Théâtre / Depuis 17 ans avec leur compagnie Théâtres de l'entre-deux, Rafaèle Huou et Philippe Mangenot promènent Molière, Tchekhov, Lagarce partout sur le territoire avec leurs spectacles précis et savoureux. En ce mois de décembre, ils créent une nouvelle "pièce-paysage" consacrée à Barbara.
En interrogeant Philippe Mangenot sur ce qui l'a mené au théâtre c'est tout un pan de l'histoire lyonnaise de cette discipline qui apparait.
Doué en maths, ce fils de professeur a suivi comme par automatisme des études d'ingénieur dans l'une des écoles les plus réputées, l'INSA, où en 1992-93, il a participé avec d'autres à créer la section théâtre-études qui existe toujours aujourd'hui. Il y a depuis monté sept spectacles avec les étudiants !
L'attrait pour le théâtre lui a été transmis au collège. Faute de décrocher (à un cheveu) les concours d'école sup', il a suivi Bruno Carlucci et son théâtre de la Satire, au 116, où il a fait « une immersion à la Mnouchkine » se faisant maçon, administrateur, répétiteur jusqu'à la fin de l'aventure quand tout a brûlé accidentellement en 96.
Duo indissociable
Etape suivante : le théâtre des Ateliers où il a occupé plusieurs fonctions, y a mis en scène Boucherie de l'espérance de Kateb Yacine qu'il aimerait reprendre, découvert les auteurs contemporains dont Michel Vinaver qui lui a inspiré le titre de sa compagnie (Théâtres de l'entre-deux) car « il a dit que tout se joue toujours dans l'entre-deux, la vérité est toujours dans des pôles contraires ». Avant d'être limogé brutalement en 48 heures par Gilles Chavassieux qui s'accrochait à son "son" lieu, il a aussi fait la rencontre de Rafaèle Huou, diplômée de l'ENSATT. Ensemble, ils ont fondé une famille et une aventure de travail indissociable l'une de l'autre comme le sont les trajectoires de Tchekhov, Jean-Luc Lagarce et Barbara, trois artistes qu'ils admirent et à qui ils ont su consacrer des spectacles d'une grande délicatesse. « On a eu envie de partager des vies reliées à des œuvres et d'en faire des promenades joyeuses » mais jamais simplistes. Leur travail de fouilles d'archives est conséquent et la façon d'en faire un tableau serré est remarquable.
Par ailleurs, ils s'attachent à monter des autrices actuelles comme Gwendoline Soublin dont ils ont porté à la scène On dit que Josepha au festival des Contemporaines et Pig Boy, qu'ils ont créée avant tout le monde et à l'INSA pour commencer cette tournée hachée et malmenée par le Covid.
Parallèlement, et certainement parce que Philippe Mangenot a été l'assistant de Gwenaël Morin durant ses années au Point du Jour, ils ont travaillé les classiques et tout particulièrement Molière. Notamment Duo Juan (« toutes les scènes de cette pièce sont des duos » a-t-il remarqué) et Tartuffe.
Sans en changer le texte, leur modernité a explosé devant le public de lycéens devant lesquels ils ont donné deux tiers de leur centaine de dates annuelles, parfois dans des salles Samuel Paty où il aimait à rappeler que Don Juan représente « un blasphème par page ».
Ils l'ont refaite, la route
Injustement sans subvention (si ce n'est une fois 3000 € de la Région), le couple s'est doté d'une remorque avec laquelle ils transportent tout leur matériel pour monter en 3h, avec leur technicien, de quoi « faire le même spectacle partout, on change juste d'échelle ».
Défenseurs acharnés de l'éducation artistique et culturelle ainsi que du fait de porter le théâtre où il n'est pas, Philippe Mangenot et Rafaèle Huou mènent un véritable combat pour un accès à toutes et tous d'un théâtre de grande qualité. Avec Barbara, ils rêvent d'aller (aussi) dans les salles des fêtes des villages.
Barbara, de théâtre en théâtre
Du 12 au 21 décembre au Théâtre des Marronniers ; de 10€ à 17€
Vendredi 10 janvier à L'Allegro (Miribel) ; du 16 au 18 mai 2025 au Théâtre 2000 (Saint-Genis-Laval)
Tartuffe 1664-2022
Mardi 21 janvier au Centre Culturel de Mions ; de 5€ à 12€
Duo Juan
Les 23 et 24 janvier à la Renaissance (Oullins) ; de 5€ à 27€