Florence Aubenas : Ici, ailleurs, et à Bron

Florence Aubenas

Hippodrome de Parilly

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Fête du Livre de Bron / Grande figure du journalisme contemporain, grande reporter au Monde, Florence Aubenas sera l’invitée d’un grand entretien lors de la Fête du Livre de Bron. Elle sort en ce mois de février Ici et Ailleurs — une sélection de 47 de ses articles parus entre 2015 et 2022 dans le quotidien du soir.

Dans le métier de journaliste, on connait rarement la fin d’une histoire. Pourtant, on ne cesse d’essayer de raconter la couleur des époques que l’on traverse.

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Écouter, ressentir, regarder, puis retranscrire. C’est le métier de Florence Aubenas, invitée pour l’édition 2023 de la Fête du Livre de Bron, qui se questionne cette année sur "un endroit où vivre" — sur notre place dans le monde. Et si justement, sa place, c’était le monde ? Depuis 37 ans, Florence Aubenas pratique l’immersion, pour montrer les choses en mouvement : un pays, une classe sociale, une affaire judiciaire. Grand reporter, elle part à la rencontre des personnes qui racontent l’époque, écrit sur des hommes et des femmes ordinaires, confrontés souvent à l’extra ordinaire. Travaille t-elle sur les invisibles ? Pas plus qu’elle même ne doit se rendre invisible, s’effacer, au profit du sujet. Avec Ici et ailleurs, son dernier essai paru début février aux éditions de l’Olivier, Florence Aubenas nous invite à partager sa quête boulimique de moments de vérité, prenant le température en France et ailleurs, de 2015 à maintenant.

Journal de guerre

Attentats, crise des Gilets Jaunes, guerre en Ukraine, Covid ou crise en Grèce, ce livre est une plongée dans le tintamarre de ces huit dernières années de "guerre". La guerre, qui monte, qui monte : cinq ans pendant lesquels ce même mot n’a eu de cesse de ressortir, à tort ou a raison. La guerre contre le terrorisme, la guerree contre le Covid ou contre les Gilets Jaunes, la guerre des prix.

Puis, la vraie guerre — voisine —, celle en Ukraine. Ce mot sera le fil rouge du recueil. Soudain, elle n’est plus un simple mot ou une posture. L’Europe, de façon militaire, est en guerre. C’est la dernier partie de cet ouvrage. Qui sont ceux qui rentrent au pays depuis la France ? Pourquoi ? Izioum, une ville de l’Est qui touche la frontière Russe a été occupée pendant six mois. Florence Aubenas s’y rend au moment où la cité vient d’être libérée. On lit aussi l’urgence des premiers procès pour crime de guerre alors que les combats s’intensifient. Plus inhabituel, le conflit est observée par le prisme d’une clientèle particulière qui s’installe dans les hôtels de luxes de Bukovel. Qui sont ceux qui ont les moyens de trouver refuge à la montagne ? En tout, le temps au front représentera "seulement" 20% du temps qu’elle passe en Ukraine, confiera t-elle.

Un sens de l’observation

Celle qui fût parachutée en plein génocide au Rwanda en guise de premier reportage de guerre, qui fût pendant 157 jours otage en Irak (2005), semble imperméable à la peur. « Partir, revenir, partir, surtout ne jamais reprendre son souffle […] j’étais dans mon univers à moi, un reportage » écrit-t-elle dans la préface — seul moment de l’ouvrage où l’utilisation du  "Je" est privilégiée.

N’épousant jamais le voyeurisme, sans posture ni jugement, la journaliste décrit. D’une plume accessible, penchant plutôt pour l’allègement des superlatifs au profit d’une description chirurgicale — suivant comme un mantra les mots du romancier Georges Simenon — elle s’efforce « d’employer des mots qui aient le même sens dans 90 cervelles ». Alors, Florence Aubenas met le lecteur dans le bain, lui communique avec les moyens les plus ordinaires, sa vibration. Elle raconte les sons, les températures, les lumières, les motifs sur les chaussettes.

Ouvrir les guillemets

Florence Aubenas donne une voix à ceux qui n’en ont pas. En Grèce dans la tornade des crises financières auprès des conducteurs de cars, au coin d’un brasero avec des Gilets Jaunes ou à Bruxelles dans le quartier de Molenbeek après les attentats, ses sujets exigent de longs temps d’immersion. À la différence du Quais de Ouistreham — son ouvrage paru en 2010 (L’Olivier) — elle avance ici à découvert, sans taire son identité. Et toujours : du temps pour s’appréhender.

Écouter et recueillir les mots de celles et ceux qui se risquent à parler à cette espèce qui inspire plus souvent la méfiance : les journalistes. « Les journalistes ont mauvaise presse. Lorsqu’on se retrouve face à un journaliste, on a l’impression qu’on ne va pas passer un bon moment. Il faut raconter aux gens comment on travaille. Notre métier ne s’est pas assez dévoilé. Nous, journaliste, avons des pas à faire pour se rapprocher des gens qui nous lisent et que l’on interviewe » disait récemment la reporter au micro de France Inter. L’ouverture des guillemets est un exercice délicat à manier. Ne pas trahir la parole de la personne qui se livre.

Saisir le réel par les mots

Se relaient alors avec une souplesse olympique : bribes de conversations, faits contextuels et dialogues — comme une course à la connaissance. Les chapitres se suivent chronologiquement. Le premier s’ouvre sur une virée initiatique de deux cousins musulmans Nanterrois partis en vacances en Thaïlande, avant de nous téléporter dans le Lot, auprès de ceux qui envisagent de voter pour le candidat Macron en 2017. On lit aussi — comme on lirait un Marcel Pagnol — l’histoire de la Visiteuse, une mystérieuse femme des bois qui a fait d’une forêt des Cévennes son domicile. Avant cela, l’autrice nous immerge en 2019, dans un Hyper U, à Mende (Lozère).

Parler des oubliés

Un Hyper U ? Plus encore qu’un marché, le super marché est un lieu de brassage incontournable. Elle y passera un mois. « On sait tous que c’est un endroit où les gens sont mal payés, où l’on va se faire avoir par les promotions…. On est à la fois victime et coupable de s’y rendre. C’est un endroit symbolique » dit-elle au micro de France Culture. Florence Aubenas a une accointance avec les oubliés, les déclassés. Essayer de les comprendre, redéfinir la notion même de grand reportage avec l’importance de parler du quotidien, arriver quelque part où une chose — on ne sait pas quoi — est entrain de naître, c’est aussi ce que transpire Ici et ailleurs. Mais tout cela, c'est encore elle qui en parlera le mieux vendredi 3 mars à la Fête du Livre de Bron.

Florence Aubenas
À la Fête du Livre de Bron (Hippodrome de Parilly) le v
endredi 3 mars à 14h30


En dates

6 février 1961 : Naissance à Bruxelles

1984 : Florence Aubenas est diplômée du CFJ

1996 : Elle entre au journal Libération

1994 : Elle est envoyée au Rwanda pour couvrir le génocide des Tutsis

Du 5 janvier 2005 au 11 juin 2005 : Otage en Irak

2010 : La Méprise : l'affaire d'Outreau (éditions du Seuil)

2006 : Départ pour l'hebdomadaire Le Nouvel Observateur

2009 : Elle est élue à la tête de l'Observatoire International des Prisons (OIP)

2010 : Le Quai de Ouistreham (éditions de L'Olivier)

2012 : Entrée au journal Le Monde

2021 : L'Inconnu de la Poste (éditions de L'Olivier)

2023 : Ici et ailleurs (éditions de L'Olivier)

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