Interview / Connu des Grenoblois comme l'organisateur des festivals Holocène et Musée électronique et comme le producteur de tournées de Trois Cafés Gourmands ou de Jérémy Frérot, Le Périscope a lui aussi vu son activité fortement déstabilisée par le covid-19. Sylvain Nguyen, gérant de la structure, nous en dit plus sur qu'elle a vécu et comment elle entrevoit l'avenir.
« J'ai du mal à mesurer toutes les conséquences que le covid a et aura sur notre activité, constate amèrement Sylvain Nguyen, l'un des deux fondateurs et gérants du Périscope. Le printemps et l'été, nos deux plus grosses saisons en tant que producteur de tournées et organisateur de festivals, sont annulés. Économiquement, c'est évidemment catastrophique. » Reports en cascade, annulations, chômage partiel pour les membres de l'équipe... Comme bon nombre d'acteurs du secteur culturel, l'entreprise grenobloise d'une dizaine de salariés n'est pas épargnée par les répercussions de la crise sanitaire. « Au début du confinement, on avait tout autant de travail car il fallait gérer les reports/annulations, rapatrier le matériel sur la route... Puis ça s'est calmé. Pendant le deuxième mois, on s'est concentré sur la communication envers le public et nos équipes. »
Musée électronique reporté, Holocène annulé
Côté concerts, Le Périscope a pour l'instant trouvé de nouvelles dates pour la totalité de ses événements. Les prestations de Gauvain Sers et d'Oldelaf prévues en mars à la Belle Électrique ont ainsi été décalées respectivement au 24 septembre et 3 décembre « sous réserve que les conditions le permettent ». Côté festivals, il y a davantage de changements. Le Musée électronique est reporté aux vendredi 25 et samedi 26 septembre et devrait voir sa programmation évoluer, certains artistes n'étant plus disponibles à ces dates. En revanche, le très attendu festival de musique électro Holocène est annulé. « On ne peut prendre le risque d'organiser un événement avec autant d'artistes et une jauge de public aussi importante alors qu'on a très peu de visibilité sur les mois à venir, le nombre de personnes autorisé par rassemblement et les autres conditions à respecter. »
Pour l'instant, l'entreprise grenobloise estime une perte d'au moins 60-70% de son chiffre d'affaires en 2020. « Pour nous, un report équivaut parfois à une annulation car ce qui est décalé à 2021 n'entre pas dans notre bilan de cette année. Cela prend aussi le pas sur d'autres projets qui auraient pu voir le jour l'année suivante, les salles étant déjà réservées. » Aides de la Région, du Centre national de la musique, prêt garanti par l'État... Plusieurs dispositifs existent pour soutenir le secteur culturel. Toutefois, pour Sylvain Nguyen, ces aides restent « un peu faibles par rapport à ce que doit essuyer la filière et aux licenciements à venir ». « À l'échelle d'une société comme la nôtre qui génère 4-5 millions de chiffre d'affaires par an, ces sommes (1 500 euros, 5 000 euros...) nous aident à tenir quelques mois, le temps que la situation se décante. Si cette dernière perdure, on devra se tourner vers les prêts qui peuvent devenir de vraies bombes à retardement, car il faudra ajouter leur remboursement à nos dépenses de fonctionnement. »
« On essaie d'être inventif »
Au-delà de son propre devenir, Le Périscope s'interroge aussi pour le futur des artistes, musiciens et techniciens. « Les artistes avec lesquels on travaille sont, pour l'instant, relativement peu impactés financièrement, sauf au niveau des tournées. Ils ont été très créatifs pendant le confinement en réalisant des concerts vidéo par exemple. Aujourd'hui, ils sont surtout inquiets pour les techniciens et musiciens qui les accompagnent sur la route, des intermittents qui vivent principalement des live. »
Malgré les incertitudes qui demeurent, Sylvain Nguyen reste positif : « Pour le moment, nous ne pouvons maintenir des concerts en instaurant un mètre de distance entre les gens. Ce n'est pas envisageable financièrement et ce n'est pas non plus dans l'esprit de ces événements. Mais on se tient prêt à redémarrer à tout moment, on n'attend que ça. On essaie d'être inventif et d'imaginer tous les scénarios possibles : travailler avec des petites jauges (50 places), en extérieur, etc. » Loin de se laisser abattre par la situation, Le Périscope et d'autres acteurs de l'agglomération réfléchissent déjà à la programmation de concerts et autres événements. « Nous avons plein d'idées et de nombreux lieux sont prêts à nous accueillir. Nous plaçons beaucoup d'espoirs dans la prochaine annonce du gouvernement. » Rendez-vous le 22 juin pour la phase 3 du déconfinement.