Poppée au sommet
Opéra / Orchestre réduit, papier crèche de Noël en guise de rideau et jeux de lumière splendides qui va par petites touches faire tanguer l'imaginaire entre le jour et la nuit : dès les premiers instants de ce Couronnement de Poppée, on sent une empathie avec un style, une époque qui a quelque chose à voir avec l'authenticité. Dans cette partition à géométrie variable dont il existe plusieurs manuscrits, William Christie a choisi la modestie, le moindre embellissement possible pour faire ressortir chaque nuance. Opéra sans airs ou presque (hormis le splendide duo finale), ce dernier opéra de Monteverdi est d'une modernité qui laisse pantois. À partir d'un livret passionnant de bout en bout qui se paie le culot de peindre arrivisme et cynisme sur fond de stars de l'Antiquité (Néron et Sénèque sont de la partie), la musique observe chaque nuance du texte de façon quasi-séquentielle, annonçant, quatre siècles avant, l'art d'un Strauss ou d'un Puccini. Évitant aussi bien les écueils du minimalisme que du faste baroque, la mise en scène de Bernard Sobel (qui a remplacé Peter Stein qu'on annonçait il y a trois semaines), à part un papier peint bleu gris moucheté un peu malheureux, joue à loisir des volumes et des espaces, comme elle sait conférer une présence à chacun des chanteurs. On se passionne pour ces personnages pris entre soif de pouvoir, calculs personnels (y compris chez les pauvres !) et déconvenues sentimentales, jouant avec le crime comme avec le travestissement. Dans des rôles à la tessiture parfois périlleuse (Xavier Sabata est irrésistible en nourrice d'Octavie), les solistes du Nouveau studio de l'Opéra de Lyon forment un casting épatant : depuis la puissance avide de Danielle De Niese en Poppée à la fragilité d'Othon incarné par Tim Mead, en passant par João Fernandes qui nous offre une mort de Sénèque on ne peut plus émouvante, après 3 h 30 de spectacle, tout comme le public de la première, on en redemandait. LH