La Catalogne Ikéa

Musique / En provenance d'une Catalogne imaginaire, les 24 membres d'I'm from Barcelona viennent exposer au Kao leur conception du modèle suédois à coups de mélodies timbrées et de chœurs déglacés. Stéphane Duchêne

Évacuons d'entrée le problème d'un groupe suédois qui affirme venir de Barcelone et parle de lui à la première personne du singulier en dépit d'un effectif surnuméraire (29 membres sur disque, 24 sur scène) : en toute logique la troupe conduite par Emanuel Lundgren (aucun lien avec Dolph Lundgren, le monolithique balai à chiottes incarnant Ivan Drago dans Rocky IV) devrait s'appeler «We're from Jönkoping». Jönkoping, 9e ville de Suède, qui a donné au monde rien moins que deux chanteuses (Agneta, la blonde d'Abba, Nina Persson, la blonde des Cardigans) et un ancien secrétaire général des Nations Unies, Dag Hammarskjöld, également Prix Nobel de la Paix et blond, lui aussi.

Bref, même si la Suède est ce pays où il fait bon vivre au milieu des blonds en montant des meubles en kit pour oublier qu'on paie trop d'impôts (ce qui explique le fort taux de suicide du pays, à moins que ce ne soit cette profusion de blonds), c'est quand même moins fun que Barcelone. Ce nom, ce «Ich bin ein Berliner» sauce espingouine, Lundgren l'a en réalité emprunté à une réplique de la série anglaise Fawlty Towers, qui lui a semblé véhiculer suffisamment d'exotisme pour sa bande-son d'une vie à la cool.

Syndrome de Brian Wilson

Car si on dit souvent que les Suédois ont des leçons à nous donner en matière de social (le fameux modèle suédois), on peut penser que si la vie était comme dans les chansons d'I'm From Barcelona, il n'y aurait même pas besoin de protection sociale : leur premier album, Let me introduce my friends, est un hymne à l'irresponsabilité enfantine, chanté en canon par une bande de sales gosses (voir le clip de We're from Barcelona, remake ondulant des Choristes).

Un manifeste pop qui invoque le droit à la paresse et fait muter le syndrome de Peter Pan caractéristique des trentenaires de notre époque en syndrome de Brian Wilson (ensevelir sa peur du monde sous des tonnes d'arrangements édéniques et de chœurs séraphiques pour se rêver au Paradis).

Nous sommes tous des Barcelonais

Dans ses chansons, Emanuel Lundgren, petit rouquin même pas blond aux yeux de furet, collectionne les timbres du monde entier comme autant de voyages immobiles, construit des cabanes dans les arbres pour taquiner la belette ou dort tard le lundi en se persuadant que c'est dimanche. La musique de I'm from Barcelona est donc à peu près aussi futile et redoutablement mange-cerveau que les crétineries bubblegum des Archies (Sugar, Sugar).

Quelque chose qui donne envie de crier «Nous sommes tous des Barcelonais», quelque chose qui ramène un peu d'euphorie dans le monde en faillite de François Fillon, avec pour seul message, sur We're from Barcelona : «L'amour est un sentiment que nous ne comprenons pas, mais on va quand même vous en donner». Même le Service Après Vente d'Ikéa n'est pas aussi arrangeant.

I'M FROM BARCELONA + THEDO + SOKO Au Ninkasi Kao Jeudi 11 oct.

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