Guignol, un simple divertissement ? Oui, mais en temps de guerre s'amuser prend un sens primordial. C'est ce que démontre la nouvelle exposition de Gadagne, au croisement idéal des deux objets de ce double musée dédié à la fois à l'histoire de Lyon et aux marionnettes.
Avancer de ligne en ligne au front, puis se reposer en zone de cantonnement. Le rythme des soldats est cyclique et ennuyeux, d'autant que la Première Guerre mondial n'en finit pas. Et s'ils passent 30% de leur temps à l'avant, il faut bien les occuper à l'arrière. Rapidement, Guignol, alors emblème de l'Expo internationale urbaine qui se tient à Lyon dès mai 1914 et figure lyonnaise connue dans tout le pays, est reproduit sur des cartes postales analysées numériquement dans ce parcours. Il sert de catalyseur à un patriotisme que diffuse massivement les autorités pour fédérer les combattants. Mais il est aussi, via notamment le journal satirique Guignol dont plusieurs Unes sont présentées au musée, un poil à gratter dont se délectent plus encore les Poilus.
Stigmatisant les profiteurs de la guerre ou les pacifistes sans solutions, la marionnette s'adresse désormais aux adultes. Des castelets de bois sont montés à l'arrière et même dans les camps de prisonniers en Allemagne, grâce notamment aux prêts des théâtres lyonnais. Celui du quai Saint-Antoine achemine ainsi 180 marionnettes et au moins autant de textes sur les zones de conflit et les plus enthousiastes des guerriers les manipulent pour distraire leurs camarades. Le "vrai" théâtre est également un compagnon d'infortune : la Comédie Française enverra ses troupes et la star Sarah Bernhardt, 72 ans et amputée d'une jambe, jouer en Meurthe-et-Moselle, comme en attestent des photos montrées ici. En 1917, le système se perfectionne encore avec l'opération "Théâtre au front" qui permet de fournir des théâtres démontables dans lesquels se dérouleront 6000 représentations ! Un extrait de La Grande Illusion l'illustre.
Gone zone
Si la guerre s'ancre d'abord dans un périmètre de combats, elle irrigue aussi ce que les historiens appellent désormais le "front domestique". Le Théâtre Guignol-Mourguet (voir la magnifique porte conservée au 1er étage du 30 quai Saint-Antoine) et celui du Petit Passage de l'Argue accueillent une population majoritairement bourgeoise, à en croire les clichés exposés, et s'offre gratuitement aux soldats revenus valides. Les autres bénéficient de spectacles donnés dans les hôpitaux mêmes, faisant de Guignol une sorte de pansement iconique qui est même reproduit sur les gourdes et obus ! Outre ces objets, de nombreux document graphiques sont disponibles audiophoniquement tout au long de ce captivant accrochage qui se termine avec son homologue germanique, Kasperl.
Guignol 14-18, mobiliser, survivre
Aux Musées Gadagne jusqu'au 28 février