L'Equipe du Dimanche

Portrait /La Chanson du Dimanche. Ce duo né sur le web est en passe de se faire une place au panthéon des chansonniers 2.0. Leur recette : textes potaches et mélodies en soldes comme remède à la gueule de bois sarkozyste. Stéphane Duchêne

15 millions. C’est le nombre total de connexions recensées, il y a peu, sur le site Internet de la Chanson du Dimanche. Converti en suffrages électoraux, de tels résultats peuvent vous faire chatouiller le second tour des présidentielles. Pourtant, le programme développé par Alec (Alexandre Castagnetti) et Clément (Marchand) est sur le papier plutôt léger : mettre en ligne chaque dimanche la vidéo d’une nouvelle chanson satirique. Au menu : un Bontempi, une guitare, un bout de trottoir et – ça fait généralement la différence en cas de scrutin serré – pas mal de conneries débitées à la minute. Ajoutons également un avis favorable mais mesuré sur l’une des pierres angulaires de la politique de civilisation du gouvernement : le travail dominical. Favorable, car Clément qui, d’après son acolyte, «a une peur bleue du contrôle fiscal» est par principe toujours d’accord avec le Prince élyséen. Mesuré, car comme le nuance à raison Alec : «s’il n’y a plus de dimanche, il n’y a plus de week-end, donc plus de début de semaine, ni de pont et ainsi de suite. On ne comprendra plus rien». Implacable. Clément et Alec se sont rencontrés durant leurs études à Sup Télécom, «en 1996, au tir à l’arc». On peine à croire qu’à Sup Télécom, Clément et Alec aient beaucoup tiré à l’arc. Au flanc, on ne dit pas ; le travail, bof : «Le problème c'est que la plupart des gens (ceux qui ne sont pas riches mais rêvent de le devenir) n'aiment pas leur travail. Alors certes ils gagnent plus, mais ils perdent aussi plus de temps et surtout ne créent rien». Voilà sûrement la raison qui a conduit le duo à renoncer à une brillante carrière d’ingénieur en minitel (dont l’inventeur avait lui-même beaucoup d’humour) pour faire un peu tout et pas mal n’importe quoi : groupe de chanson franco-italienne, télévision pour enfants sur le net, cinéma (Alec a réalisé L’Incruste avec Titoff) et, moins fun, cours de maths pour Clément. Avant tout, on s’en rendra peut-être mieux compte sur leur CD à venir, l’ambition première de ces intermittents (au sens propre) du spectacle de formation classique, reste la musique. Sans vouloir faire injure à leurs ritournelles plutôt très collantes, c’est surtout par leurs textes et leurs talents de clowns que les deux appâtent le chaland.

Décollage

Conscient de ce paradoxe et citant volontiers Corbier (capillairement, il y a quelque chose, c’est vrai) et les Inconnus comme points d’ancrage, ils assument parfaitement leur côté chansonniers (du dimanche). Même si le terme fait surtout penser à ces types un peu lourds qui faisaient rire pépé, à l’époque où les Charlots régnaient en maître sur l’humour populaire français. Ils l’avouent : «très souvent la mélodie vient avec une phrase qui ne veut rien dire. Ensuite on planche sur un texte en se demandant de quoi on va bien pouvoir parler, car même l’actualité est très redondante : les pauvres sont pauvres, les riches essaient de rester riches par tous les moyens». Heureusement pour eux, Nicolas Sarkozy a surgi un beau jour du printemps 2007, tel un diable de son urne, leur fournissant une matière non négligeable. Fort de cette vérité, vérifiée par Chaplin en personne, qui veut que les régimes qui se prennent le plus au sérieux sont aussi les plus risibles, on suggère alors que le décollage de la «France d’après» les a emporté dans son souffle ; eux rétorquent : «ah, parce que vous trouvez que la France d’après décolle ?» Mouais, peut-être moins que leur petit artisanat hebdomadaire, converti par un succès inattendu aux exigences d’une industrie musicale Universal : DVD des «saisons» 1 et 2, disque produit dans les règles de l’art, concerts à guichets fermés. Face à un tel succès, le comble risque désormais pour la Chanson du Dimanche, non pas d’adhérer, fusse involontairement au «travailler plus pour gagner plus» en exerçant le dimanche ; ils le font déjà. Mais, pire, de se voir désormais contraint – ce serait moche – de travailler tous les autres jours de la semaine. Et d’admettre que la France d’après, si elle peine à décoller, pousse toujours un peu au cul, même les plus réfractaires. «La pêche !», comme ils disent...

LA CHANSON DU DIMANCHE
Au Ninkasi Kao
Jeudi 13 novembre

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