Grenoble n'est pas que béton : il reste en ville un patrimoine historique riche, qui pourtant s'effrite. Place de Verdun, l'Ancien musée de peinture fait partie de ces joyaux en déshérence. On a fait un tour de table pour comprendre comment on en était arrivés là, avec notamment la mairie d'aujourd'hui et celle d'hier.
Grenoble a un petit parc patrimonial. Pas moins de 800 000 m2, soit juste 20 fois la taille d'Alpexpo. La mairie a pour mission de conserver ce patrimoine. Mais voilà, son entretien revient à 6, 5 millions d'euros par an. Alors lorsqu'il s'agit de réfléchir à l'avenir de tel ou tel joyau, les élus doivent se gratter la tête. La tour Perret, symbole s'il en est de la Grenoble innovante ? 8 millions d'euros de réparations sont prévus. L'Orangerie, sis boulevard Jean Pain, aujourd'hui consacrée aux espaces verts (matériels divers et palmiers frileux) ? Ce serait 1 million.
Au vu de ces montants à sept chiffres, Maud Tavel, adjointe en charge du patrimoine à la Ville de Grenoble, l'assure : il va falloir choisir. « On ne peut pas être partout alors la mairie va faire une liste d'équipements à rénover. » Une réflexion qui va durer jusqu'à l'automne. Elle évoque des lieux à la Villeneuve, sans plus de précisions. Surtout, Maud Tavel pense, comme nous, à l'Ancien musée de peinture.
Un gros morceau à 2, 5 millions d'euros
Aujourd'hui, le bâtiment accueille des expos temporaires (une consacrée à la photographe Vivian Maier en novembre, celle de Noël du Magasin chaque année ou encore une, en ce moment, organisée par le Grenoble Street Art Fest) mais aussi la Plateforme, centre d'information sur les projets urbains en place depuis 2004. De quoi permettre donc à cette bâtisse du XVIIIe siècle de vivre de nouveau, presque toute l'année. Mais voilà, elle est aujourd'hui vieillissante. Pour une rénovation des murs et de la toiture de « ce lieu chargé en histoire et qui a une réelle valeur patrimoniale, cela nous coûterait 2, 5 millions d'euros » précise Mme Tavel.
Car l'Ancien musée de peinture dépérit – un filet de protection a par exemple dû être fixé au plafond pour éviter que le plâtre ne tombe sur les visiteurs. Il est sous-utilisé depuis que ses collections ont été déplacées en 1993 dans le tout nouveau Musée de Grenoble, laissant la (très belle) coquille vide – la Bibliothèque municipale avait déjà été déplacée vingt ans auparavant.
Marie-Josée Salat a été adjointe de Michel Destot, maire de Grenoble entre 1995 et 2014 : « On avait fait des études sérieuses et quelques petits travaux sur l'Ancien musée. Il a été question de le rénover, mais l'histoire ne nous a pas permis de le faire » regrette celle qui est aujourd'hui élue PS d'opposition à Grenoble, et qui vante tout de même le bilan de l'équipe à laquelle elle appartenait : « On a construit la Belle électrique ou bien le Stade des Alpes, qui s'est fait avec quelques résistances... » Du coup, durant les dix-neuf ans de mandat Destot, les réparations sur le patrimoine grenoblois ont été plus éparses, même si le Théâtre municipal ou la collégiale Saint-André ont eu droit à un coup de neuf (750 000 euros pour la Ville).
Mode de financement participatif
Aujourd'hui, la nouvelle majorité grenobloise veut renverser les choses, comme nous l'explique Maud Tavel. « Par un appel à idées, on souhaite trouver des solutions innovantes et ainsi prendre en compte l'utilisation des usagers, dans le respect du patrimoine et de l'ouverture aux Grenoblois. » La Ville cherche des partenaires financiers et des équipes pluridisciplinaires pour s'occuper de ses vieux bâtiments.
Pour trouver de l'argent, la mairie pourrait se tourner vers les préconisations de la Fédération des Associations du Patrimoine de l'Isère (FAPI). Pour sa présidente Geneviève Balestrieri, la solution se trouve « dans le mécénat populaire, qui est accompagné de déductions fiscales attractives. Nous organisons cela pour des bâtiments isérois. Mais pour des équipements comme l'Ancien musée de peinture, les budgets sont beaucoup plus élevés ». À ses yeux, un mécénat d'entreprise semble indispensable pour accompagner une souscription des citoyens élargie à tout le Dauphiné.
Mais les collectivités publiques doivent piloter l'ensemble. Grenoble-Alpes Métropole planche d'ailleurs en ce moment sur sa compétence culturelle, et donc sur le patrimoine. Des discussions conjointes entre la métropole, la Ville de Grenoble, le département et des associations se mettent en place pour trouver des ententes et décider des sommes allouées par chacun. Et ça presse : chaque jour qui passe, c'est un bout de patrimoine mal entretenu qui se détériore encore plus...