Jace, graffiti ultramarin

Du graffiti dans les voiles

Musée des Confluences

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Peinture Fraîche / Véritable précurseur du graffiti à La Réunion, Jace est reconnu pour ses fameux gouzous : des petits personnages sans visages à la couleur du soleil. Le natif du Havre utilise les codes de la bande dessinée, en interagissant avec l’existant, pour accentuer leurs expressions. Nous le retrouverons au Musée des Confluences, où quinze toiles de son projet Du graffiti dans les voiles, réalisé à Madagascar, seront exposées dans le cadre de Peinture Fraîche, mais aussi à la Halle Debourg.

À quel moment le graffiti s’ouvre à toi ?
Jace : En sixième je suivais l’émission H.I.P. H.O.P. sur TF1 avec Sydney, qui invitait de temps en temps des graffeurs. Comme j’aimais bien dessiner, ça m’a accroché. Plus tard au lycée je suis tombé sur le livre Subway Art (de Martha Cooper et Henry Chalfant, 1984), qui retraçait les métros des années 70-80 à New York. C’est la bible des graffeurs de ma génération et elle a ouvert le graffiti au grand public. Depuis mon petit village à La Réunion, je m’imaginais peindre dans ce tumulte new-yorkais. J’ai donc trouvé un pont dans mon village avec trois bombes : coup de foudre. Puis avec l’aisance technique, j’ai associé mon blaze à des personnages que je recopiais dans la bande-dessinée. À 19 ans, j’ai créé le gouzou qui me suit depuis.

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Quels sont tes sujets de prédilection ?
À Lyon je suis plutôt parti sur le religieux (NdlR : lors de son passage à la Halle Debourg). Sinon ce qui touche à l’écologie, car notre génération est face à une période charnière ; la politique aussi, les travers du capitalisme à outrance. À côté je fais des saynettes plus poétiques, romantiques. Je ne suis pas un militant extrême. J’ai d’autres émotions.

Comment choisis-tu les endroits où graffer ?
J’ai des idées dans un carnet et je vais chercher l’endroit idéal pour les poser. Mais il n’y a pas vraiment de règles. Par exemple, dans quinze jours je pars pour Tchernobyl, j’ai déjà l’ambiance générale de mes graffs. Juste avant je serais en Corée du Sud et je ne sais pas à quoi m’attendre. Il y aura une part d’improvisation.

En 2014, tu réalises Du graffiti dans les voiles aux côtés de collègues graffeurs : une quarantaine de voiles peintes sur des pirogues à Madagascar. Avez-vous prévu d’autres éditions ?
J’aimerais réitérer l’expérience, peut-être pas de manière aussi grandiose. On a fait une exposition similaire à La Réunion puis une vente aux enchères où l’on a vendu deux ou trois voiles. Avec les 10 000 euros récoltés, on s’est lancé dans la construction d’une école. Donc y retourner oui, pour poursuivre le projet localement en l’agrandissant. Tous les artistes sont motivés pour le refaire et cela a donné envie à d’autres de nous rejoindre. C’est un beau projet mais je n’ai pas envie de le faire tous les ans non plus. Il y a d’autres choses à faire. Le but initial était de réunir tout le monde et que cela aboutisse.

Comment se porte le graffiti dans l’Océan Indien ?
Très bien ! Ces dernières années à La Réunion de nouveaux styles se sont créés et s’exportent. À l’île Maurice, ça bouge bien aussi. Madagascar, c’est plus compliqué financièrement. À La Réunion il y a toujours eu un bon accueil. Les peintures restent un moment. Personnellement, j’ai ouvert une galerie (L’Usine à Gouzou) où je vends mes œuvres, et dans l’arrière-cour j’ai aménagé neuf conteneurs (Very Yes) où j’invite des artistes extérieurs en résidence pour créer des échanges avec les locaux.

En 2017, tu inities le Premier ministre, Édouard Philippe, au graffiti. Comment cette rencontre est-elle arrivée ?
Il faut savoir qu’en 2002, Le Havre a connu une politique de nettoyage de graffs accrue. La moindre peinture était effacée. Ma communauté d'aficionados s’est agrandie entre temps et j’ai reçu une commande pour la façade d’une école… qui a été effacée par la ville : tollé auprès du public et la mairie s’est rendue compte de son intérêt pour le graffiti. Les mentalités, austères dans les années 80-90, ont évolué depuis - de même que le niveau de proposition des artistes. D’une certaine manière, face à cet évènement, ils m’ont demandé de créer un parcours interactif en ville à l’occasion des 500 ans du Havre. Édouard Philippe, maire à l’époque, était à quinze jours d’être élu ministre.

On amène justement de plus en plus la rue dans des cadres institutionnels comme les musées. Cela participe à la démocratisation du street art. Cela ne te dérange pas ?
Pas du tout, car ce n’est pas incompatible de travailler dans la rue, d’offrir son travail au public et d’être dans un musée. C’est une manière de reconnaître et de pérenniser son travail. Dans la rue il est plus éphémère, il peut même être volé, mais il faut continuer à rendre l’art accessible à tout le monde.

Justement, il arrive que l’on te vole des œuvres. Que penses-tu de ce geste ?
La première fois, cela peut flatter. Quand c’est plus régulier, moins, car tu prends des risques et quelqu’un va le garder chez soi égoïstement. L’acte perd même de son sens car l’environnement interagit souvent avec la peinture. Ce qui me gène le plus c’est quand la personne revend derrière : c’est purement un vol. Heureusement en France, on a une loi assez protectionniste grâce à la propriété intellectuelle.

Aujourd’hui tu as laissé ta trace dans de nombreux pays. Où est-on le plus réceptif à ton art ?
Je fais mon truc et je m’échappe. Je ne reste pas forcément pour voir les réactions. Ceci dit certains endroits sont plus difficiles pour peindre comme New York où j’ai eu une condamnation, le Maroc où les autorisations sont indispensables, Dubaï, Singapour… Les endroits plus réceptifs en général sont les plus populaires, où les gens sont heureux que tu apportes un peu de couleur, de gaieté à leur quotidien.

Quels sont tes prochains voyages hormis Tchernobyl et la Corée du Sud ?
Le Sénégal, Monaco, Dubaï. En France, je retourne à Lille pour un festival de peinture, au Havre pour une école de commerce et à Montpellier pour faire une coopérative.

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