Portant le fardeau d'une enfance abusée, Odette craque et solde son passé, subissant en sus l'incrédulité hostile de sa mère. Une histoire vraie passée par la scène peinant à trouver sa pleine voix au cinéma mais heureusement relayée par des comédiens d'exception.
Enfant, Odette a régulièrement été abusée par Gilbert, un ami de la famille masquant ses sévices en "chatouilles". À l'âge adulte, la danse ne suffisant plus pour exorciser son passé, Odette entreprend (à reculons) une psychanalyse. Et lutte en sus contre le déni maternel...
Comme un écho douloureux. Un semaine après la sortie d'Un amour impossible de Catherine Corsini d'après un roman de Christine Angot, ce premier long-métrage coréalisé par Éric Métayer et Andréa Bescond, adaptation du spectacle autobio-cathartique de cette dernière, aborde à nouveau (et plus frontalement encore) l'abominable question des attouchements et des viols sur mineur·es. S'il a fallu à l'autrice-interprète principale une dose de courage à peine concevable pour se livrer aussi crûment et se reconstruire, on ne peut cependant pas taire sa perplexité face à la forme de ce film-témoignage : aussi remuant qu'il soit, aucun projet cinématographique ne saurait se prévaloir d'une absolution de principe quant à sa facture, au motif que ses motivations ou ses intentions sont nobles.
Re-être pour renaître ?
En l'occurrence, la sincérité viscérale du message se trouve brouillée par un dispositif à la lourdeur métaphorique malheureusement bien connue : le mélange théâtre/film et passé/présent dont le redoutable Guillaume Gallienne avait usé pour transposer sur écran son spectacle Les Garçons et Guillaume, à table ! Une fausse bonne idée visant à rappeler à la fois l'origine scénique du film, à matérialiser l'espace mental de la victime d'un trauma d'enfance en montrant qu'elle en est toujours spectatrice (donc prisonnière), à inscrire également l'autrice-interprète comme démiurge. Si ce télescopage entre les deux mondes fonctionne parfois ailleurs (en particulier chez Resnais), c'est dans un cadre de fiction plus "théorique" et abstrait.
Peut-être que le concept eût opéré si Andréa Bescond avait consenti à céder sa place devant la caméra à d'autres comédiennes – et l'on touche là à un autre problème : la légitimité d'un vécu n'induit pas la justesse ni la crédibilité à l'écran. Une question à mettre en regard avec le processus de résilience, qui nécessitait sans doute qu'elle aille au bout de la démarche.
Il faut en revanche saluer l'écriture et le jeu des personnages "d'adultes", terrifiants dans leurs actes, réactions ou aveuglement. Notamment Pierre Deladonchamps, endossant le rôle du salaud prédateur, et Karin Viard, révulsante en mère iceberg d'égoïsme.
Les Chatouilles
de & avec Andréa Bescond & Éric Métayer (Fr, 1h43) avec également Pierre Deladonchamps, Karin Viard, Clovis Cornillac...