La voix de Gazaouis à Sens interdits

Les monologues de Gaza

Le Ciel

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Théâtre / Le festival Sens interdits s’est ouvert sept jours après l’attaque massive perpétrée par le Hamas contre Israël. Au programme de ce théâtre de l’urgence, un focus consacré à la Palestine en trois spectacles dont Les Monologues de Gaza mis en scène par Matthieu Loos, dans le théâtre qu’il co-dirige, le Ciel. À 13 jours de la création, il nous explique ce projet et ce qui motive sa persistance : faire acte de partage et de paix.

Qu’est-ce que ces Monologues ?
Matthieu Loos : C'est le Théâtre Ashtar, fondé en 1991 qui, quelques mois après l’opération militaire israélienne "Plomb durci" en 2008-2009, a tenté de reconstruire des adolescents qui ont vécu ce qui est un peu la première guerre de Gaza. Sur un temps long, ce projet de pratique théâtrale a utilisé les méthodes du Théâtre de l’Opprimé, considérant que ces jeunes étaient sous le joug d’un oppresseur. Ils sont allés jusqu’à écrire des monologues — 33 — puis ont été mis en scène dans un spectacle joué par eux, à Gaza.

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Cette production n’a pas tourné, car les enfants ne pouvaient pas sortir de Gaza mais le texte a été traduit pour des dizaines de pays… Il y a eu des tonnes de choses faites mais toujours en lien avec le théâtre Ashtar et c’est assez beau. J’ai choisi cinq monologues d’auteurs avec qui je suis en contact. Ils accompagnent le projet, seront présents en vidéo pendant qu’on lit leur texte et pourront interagir (dire des morceaux en arabe, répondre à des questions…). Ça c’est le projet initial, mais avec les évènements actuels à Gaza, on ne sait pas. J’étais en répétitions avec eux mardi 10 octobre. Trois étaient présents sur les cinq en vidéo : l’une habite en Norvège donc ça allait, deux autres sont à Gaza, un était obligé d’aller chez le voisin car il n’avait pas d’électricité et on entendait le bruit des avions et la troisième avait été expulsée de son immeuble car les Israéliens menaçaient de le bombarder. Les deux autres, je ne sais même pas s’ils sont en vie.

Vous posez-vous la question de savoir s’il faut le jouer ? S’il peut être audible ? Si ça peut être perçu comme une provocation ?
Évidemment. Le projet devient vertigineux. Jusqu’à il y a une semaine, il s’agissait de faire entendre la parole de jeunes Gazaouis qui avaient vécu le désastre de la guerre il y a une dizaine d’années. Puis je me suis demandé s’il s’agissait de donner la parole à l’un des deux camps. Et c’est en répondant non que je me sens capable de le faire. Depuis le 7 octobre, on est pris dans un flot d’informations continues et c’est le seul regard qu’on a. Ce spectacle est la possibilité d’un autre regard, celui d’artistes, de civils — certes du côté palestinien, mais ils ne sont pas du tout du côté du Hamas. C’était des gamins. Aujourd’hui ils ont environ 25 ans, des enfants... C’est vital qu’il y ait d’autres moyens d’accéder à cette réalité que le déchaînement médiatique. On donne une parole comme le font les journalistes mais autrement. Même s’il s’agit juste de lire ces Monologues, si ce n’est pas une production théâtrale avec une esthétique super chiadée, mine de rien ça demande quand même du temps de produire ça, beaucoup plus que la manière dont sont produits les impressions sur les médias ou les réseaux sociaux qui vont très très vite. Là, il y a une petite maturation qui donne de l’épaisseur.

Je me dis donc qu’il faut le faire. Ce qui est important est de pas transformer ce moment en un affrontement d’idées. C’est un moment de partage entre êtres humains. Faire entendre ces voix le plus simplement possible car voilà ce que les hommes sont capables de faire.

Est-ce que vous avez la crainte que ce soit annulé ?
C’est envisageable bien sûr. Notre position, alignée avec Sens interdits, est de dire « faisons le spectacle et on s’adapte au jour le jour à la situation ». S’il y a une escalade entre certaines communautés en France, qu’il est difficile de maintenir la sécurité et que la Préfecture nous dit de ne pas le faire, ce sera la réalité du moment et on s’y pliera. On l’envisage. On sait que c’est possible. On est prudents. On sait bien qu’on manipule quelque chose qui peut être glissant. Il ne faut pas que ça le soit. Ce qui est très important est que ce soit un moment de paix et pas un moment d’affrontement et s'il y a la moindre crainte que ce le soit, alors peut-être qu’il ne faudra pas le faire ou le faire autrement.

Les Monologues de Gaza
Au Ciel les 27 et 28 octobre
Dans le cadre du festival Sens interdits

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