Musique / La nouvelle édition de Rocktambule sonne comme une remise à plat des fondamentaux du festival : proposer, dans une conjoncture particulièrement morose, un événement fédérant des têtes d'affiche populaires et des découvertes audacieuses. FC
On a eu l'occasion de souligner dans notre Panorama de la rentrée culturelle la décharge électrique que nous avait délicieusement procurée la découverte de la programmation du festival Rocktambule 2009. Imaginez : une soirée électro au Summum à tomber par terre, des jeunes pousses hiphopeuses parmi les plus talentueuses que comptent les Etats-Unis, l'apocalyptique Alec Empire en binôme avec les énervés de Doppler... Autant de stigmates d'une réorientation éditoriale conséquente pour l'association et le collectif dont elle fait partie, le PMI (Pôle Musical d'Innovation). Mais pour ce faire, il a fallu renoncer à certaines initiatives développées récemment par le festival, dont le dispendieux MuR du Son, dispositif visant à fédérer, via des retransmission vidéo, une dizaine de concerts simultanés dans toute la région. L'une des conditions sine qua non pour composer avec un contexte économique pas franchement galvanisant. Laurent Ageron, directeur du festival, nous précise en effet que « les collectivités territoriales ont des budgets en baisse et ça se répercute. Pour nous, on l'a surtout senti passer au niveau de la Metro, qui a divisé son enveloppe par deux (soit une perte de 20 000 euros). Le Conseil Général a davantage joué le jeu, la Ville de Grenoble et la Région sont restées sur des hauteurs de subvention égales ».
Paie ton ambiance
Autre facteur à prendre désormais en considération, l'accroissement de la concurrence à cette période de l'année. « Jusqu'à présent, il y avait toujours la volonté de travailler ensemble avec les salles de l'agglo, d'être un réseau. Le versant institutionnel de la culture n'avait pas la logique concurrentielle, alors que maintenant c'est le cas. Chacun essaie de ramener son public, d'avoir très tôt des adhérents, de boucler les abonnements. Il y a aujourd'hui une certaine violence qui ne se voit pas, très sourde, qui touche le secteur culturel alors qu'il avait été épargné jusqu'ici ». Et les prévisions du CNV (Centre National des Variétés) sur la baisse drastique des fréquentations d'entériner que 1/ le public devient beaucoup plus sélectif dans ses choix 2/ les choses ne vont pas vraiment aller en s'arrangeant, pour euphémiser comme des sales. Alors bien sûr, le festival assure ses arrières en alignant des têtes d'affiche, mais se défend pour autant de ne se baser que sur une optique de pure rentabilité. Son meilleur argument ? La programmation des dernières soirées du festival, axées sur deux nuit électro et un focus hip hop foutrement bandant à l'Ampérage (voir ci-contre). « Quand on a commencé le montage de cette édition, on s'est dit que OK, on ouvrait la programmation à de la variétés avec des artistes comme Thomas Dutronc, pour toucher un public plus large. Mais si on va dans ce sens-là, il faut également pousser dans la direction opposée, proposer des choses moins faciles, beaucoup moins médiatisées, pour ne pas laisser tomber les spectateurs qui sont demandeurs de ce genre d'esthétiques sur Grenoble, où le manque est évident. C'est un grand écart qu'on assume ».
Evolution, action
À ce titre, Laurent Ageron rappelle, non sans facétie, que pour une ville perçue à l'étranger comme une plaque tournante de l'électro, Grenoble manque cruellement d'événements liés à ce vaste spectre sonore. Et d'extrapoler sur les potentielles perspectives du festival dans les années à venir. « On n'y est pas arrivé cette année, mais on va essayer de se recentrer sur cette idée dès l'année prochaine : pourquoi ne pas amener le festival dans la ville, s'approprier le territoire public, faire des happenings ou d'autres choses dans les places, travailler avec les bars, avec toujours l'électro en ligne de mire ». Avec le soutien des autres membres du PMI, dont l'implication dans l'organisation du festival va aller en s'accroissant, Rocktambule redéfinit peu à peu ses objectifs avec un pragmatisme qui lui fait honneur.
Rocktambule
Jusqu'au 24 octobre, lieux divers