Après "Frances Ha", Noah Baumbach continue d'explorer le New York branché et sa bohème artistique, transformant la pièce d'Ibsen "Solness le constructeur" en fable grinçante et néanmoins morale où des bobos quadras se prennent de passion pour un couple de jeunes hipsters.Christophe Chabert
Quarante ans, toujours pas parents ; Josh et Cornelia (couple inattendu mais crédible formé par Ben Stiller et Naomi Watts) sont en pleine crise. Tandis que leurs amis bobos new-yorkais s'assurent une descendance, eux semblent frappés de stérilité. Celle-ci n'est pas seulement sexuelle, elle est aussi créative, en particulier pour Josh, en galère pour terminer un documentaire fleuve qui, manifestement, n'intéresse que lui. Jusqu'au jour où ils rencontrent Jamie et Darby – Adam Driver et Amanda Seyfried, prototypes de hipsters ayant fait de la bohème une règle de vie. À leur contact, Josh et Cornelia trouvent une seconde jeunesse, revigorés par ce couple qui semble vivre dans un présent perpétuel.
Noah Baumbach se livre alors à une comédie de mœurs contemporaine, même s'il s'inspire très librement d'une pièce vieille d'un siècle – Solness le constructeur d'Ibsen. Le ton y est mordant et le monde actuel en prend pour son grade : tandis que Josh se débat avec son portable, ses CD et son appartement design, Jamie ne jure que par les vinyles, les VHS et le mobilier vintage. La jeunesse s'empare des objets ringards de ses aînés et les rends hype et désirables, y compris pour ceux qui ont passé vingt ans à les enfouir sous une couche de nostalgie. Il faut vivre avec son temps, se disent donc Josh et Cornelia, quitte à s'égarer dans des impasses comme ce rituel chamanique qui se transforme en "bad trip" nauséeux.
Des hipsters pas si cool
Baumbach, cinéaste lettré s'il en est (il cite Ibsen comme il se référait à Bergman dans Margot at the wedding, Philip Roth dans Greenberg ou la Nouvelle Vague et Carax avec son précédent Frances Ha), se moque de cette culture préfabriquée où tout semble n'être que postures branchouilles et escroqueries intellectuelles. Mais c'est lorsqu'une authentique escroquerie pointera son nez dans le récit que While we're young passera de la satire hilarante à un plus complexe jeu de dupes où, les masques tombés, les personnages se retrouvent tout nus face à leurs ambitions, avortées ou carnassières.
Le cinéaste, toutefois, se refuse de les juger ; il se contente de leur tendre un miroir dans lequel se reflètent leurs angoisses, leurs échecs et leurs compromis. Entre la peur de vieillir et la peur de la jeunesse, entre le besoin de transmettre ses valeurs et l'effroi face à un monde qui tourne plus vite qu'eux, Baumbach laisse ses héros plantés là, ente résignation et inquiétude, rire jaune et rire noir.
While we're young
De Noah Baumbach (ÉU, 1h37) avec Ben Stiller, Naomi Watts, Adam Driver, Amanda Seyfried...
Sortie le 22 juillet