Noir écarlate
Polar / En 1999, la grosse production Shiri secoua violemment un box-office sud-coréen alors dominé par les productions hollywoodiennes. Ce succès surprise allait booster les initiatives gouvernementales d'aide à la production et à la diffusion (via le renforcement de la loi des screen-quotas, garantissant la présence subséquente à l'affiche des productions nationales, système brisé depuis par des Etats-Unis craignant pour leur hégémonie culturelle). Le film, pop-corn movie mélo ET ultra-violent, flirtant avec les blockbusters hollywoodiens dans le fond et la forme, devait influencer tout un pan des productions à venir. Deux films sortis dans sa foulée prennent le relais et donnent une image globale de ce nouveau polar coréen : le suresthétisé Sur La Trace du Serpent de Lee Myung-se, réalisateur formé à l'école du mélo qui se lance dans un hommage clippé à outrance et limite parodique du genre (voir l'intro sur le morceau Holiday des Bee Gees - !), et l'über-bis La Sixième Victime de Jang Yun-hyeon, avec son serial killer gorissime fan de Placebo (!). Cette nouvelle vague surfe sans vergogne sur le domaine de l'exploitation pure, avant que le grandiose Joint Security Area de Park Chan-wook ne vienne légèrement perturber la donne en explosant à son tour le box-office. Car JSA n'est pas tant un polar (malgré ses atours inhérents au genre) qu'un film socio-politique, d'une utopie brillamment maîtrisée. Après cette saine respiration, le credo du polar coréen se fait tristement clair : battre les Américains sur leurs plates-bandes, sans hésiter à verser dans la surenchère. Say Yes (2001) est un Hitcher avec encore plus de sadisme complaisant, Tube (2003) se veut l'équivalent de Speed dans le métro (et s'avère encore moins bon que le Jan de Bont), Public Enemy (2002) est un mix (à peu près réussi) entre Bad Lieutenant et American Psycho... Fort heureusement, le talentueux Bong Jang-ho réveille ce landernau assoupi sur ses lauriers en 2003 avec le mémorable Memories of Murder, la traque (inspirée d'une histoire vraie) d'un mystérieux tueur en série. Dans le fond et la forme, le film de Bong Jang-ho se pose comme une exception dans ce paysage cinématographique. Las, l'année suivante est marquée par les sorties d'une flopée de films (Yesterday, The Big Swindle, Some, The Scarlet Letter) empruntant de nouveau les pires écueils hollywoodiens (stylisation outrancière, twists narratifs grossiers et absurdes). Puis vint A Bittersweet Life... FC