Danse / Le chorégraphe et co-directeur du Centre chorégraphique national de Grenoble va présenter à la MC2 sa nouvelle pièce centrée sur les migrations tragiques et meurtrières. On l'a vue en amont.
L'ambition était belle et généreuse : inviter vingt écoliers grenoblois et treize mineurs isolés ou migrants d'Afrique et d'Europe à rejoindre sur scène cinq interprètes professionnels. Mais ce spectacle de Rachid Ouramdane, baptisé Franchir la nuit, esthétise plus son propos politique et engagé (les migrations tragiques et meurtrières d'une époque malade) qu'il ne le dénonce. Sur un plateau recouvert d'eau, un homme court de plus en plus vite, sur place. Plus tard, lui et les autres joueront de ce liquide en se roulant dedans, en tapant la surface. À chaque fois, l'effet visuel est parfait. Trop. Comme si la création avait été pensée pour être photographiée.
Bien sûr, ce n'est nullement le cas, et l'intention du co-directeur du Centre chorégraphique national de Grenoble (CCN2) ne souffre d'aucune insincérité. Mais son parti pris questionne, d'autant que ces séquences sont enveloppées des trop entendus Heroes de David Bowie et Knokin'on Heaven's Door de Bob Dylan. Heureusement, ce ne sont pas les versions originales qui résonnent mais la singulière appropriation qu'en fait Deborah Lennie-Bisson, qui compose également d'autres chansons de cette pièce créée à Annecy en septembre dernier et passée par la Biennale de la danse à Lyon dans la foulée.
Et c'est donc par la voix plus que par la danse, et par les images filmées, que Franchir la nuit convainc par interstices. Comme lors de ce gros plan fixe sur cet enfant noir qui étreint un encombrant mais réconfortant volatile blanc. Ses yeux perdus ne sont pas sans rappeler ceux du Regard du sourd de Bob Wilson qui ne se départait jamais de son oiseau noir. Les Beach Birds de Merce Cunningham rôdent aussi. Esthétique, référencé, mais malheureusement un peu vain.
Franchir la nuit
À la MC2 du jeudi 8 au samedi 10 novembre