible en autonomie et constitue une porte d'entrée adaptée aux capacités réelles des PME. Enfin, cette norme favorise une montée en compétences progressive, sans pression réglementaire, avec une forte adaptabilité possible grâce à une version basique ou complète.

Un volontariat pas si volontaire ?

Même si le périmètre des entités concernées par la CSRD s'est très fortement réduit et peut laisser imaginer un recul significatif de cette réglementation, il n'en demeure pas moins que le reporting extra-financier reste un outil nécessaire pour l'accès au financement : les investisseurs et institutions financières intègrent de plus en plus les critères ESG dans leurs décisions d'investissements. Une bonne performance extra-financière peut ainsi faciliter l'accès à des financements dédiés à des conditions plus favorables auprès des banques. Il est aussi pertinent pour la différenciation et l'innovation : l'engagement dans des initiatives ESG permet à l'entreprise de se démarquer lors des appels d'offres en répondant aux attentes croissantes des donneurs d'ordres en matière de durabilité et de responsabilité. Ce reporting de données RSE tend même à devenir un critère obligatoire dans beaucoup d'appels d'offres.

Par ailleurs, ce reporting permet l'attraction et la rétention des talents : les jeunes générations d'employés sont de plus en plus sensibles aux valeurs et à l'engagement sociétal des entreprises. Des données positives des performances extra-financières peuvent ainsi rendre l'entreprise plus attractive et donner du sens aux équipes en place. La CSRD aide aussi à l'amélioration de la performance globale : les entreprises qui surveillent et améliorent leurs performances extra-financières peuvent constater des gains en efficacité opérationnelle et une réduction des coûts, par exemple grâce à une meilleure gestion des ressources et à des pratiques de travail plus responsables.

Il semble donc illusoire d'imaginer que la diminution du caractère réglementaire obligatoire de la CSRD implique un recul total des entreprises dans la mise en place de leur reporting extra-financier, ces dernières restant dans l'obligation de mener les actions pour rester compétitives voire en faire une opportunité. Ainsi, quand bien même la norme VSME revêt un caractère volontaire, toutes les conditions de marché tendent à rendre l'établissement d'un reporting extra-financier adapté obligatoire pour les entreprises et confèrent, de facto, à cette norme, un caractère de référence permettant à l'ensemble des acteurs d'homogénéiser et de standardiser les principales composantes de leur reporting financier. Il semble donc raisonnable d'imaginer que, dans un futur proche, l'application d'une norme initialement volontaire puisse devenir une référence de marché pour formaliser les actions de l'entreprise sur ces sujets.