Mardi 8 janvier 2019 Les traditionnels tops musicaux de fin d'année n'ayant pas survécu à la Saint-Sylvestre, voici venu le temps des tops de début d'année. À commencer par celui des concerts indispensables du premier semestre.
Cyril Cyril : chant de ruines
Par Stéphane Duchêne
Publié Mardi 26 février 2019
Photo : © DR
Cyril Cyril + Bégayer
La Bobine
ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement
Rock / Avec son premier album Certaines ruines, le duo helvète Cyril Cyril dresse un constat de notre époque aussi amer que paradoxalement dansant, où transe rime avec résistance et mondialisme avec vitalisme.
Les amateurs de la scène underground suisse, plus nombreux qu'on ne le croit, connaissent déjà par cœur le CV de Cyril Yeterian qui, au gré de ses multiples projets, a toujours défendu une certaine idée de l'avant-garde musicale nichée dans la défense de la tradition et l'exhumation des esthétiques enfouies ou méconnues. On l'a ainsi vu œuvrer à l'exploration de la musique cajun au sein du regretté trio Mama Rosin ; inventer les "Alpalaches" avec Les Frères Souchet ; ou encore digger les mondes souterrains avec son label Bongo Joe en travaillant à l'abolition de l'espace-temps musical, de rééditions de pépites en découvertes de trésors transculturels (le groupe néerlandais Altin Gün, pour ne citer que lui).
Le voilà désormais avec un autre Cyril, Bondi, du groupe La Tène (autre pensionnaire Bongo), aux commandes d'une créature bicéphale ondulant entre folklore, expérimentation et réflexion existentialo-oulipienne. D'un banjo, d'une guitare, d'un accordéon diatonique et d'une batterie modifiée, Cyril Cyril tire Certaines ruines, œuvre « disco psyché ethno haschisch » qui cavale sur la route de la soie en direction de Samarcande, ancien joyau mille fois outragé ; tournoie tel le derviche aux pieds du Colosse de Rhodes ; plonge dans le calme chaotique de l'onde ; exorcise l'Ultra moderne solitude en unifiant les cultures méditerranéennes, l'antique et l'avenir.
Mille autres quelque part
Invoquant les démons (mais de la danse) comme nouvelle politesse du désespoir, Cyril Cyril "transe-forme" ainsi ce qui pourrait être un nihilisme résigné en irrépressible pulsion de vie nourrie d'envies d'ailleurs. « Ne plus croire en rien et s'en aller brouter les inquiétudes ensevelies des mille autres quelque part » scande ainsi Yeterian. Car il s'agit avant tout de quitter La ville où s'agglutinent les périls et les solitudes. « La ville est un danger / Elle pétrifie de silence les campagnes / Elle menace les cultures et les différences comme un virus mondial [...] / Les échoués y sédimentent / Elle saisonne en solitudes les pauvretés nouvelles » dans un isolement claustral qui avance masqué (« Donne tes données, je te donne mes données » ironise Sous la mer c'est calme).
Une aspiration à ne faire « que passer », à « habiter dans le rift » que les Suisses transforment en nomadisme musical multidirectionnel à visée existentielle. « Où sont passées les âmes / Avec qui prendre les armes ? » interroge le duo dans un étonnant écho à l'actualité. La réponse est dans la question : elle tient, pour l'auditeur, en un prénom au carré.
Cyril Cyril + Bégayer
À l'Opéra Underground le jeudi 28 février
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