Kevin Morby : mort et vif

Kevin Morby

Le Ciel

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Jeune prodige discret au talent pourtant imposant, Kevin Morby est présenté comme un digne successeur de Bob Dylan et de Lou Reed. Héritage lourd à porter s'il n'avait de bien plus lourds bagages à trimballer au fil de ses chansons entre ténèbres et lumière, mort à venir et pulsion de vie. Stéphane Duchêne

Quand tout le monde vous compare à Bob Dylan et que vous écrivez une chanson comme Slow Train (le "dylanophile" appuie sur son buzzer et hurle « Slow Train Coming ! »), cela peut apparaître comme une déclaration de principe qu'avec des chansons comme The Jester, the Tramp & the Acrobat ou Amen (pas seulement la musique, folle, arasante, et pourtant tellement "laidback", mais aussi les textes), vous semblez signer de votre plus belle griffe.

Comme Dylan, l'Américain Kevin Morby, conteur inouï doué pour les grandes chansons pas ramenardes, donne cette impression de chanter un mètre à côté du micro, comme s'il n'était pas là – une comparaison qui vaut également avec Lou Reed, et pas que sur ce point. Et pourtant, comme eux, Morby y met plus d'implication intérieure que quiconque, tant il hante ses morceaux plus qu'il ne les habite.

Still Life

Sans doute un peu parce qu'à la manière d'un Lou Reed, dont il partage aussi les vieilles aspirations doo-wop et les élans psyché plus tardifs du Velvet de Sunday Morning, il est agité d'obsessions qui pourraient inquiéter chez un chanteur pop de 27 ans, si vous voyez ce qu'on veut dire.

À longueur d'albums (Still Life et Harlem River, deux prodigieux exercices de génie discret), Kevin Morby semble compter ses morts (The dead they don't come back, hommage à son meilleur ami disparu) comme on compte ses abattis, et vivre dans la crainte de la sienne – qui d'ailleurs est déjà en marche, car vivre c'est mourir un peu (« I'm not dead, but I'm dying, so slow, so slow », chante-t-il sur son sublime Amen, auparavant sur le très "loureedien" Parade « If I were to die today, slaughtered in that masquerade... »).

C'est sans doute pourquoi rester en place lui semble si difficile, pourquoi il semble attendre ce Slow Train et chante Miles, Miles, Miles (le déménagement « obligatoire » vers la Californie a été fait). Car si les voyages, lignes de fuite, forment la jeunesse et reculent peut-être l'instant de la mort, ils font en réalité, comme sous-entendu sur Miles, Miles, Miles justement, sortir des ténèbres.

Mais, on le sait, ces voyages peuvent aussi être de mots « véhiculant » la sagesse du poète résumée en ces lignes : « Dans les premières phrases du matin, cette phrase me viendra / Doucement, telle une feuille glissant sur l'eau, ne blessant personne / Et ce matin quand j'ai ouvert les yeux, elle m'a dit : « accepte la mort » ». Quel poète ? Whitman ? Emerson ? Allen Ginsberg ? Bob Dylan ? Lou Reed ? Leonard Cohen ? Non, Kevin Morby.

Kevin Morby, mercredi 3 juin à 20h30, au Ciel

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