Bons plans / Des musiques du monde, au metal le plus extrême, de la pop raffinée, aux évocations vikings, cette nouvelle année s'ouvre sous le signe de la corne d'abondance. Voici une sélection intrinsèquement non exhaustive et passionnée.
Urtyn duu, le chant long des steppes
Traverser l'immensité des steppes mongoles : telle est la puissance inhérente de l'urtyn duu, le chant long qui, avec le bogino duu, le chant court, représente la principale forme de musique traditionnelle de l'ancien empire de Gengis Khan. Le Musée des Confluences propose une immersion dans ces mélodies lointaines, convoquant l'espace et les couleurs des landes traversées par les nomades à cheval et parsemées de yourtes.
Au Musée des Confluences le vendredi 26 janvier
Wild Or Nothing Fest : The Foxy Ladies + Tagada Jones + Opium Du Peuple + Myciaa
Peut-on dignement fêter un anniversaire sans amis et sans musique ? Pour souffler leurs dix bougies, les Foxy Ladies ont concocté une longue soirée peuplée d'amis tels que Tagada Jones, champions incontestés de la scène punk hardcore nationale, Opium Du Peuple, génies déchaînant des violents actes parodiques (écoutez leur Ave Maria en version black metal !) et Myciaa, duo electropunk incitant à une pure dépense d'énergie. Placée sous la bannière éloquente « Wild or Nothing », devise historique des Lyonnaises, la soirée s'annonce comme un festin brut et sauvage culminant avec le live des Foxy Ladies et leur savant mélange de punk, metal et grunge magnifié par la voix de Gabi, dans un déchaînement de rage mordante et d'envolées sophistiquées.
À la Rayonne le samedi 27 janvier
Slowdive
L'influence du groupe culte de Reading n'a jamais faibli avec le temps, même pendant son (trop) long hiatus (1995-2014). Leur pop rêveuse, enchâssée dans des mouvements post rock et shoegaze extatiques, a créé d'innombrables épigones (pensons tout simplement à Cigarettes After Sex). Après le splendide album éponyme de 2017, l'année écoulée a été marquée par la sortie de l'impeccable Everything Is Alive, initiant une tournée mondiale qui, chance pour nous, fera escale dans la région. À ne pas rater.
Au Transbordeur le dimanche 4 février
Mars Red Sky + Cosse + Occult Hand Order
Compact et dénué de porosité, le son des Bordelais de Mars Red Sky résiste à toute description. Rencontre/choc entre Black Sabbath, Sleep, le psychédélisme des années 1970 et Giovanni Battista Piranesi (!), au fil des ans l'esthétique du trio a su se faire une place incontestable dans la scène stoner internationale. Down of Dusk, cinquième album du groupe en douze ans, confirme la collision entre sonorités lourdes, chant éthéré et lysergique, ouvrant ainsi un horizon angélique plutôt inattendu (Heavenly Bodies : jugez par vous-mêmes).
Au Marché Gare le mercredi 7 février
Aline
Où était passé Aline ? On a peu entendu parler d'eux depuis 2015, année de la sortie du délicieux La vie électrique, digne successeur de Regarde le ciel. Créateur d'une pop franche et directe, élégamment matée d'un voile mélancolique, Aline a récemment lancé (et finalisé avec succès) le financement de La lune sera bleue, album d'inédits couvrant la période 2009-2015. La mini-tournée de célébration accompagnant cette publication s'ouvrira précisément à Lyon, avant de faire escale à la Maroquinerie et au Makeda, pour trois rares concerts à ne pas manquer.
Au Sonic le jeudi 8 février
Irène Drésel
Après avoir incendié le théâtre de Fourvière lors de la dernière édition des Nuits, Irène Drésel revient faire danser les Lyonnais en proposant une soirée plus intimiste dans la salle du Sucre. S'organisant autour de boucles limpides captivantes, sa techno élève sans jamais soumettre. Loin des démonstrations techniques, ses concerts sont de véritables expériences émotionnelles, des instants de libération énergétique, de partage sincère et éthéré. Débarrassée de tout aspect oppressant, la techno florale d'Irène Drésel est l'une des meilleures performances que l'on puisse expérimenter dans l'univers des musiques électroniques.
Au Sucre le vendredi 1er mars
In Arkadia + It Came from Beneath + Ascend
Il y a quelques semaines, on nous communiquait la fin de deux groupes lyonnais historiques dont la radicalité musicale n'a jamais fait défaut : In Arkadia et It Came From Beneath. Mais l'annonce brutale sur les réseaux sociaux était aussi porteuse d'un message presque évangélique, une « bonne nouvelle » : celle d'une dernière célébration conjurant la fin de leur parcours terrestre. Et quel meilleur lieu que le souterrain Rock'n Eat pour accueillir les lamentations et les hurlements honorant ces funérailles festives ? Un requiem cathartique à prix libre.
Au Rock'n Eat le vendredi 1 mars
Les Marquises & Quatuor Una Corda
Jean-Sébastien Nouveau possède sans aucun doute le don d'étonner. Sans cesse. Depuis 2010, le musicien lyonnais livre des œuvres sensibles et minutieusement sculptées qui questionnent tous les paradigmes possibles : des allées et venues entre électro tribale et pop mélancolique, des tentations bruitistes et des atmosphères d'un jazz hautement surveillé. Avec Soleils noirs, cinquième album sous la bannière de sa créature au nom exotique, Nouveau tourne son regard vers d'autres horizons, en proposant une immersion dans les eaux troubles de l'ambient. Laissez-vous engloutir dans son univers captivant à l'occasion de son passage dans l'hypogée de la maison d'opéra de la ville.
À l'Opéra Underground le mercredi 6 mars
Grandbrothers
Grandbrothers est l'aventure fascinante d'un pianiste, Erol Sarp, et de son acolyte Lukas Vogel, prodigieux transformateur de sons. Entre les deux, un seul instrument : un piano préparé (Loué soit John Cage !) dont les marteaux ont été modifiés pour étendre les possibilités de leur son. Chaque œuvre produite par le duo est un diamant cristallin, fascinant et dépourvu d'aspérités. Séance de rattrapage pour ceux qui sont passés à côté des tourbillons sonores de Bloodflow (dans la B.O de Hors normes) pour enchainer directement avec Late Reflections, opus conçu pour la cathédrale de Cologne (le concert est disponible en ligne) dont des fragments résonneront bientôt dans la salle intimiste de Feyzin.
À L'Épicerie Moderne le jeudi 7 mars
Delgres
Le groupe, qui porte le nom du militant anti-esclavagiste guadeloupéen Louis Delgrès, est né de la rencontre entre le chanteur Pascal Danaë, le batteur Baptiste Brondy et le soubassophoniste Rafgee. Alliant les couleurs et les drames des musiques du monde et leur pouvoir de contre-effectuation à la profondeur inquiète du blues, Delgres propose un mélange fascinant qui s'incarne dans un rock caribéen déchainé dans lequel il ne serait pas insensé de reconnaitre les sonorités de The Black Keys. Prêts pour un voyage dans une imagerie ponctuée de rythmes endiablés et d'élégants textes créoles ?
À L'Épicerie Moderne le samedi 9 mars
Mass Hysteria
Valeur sûre de la scène indus nationale, Mass Hysteria a constitué une solide discographie en trente ans d'activité. Leurs concerts sont des démonstrations de force, des machines parfaites où tout est réglé à la perfection, résultat d'une étude minutieuse où les veines électroniques et hip-hop apparaissent au sein d'un metal industriel puissant. Si le chant de Mouss Kelai découpe la musique avec une rare efficacité, l'assaut sonore contraint tout spectateur à un assujettissement total. Après l'inoubliable performance au Gros 4 en mai 2022 à la Halle, Mass Hysteria est de retour dans notre région.
Aux Abattoirs (Bourgoin-Jallieu) le jeudi 14 mars
La Nuit des Sorcières : Pagan Night
Amatrices et amateurs de Heilung, Skáld et Wardruna, la Nuit des Sorcières est l'événement qu'il vous faut ! Dixième événement d'un festival itinérant aux neufs sold out, la Nuit réunit trois groupes aux parcours différents se rencontrant sur le terrain de la sacerté païenne : Eihwar et sa transe faite de tambours chamaniques, de toiles de fond électroniques et d'invocations celtiques, Saturne & Valfeu et leur folk surgissant dans les ombres d'une forêt enchantée, et enfin Solventis et sa musique ensoleillée aux accents précieusement médiévaux. Pour celles et ceux qui auraient raté la soirée au Rock'N Eat en juillet dernier, la Tannerie offre l'occasion de se racheter.
À la Tannerie (Bourg-en-Bresse) le samedi 16 mars
Clara Ysé
Cinq ans après l'EP Le monde s'est dédoublé, Clara Ysé est de retour en 2023 pour son premier album, sans doute l'une des plus belles sorties de l'année. Entièrement écrit et chanté par la romancière et musicienne parisienne, Oceano Nox fait preuve d'une extraordinaire maturité : des textes intenses atteignant l'équilibre parfait entre forme et substance, une élégance efficace et affective, une érudition qui n'est jamais une fin en soi mais se veut profondément communicative. Dans cet album sa voix peut tout (et réussit tout), parvenant à évoquer à la fois Barbara et Nina Hagen, faisant des incursions dans le monde lyrique et dessinant d'envoûtants profils orientaux (les gemmes serties Pyromanes et Souveraines en témoignent parfaitement). L'obscurité de la salle feyzinoise attend impatiemment d'entendre résonner son chant.
À L'Épicerie Moderne le jeudi 21 mars
Hint
L'année 2024 marque le retour des phénoménaux Hint, Angevins qui fusionnent depuis trente ans rock, noise, metal, colère et inquiétude. S'il était possible de restituer une image de leur musique, nous pourrions saisir un astre au profil inconnu situé quelque part entre l'étoile sombre d'Amenra et la constellation du jazz d'avant-garde. La dernière décennie ne nous a pas permis de voir souvent le groupe en concert et la date de fin mars en est une occasion rare : au menu une profusion de sons, de cris libérateurs, et un bain visuel de toute violence.
Au Marché Gare le mardi 26 mars
Whispering Sons
À l'écoute d'Alone on pourrait penser à un morceau inédit d'Interpol, de Sisters of Mercy, Bauhaus voire Joy Division : quelques mesures pour surprendre et conquérir de façon fulgurante. Après deux albums très convaincants baignés dans un post punk inquiet, Whispering Sons ont annoncé l'imminente sortie de The Great Calm, album qui semble faire voile vers l'art rock et la pop baroque, quelque part entre Pere Ubu et Mercury Rev.
À L'Épicerie Moderne le vendredi 29 mars
Slift
Il suffirait de dire qu'Ilion, troisième opus prévu pour le 19 janvier, verra le jour dans le catalogue sacré et sanctifié du label Sub Pop (Nirvana, Low, Earth, Mogwai) pour réaliser immédiatement la portée du trio formé par les frères Jean (guitare, claviers, voix), Rémi Fossat (basse, voix) et Canek Flores (batterie, claviers). Un post rock poussé au-delà de ses limites – par définition non localisables – acquérant une épaisseur tantôt stoner tantôt psychédélique. Une masse sonore compacte et débordante susceptible de dilacérer les oreilles des audacieuses et des audacieux qui, bravant le danger, pousseront la porte de la salle de concert.
À L'Épicerie Moderne le vendredi 5 avril
Judas Priest + Saxon
Groupe légendaire parmi les fondateurs du heavy metal, Judas Priest va honorer les fans de l'Hexagone avec trois dates, à la Halle Tony Garnier et aux Zénith de Paris et Nancy. Certes, on n'est plus face à la fraîcheur agressive de Sad Wings of Destiny et non plus celle de Killing Machine ou de Defenders of the Faith, mais l'acier britannique résiste à l'inexorable passage des années. Après plus de cinquante ans de services honorés, Judas Priest endure et insiste, se relançant avec un nouvel opus, Invincible Shield, le dix-neuvième du groupe, qui s'annonce très progressif. Pour la date à la Halle ils seront rejoints par leurs compatriotes Saxon, autre infatigable légende de la NWOBHM.
À la Halle Tony Garnier le vendredi 5 avril
Melanie De Biasio
« J'ai pris un sac à dos, un micro, un enregistreur numérique, des carnets, un appareil photo et je suis partie... ». C'est de ce geste que naît Il Viaggio, dernier album de Melanie de Biasio et réconciliation avec ses origines italiennes : un voyage allant des Abruzzes aux Dolomites avec une étape dans les forêts des Catskill Mountains (là où s'est déroulé le festival de Woodstock). Il en résulte une œuvre à la fragilité captivante qui glisse délicatement entre les doigts comme du sable, provoquant des frissons et une sensation de bien-être. Un joyau ambient et pop à explorer en live pour une expérience de pure renaissance.
Au Radiant-Bellevue le samedi 6 avril
Crypta + Nakkeknaekker + Plaguemace
Quand on pense au metal brésilien, il n'est guère possible de réduire le panorama seulement à Sepultura. Au fil des ans, de nombreux groupes ont conquis les fans – notamment de black et de death – grâce à Sarcófago, Rebaelliun ou Krisiun. Parmi les groupes les plus intéressants de ces dernières années, Crypta, quatuor entièrement féminin s'est fait une place indéniable et le récent Shades of Sorrow confirme la radicalité de leur proposition. Les rythmes élevés et la férocité incarnée dans un savoir-faire compositionnel incontestable pourront enfin envahir Lyon grâce à l'entremise de Sounds Like Hell.
Au Rock'n Eat le lundi 6 mai
Eric Clapton
Non, Eric Clapton n'a point besoin de sortir un nouvel album pour partir traverser des pays et des contrées. Également parce que cette année marque un anniversaire impressionnant, celui des 60 ans de carrière de l'un des guitaristes qui a gravé à jamais son nom dans l'histoire du rock et du blues avec Yardbirds, Bluesbreakers et Cream, avant de se lancer dans une carrière solo aussi tourmentée que fascinante. Le musicien de Ripley n'avait pas encore vingt ans lorsqu'il se voit attribuer les deux célèbres surnoms qui l'accompagnent encore aujourd'hui : « Slowhand » et « God ». Qui veut voir Dieu connaît désormais le lieu et le jour de sa Venue.
À LDLC Arena le mercredi 29 mai