No New York

James Chance & Les Contorsions

Sonic

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Accompagné d'un "déroutant" trio de musiciens français baptisé les Contorsions, la légende de la no wave new-yorkaise James Chance revient faire le sexe au sax, entre les convulsions noires de l'hédonisme funk et l'épilepsie blafarde du nihilisme punk. Stéphane Duchêne.

Lorsque, ivre et gonflé de notre enthousiasme, nous avons annoncé il y a quelques semaines la venue de James Chance & the Contortions, nous avons reçu un courrier rectificatif de lecteur-animateur radio qui nous a bien boulé : «Attention : ce qui vient, ce n'est pas James Chance and The Contortions (groupe de New York), c'est James Chance et les Contorsions (groupe de Poitiers). Seul James Chance est le même. Mais pas le backing band !! Et pour avoir vu les deux, je peux dire que ça fait une sacrée différence…… Mais pas dans le bon sens !!!!!!». Dans le genre rabat-joie, merci bien. Vous aurez d'ailleurs noté les six points d'exclamations, ainsi qu'un abus caractérisé du point de suspension propre à arrêter le pendule de Foucault – aux dernière nouvelles une équipe de techniciens serait parvenue à le faire redémarrer (ouf !).

Teenage Jesus

Bon, c'est vrai un groupe de Poitiers en lieu et place de l'original from NY, voilà qui a de quoi doucher votre enthousiasme. Avec tout le respect, immense, qu'on a pour le Poitou, si le Velvet avait été originaire de, mettons, ben Poitiers tiens, la face du monde en eut été changée. On peut donc s'estimer heureux qu'on ne nous ait pas EN PLUS remplacé James Chance par Jacques Aubaine, un saxophoniste pictavien en pré-retraite couperosée. Car bon, accompagné d'un backing band de Poitiers ou de New York, James Chance reste une foutue légende de l'underground, qui avec THE Contortions (les vrais) nous avait mis une sacrée claque il y a quelques Nuits Sonores – y a qu'à voir, on en a encore la joue toute rouge et les oreilles qui sifflent.

Flashback. Au milieu des 70's, avec Lydia Lunch et leurs Teenage Jesus & the Jerk, James Chance, né Siegfried, cherche d'abord a trouver une porte de sortie à un mouvement qui vient pourtant à peine d'entrer : le punk. Punk que Lunch considère comme du «Chuck Berry moche joué plus fort et trois fois plus vite» (pas faux). Avec leur conception bien à eux du «no future», ils tordent donc le cou au genre comme on casse la nuque des poulets : cris stridents contre saxo schizo, et inversement. Qu'importe, ça ne ressemble pas du tout à du Chuck Berry mais ça reste bien moche, exprès, et quelque part, le poulet punk continue de courir, c'est bien là l'essentiel. Ainsi naît donc la no wave, et ce qui immortalisa les carrières des deux susdits après leur séparation : le mouvement No New York, mis en lumière et en disque par Brian Eno en 1978.

Le "White cannibal" poursuivra alors sur des territoires plus free-jazz mais toujours totalement azimutés, piétinant volontiers, sous le nom de James White – parmi moult avatars – les plates-bandes funk de groupes aussi essentiels que les Bush Tetras et les Talking Heads. Avec, comme fil rouge, quel que soit le support musical, cette voix caoutchouteuse et ce saxo incontrôlable – un saxo qui semble avoir sa vie propre, se débattre dans les mains de son maître tel un serpent, menaçant de le mordre plus qu'il n'est charmé. C'est ce corps-à-corps entre deux bêtes sauvages, saxo venimeux et cannibale blanc, qui fait la singularité de la musique de James Chance et amène à se poser cette question : a-t-il jamais maîtrisé son instrument, attendu qu'il semble déjà avoir du mal à se maîtriser lui-même ? Vous avez quatre heures.

Incorrigible

Sauf que Chance, lui, ne rêve que d'une chose : être une rock star, une vraie – n'en arbore-t-il pas d'ailleurs la séminale banane depuis des décennies ? -, clamant ses envies de reprise (en levrette, on imagine) : T.B. Sheets de Van Morrison, I'm So Tired des Beatles, on en passe, toutes aussi éloignées, a priori, de l'univers underground-Lower East Side, mais toutes saisies d'un groove reptilien qui ne s'ignore pas tellement. Parfois la "sax machine" s'exécute, comme dans l'émission Chorus d'Antoine de Caunes en 1980, où elle enflamme le Théâtre de l'Empire (celui-là même où périrent tant de dimanches après-midi de notre enfance, pris en otage par l'ogre Jacques Martin) avec I Feel Good de James Brown. Ou quand Chance livre sur disque une lecture étrangement éclairante du Don't Stop 'Till You Get Enough du King of Pop.

Avec les (french) Contorsions et quelques guests vintage, James Chance a enregistré l'année dernière son premier disque en 15 ans, Incorrigible. Du «jazz halluciné» bien moins underground que ses plus grands disques – il y reprend tout de même Scott-Heron – mais tout aussi enclin à faire vaciller live la banane de ce volatile reptile en exil quasi-permanent sur nos scènes. Au point qu'on s'y égare tous : car No New York, certes, mais No Poitiers non plus. Parce que oui, on a vérifié : aux dernières nouvelles, les Contorsions, constitués aux deux tiers de musiciens de Miossec rencontrés lors des Transmusicales 2010, sont en fait de... Rennes. Pour toute mise à jour, nous écrire, on a le GPS qui flanche.

James Chance & les Contorsions
Au Sonic, jeudi 7 mars

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