Da Uzi, le mélodiste des briques

Publié Lundi 1 décembre 2025

Rap français / Tête d'affiche d'une soirée hip-hop au Lyon Antifa fest, Da Uzi est l'héritier d'un rap de rue où le vécu et le storytelling se confondent. Un style qu'il revisite entre kickage décomplexé et ouvertures chantonnées. Revenu en force en début d'année avec l'album "Original Gangsta", son passage sur scène est très attendu.

Photo : Da Uzi © Pack Presse

Le succès d'Or noir de Kaaris a mis en lumière un territoire de rap auparavant confidentiel. Sevran est devenu, au cours des années 2010, un vivier de talents incontournables dans le paysage, se distinguant par une ADN "street" ainsi que des sonorités inspirées par la trap et la drill. C'est dans ce contexte foisonnant qu'ont émergé 13 Block, Kalash Criminel, Maes et Da Uzi.

Ce dernier détonne pourtant au milieu de tous ces noms, pour se rapprocher de figures du premier âge d'or du rap français. On pense notamment à Nessbeal avec lequel il partage une même mélancolie crue et viscérale, entre mélodies sombres et découpages énervés. À la différence de son aîné, il est parvenu à se frayer une place parmi les poids lourds de l'industrie. Porté par une crédibilité indiscutée et une capacité réelle d'adaptation aux tendances : il a su imposer sa personnalité iconoclaste.

Kongolais mauvais

Armé d'un flow vif et d'un débit mitraillette (à l'origine de son pseudonyme), le rappeur aime brusquer ses productions. Technicien naturellement doué, il se distingue par son interprétation écorchée et son implication émotionnelle. Il offre un relief inattendu à un rap brut et tend à contrarier ses acquis par une recherche régulière d'heureux accidents sonores. Son utilisation des ad-libs tranche avec une culture ironique du gimmick. Ils servent chez lui à intensifier, parfois jusqu'à l'étouffement, une intention. Ponctuellement, des effets de déformations vocales viennent multiplier les couches et les tonalités sur un même morceau. Elles révèlent un dialogue interne, au cœur de ses tourments et contradictions : il nous immerge dans un film intérieur sans mise en scène.

« Toucher le ciel en partant du sol » disait-il sur J'entends des voix en 2019, dévoilant une écriture intuitive et imagée. Da Uzi relate un quotidien fait de trafics, de délits, de condamnations mais aussi de rêves et d'envie de s'en sortir. S'il ne renouvelle pas l'imagerie du rap de rue, il l'incarne sous toutes ses facettes et l'investit sans romantisme ni fascination.

La vraie vie

Les remords, la conscience de ses propres fautes et responsabilités traversent ses différents albums. Il tire ainsi une force de sa capacité à exposer sa vulnérabilité tout en relatant des histoires violentes qui ne font peu de cas des faibles. Récits d'un temps gâché et à jamais perdu, ses morceaux retracent la recherche désespérée d'un avenir meilleur pour un jeune de quartier.

Jamais aussi inspiré que lorsqu'il retrouve l'urgence de ses débuts, Da Uzi n'est pas un artiste militant au sens propre, mais il est impossible de nier la dimension politique de son rap. Dans un festival engagé, sa place de documentariste de terrain doublé d'un excellent MC ne jure pas. Sa manière de recracher et de décrire une réalité souvent fantasmée, sans arrondir les angles, d'user de son vécu pour se faire le porte-parole d'une France caricaturée, rappelle aux origines du hip-hop.

Da Uzi, L'Allemand, La Valentina, Costa
Vendredi 12 décembre 2025 à La Rayonne (Villeurbanne) à partir de 18h45 ; 28, 60 €
Dans le cadre du Lyon Antifa fest

Lyon antifa fest

Le Lyon antifa fest est de retour à la Rayonne pour une nouvelle édition répartie sur deux jours, avec Poesie Zéro, Goulamas’k et la Moscow Death Brigade le jeudi pour une soirée entre punk et ska, et Da Uzi, L’Allemand, La Valentina et Costa le vendredi pour une soirée 100 % hip hop.

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