La donation de sommes d'argent : principe et fiscalité
La donation, acte de générosité encadré par le droit, soulève de nombreuses questions tant sur le plan civil que fiscal. Entre don manuel, acte notarié et régimes d'exonération, il est essentiel de maîtriser les règles pour transmettre sereinement son patrimoine, en particulier les sommes d'argent.
La notion de donation
Le principe
La donation est un contrat unilatéral par lequel une personne, le donateur, se défait irrévocablement, de son vivant, sans contrepartie et dans une intention libérale, d'un bien, en faveur d'une autre personne, le donataire, qui y consent.
L'exception du présent d'usage
Un tel transfert peut également tomber dans la notion de présent d'usage. Un présent d'usage doit répondre à deux critères :
- Être lié à un événement, comme Noël, un mariage, la naissance d'un enfant, un anniversaire ou même la réussite d'un examen.
- Ne pas être disproportionné par rapport au patrimoine du donateur.
Le présent d'usage échappe au régime de la donation.
La forme de la donation
Bien que le Code civil impose que toute donation doive être faite par acte authentique devant notaire, la jurisprudence reconnaît la validité d'une donation effectuée en dehors de ce cadre dès lors qu'il correspond à un don manuel.
La donation de sommes d'argent tombe en principe dans cette dernière notion, même si cette affirmation est nuancée par une partie de la doctrine selon la forme du transfert des fonds utilisée. Ainsi, un virement d'un compte à un autre appartenant à un tiers accompagné d'une intention libérale pourra constituer un don manuel et suffire à constituer une donation valable sans acte authentique reçu par un notaire.
Autant il est évident que l'acte de donation notarié pourra comporter des conditions ou réserves, autant ça l'est moins en cas de don manuel. Pour pallier cette difficulté, l'idée de constater le don manuel dans un document écrit appelé « pacte adjoint » est apparue. Sa validité n'est plus contestée dès lors qu'il ne contient pas une nouvelle donation comme par exemple une réversion d'usufruit. Dans ce dernier cas, le recours à un écrit notarié ne permettra pas d'éviter la nullité de cette réversion découlant de l'impossibilité de constituer une telle réversion, une fois la propriété donnée.
Le régime civil
Une donation de sommes d'argent répond au régime civil de la donation. La réalisation de cette donation aura des conséquences sur le traitement de la succession du donateur.
Il conviendra de vérifier que cette donation n'excède pas la quotité disponible afin de ne pas porter atteinte à la réserve héréditaire des héritiers réservataires. Elle sera également par principe rapportable à la succession du donateur (sauf mention contraire dans un pacte adjoint en cas de don manuel, ou dans l'acte authentique notarié).
La donation pourra comporter des conditions et des réserves. Cependant, la doctrine s'interroge notamment sur la faisabilité d'une donation de sommes d'argent avec réserve d'usufruit. Y a-t-il véritablement dépossession ? À ce jour, la validité d'une telle donation est retenue. Son régime fiscal est tout autre depuis la loi de finances pour 2024.
Le régime fiscal
Toute donation doit être déclarée auprès de l'administration fiscale. En cas de donation reçue par un notaire, ce dernier se charge de cette déclaration.
En cas de don manuel, la déclaration devra être effectuée par le donataire. Cette déclaration doit intervenir dans le mois de la réalisation du don.
Comme toute donation, des cas d'exonération et des abattements existent, en fonction du contexte de la donation, de la nature du bien donné, de la qualité du donataire, du lien de parenté entre donateur et donataire.
À titre d'illustration, je vous cite deux cas :
- L'exonération prévue à l'article 790 du Code général des impôts, prévoyant une exonération à hauteur de 31 865 euros tous les quinze ans, sous réserve que la donation de sommes d'argent en pleine propriété soit faite par une personne de moins de 80 ans au profit d'un donataire bénéficiaire majeur, c'est-à-dire avoir au moins 18 ans, au jour de la transmission (ou qui a fait l'objet d'une mesure d'émancipation).
Ce bénéficiaire doit également être un enfant, petit-enfant ou arrière-petit-enfant ; ou à défaut de descendance, un neveu ou nièce ; ou en cas de décès des neveux et nièces, par représentation à un petit-neveu ou une petite-nièce.
- L'abattement de 100 000 euros pour les dons de sommes d'argent consentis en ligne directe descendante, c'est-à-dire aux enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants.
Si le donateur n'a pas de descendance en ligne directe, l'exonération peut profiter aux neveux et nièces, à savoir les enfants des frères et sœurs du donateur et non ceux du conjoint de ces derniers. Ce régime est limité à 300 000 euros par donataire. Ainsi, chaque parent peut donner 100 000 euros et un grand-parent peut encore donner 100 000 euros, le tout en franchise de droits.
Ce régime peut se cumuler avec le cas précédant et l'abattement de droit commun dépendant du lien de parenté entre donateur et donataire.
Les sommes données doivent être utilisées dans un délai de six mois :
- Pour l'acquisition d'un immeuble neuf ou en l'état futur d'achèvement (Vefa). L'acquisition d'un terrain à bâtir n'est pas visée tout comme le financement de la construction d'une maison.
Le bien immobilier acquis ou en Vefa doit être la résidence principale du bénéficiaire de la donation. Le bénéficiaire peut également donner le bien en location, nue ou meublé, en dehors du cercle familial, et le logement doit constituer l'habitation principale du locataire.
Les sommes ne peuvent servir à l'acquisition par le donataire d'un logement compris dans un établissement d'hébergement pour personnes âgées ou handicapées, ou dans une résidence avec services pour étudiants, et qu'il donne en location à l'exploitant de l'établissement ou de la résidence. Il ne peut pas non plus s'agir de local à usage industriel, commercial ou professionnel, ni de résidence secondaire, ni de garage ou d'emplacement de stationnement, ni de logement inoccupé.
- ou pour la réalisation des travaux de rénovation énergétique dans la résidence principale du donataire.
Les sommes données en franchise de droits peuvent en effet servir à la réalisation de travaux énergétiques dans l'habitation principale du donataire. Cette habitation doit être située en France. Il doit s'agir des travaux de rénovation et des dépenses éligibles à la prime de transition énergétique « MaPrimeRénov ».
Mais en vertu du non-cumul des avantages fiscaux, le donataire ne doit pas bénéficier de la prime. Ces travaux doivent être réalisés par des professionnels. Les dépenses éligibles ne doivent pas non plus avoir donné lieu au crédit d'impôt sur le revenu au titre des services à la personne, ni d'une déduction de charges pour la détermination de l'impôt sur le revenu.
Les donations concernées sont consenties entre le 15 février 2025 et le 31 décembre 2026. Le bien qui a bénéficié d'un financement doit être conservé pendant cinq ans conformément à son affectation (résidence principale ou être en location).
Par ailleurs, pour limiter les éventuels abus de droit, le nouvel article 774 bis du Code général des impôts prévoit que ne sont pas déductibles de l'actif de succession les créances de restitution, lorsqu'elles portent sur une somme d'argent dont le défunt s'était réservé l'usufruit.
Par exception, cette nouvelle disposition ne s'applique pas :
- Sur le prix de cession d'un bien démembré, sous réserve qu'il soit justifié que la dette n'a pas été contractée dans un objectif principalement fiscal ;
- En présence de l'usufruit légal du conjoint survivant de l'article 757 du Code civil ;
- À l'usufruit qui résulte de l'article 1094-1 du Code civil (quotité disponible spéciale entre époux).
La dette de restitution non déductible n'est pas inscrite au passif de la succession. Mais pour éviter une double imposition, les droits acquittés par ce dernier lors de la constitution initiale de l'usufruit pourront être imputés sur les droits à payer.

