«Assistance à structure en danger»

Entretien / Jean-François Buiré, président des Inattendus (association pour la pratique et la diffusion d'un cinéma indépendant, implantée à Lyon) a lancé l’alerte quant à l’avenir incertain des salles du réseau Cinéma national populaire (CNP). Propos recueillis par Dorotée Aznar

Petit bulletin : Pourquoi les Inattendus ont-ils décidé de mobiliser autour de la question des CNP ?
Jean-François Buiré : C’est une question que beaucoup se posent et je tiens à écarter toute suspicion de «sous marinage». Nous ne faisons pas partie des CNP, nous sommes des spectateurs, des citoyens et des compagnons de route des CNP et c’est à ce titre que nous réagissons. Si d’autres personnes s’étaient mobilisées et avaient posé le problème des CNP sur la place publique, nous n’aurions pas pris les choses en main. Il s’agit d’assistance à structure en danger. 

Pourquoi réagissez-vous maintenant, alors même que le propriétaire des cinémas n’a pas déclaré son intention de fermer les salles ?
Nous craignons la période estivale. Qu’une décision ne soit prise quand les gens ne sont pas là…

Comment expliquez-vous les difficultés rencontrées par les CNP ?
Le cinéma a beaucoup évolué, l’art et essai «porteur» intéresse de plus en plus de salles et il y a beaucoup de concurrence sur ces films. Quelquefois, les CNP n’ont même plus accès aux films… Il ne leur reste que les films les plus fragiles économiquement.

Que demandez-vous aujourd’hui ?
Dans l’esprit des Lyonnais, les CNP sont des salles subventionnées. Nous voudrions faire correspondre cette réalité «imaginaire» à une réalité effective. Les collectivités locales doivent s’interroger sérieusement sur cette question.

Combien de spectateurs ont fréquenté les CNP cette année ?
Environ 200 000, contre 300 000 au moins il y a quatre ans. Le lien des CNP avec le public est en train de se distendre.

Pensez-vous que l’ouverture du Comoedia ait beaucoup nui aux CNP ?
Beaucoup d’événements qui avaient lieu aux CNP ont aujourd’hui lieu au Comoedia mais ce ne sont ni les mêmes programmations, ni les mêmes approches et nous refusons de jouer sur cette opposition. On pourrait dire qu’au Comoedia il y a le cinéma d’art et essai mais pas le cinéma de recherche. Au CNP, Marc Artigau (directeur programmateur du réseau Cinéma national populaire, NdlR) n’a jamais lâché un film parce qu’il ne marchait pas.

Plaçons-nous du côté des spectateurs. Ne pensez-vous pas que la qualité des salles n’est plus en rapport avec la qualité des conditions domestiques de visionnage des films ?
Il y a un enflement de ce discours autour du délabrement présumé des CNP. Il ne faut rien exagérer, les CNP ne sont pas dans un état apocalyptique. De plus, les séances sont toujours programmées à l’heure et dans les meilleures conditions possibles. Je vois dans ce discours une volonté de précipiter la mort des CNP.

Dans une lettre ouverte, vous évoquiez un projet de reprise des CNP, pouvez-vous nous donner quelques détails ?
Il faut absolument donner une suite l’héritage des CNP. La reprise n’est pas notre volonté première. Nous ferons une proposition si les dés sont jetés et s’il n’y a pas d’autre possibilité. Mais nous ne pourrons pas, de toute façon, reprendre les huit salles, il faudrait se contenter des quatre salles du CNP Terreaux, imaginer un fonctionnement reposant sur le bénévolat et que la Ville nous soutienne. S’il y a rachat, cela ne pourra pas se faire sans aide publique. Et ce n’est pas de gaieté de cœur que l’on se lancerait dans un tel projet. Mais, il ne fait pas aller trop vite et tuer la structure avant qu’elle ne soit morte.

Quelles ont été les premières réactions à votre mobilisation ?
Il n’y a pas eu beaucoup de réactions. Du côté de la Ville et du Centre National de la Cinématographie, on pense qu’il y a déjà trop de salles à Lyon. C’est une logique infernale car même si plusieurs salles sont sur le même créneau, les CNP étaient les seuls à montrer certains films.

La survie des CNP ne concerne-t-elle que les cinéphiles ?
Non, il ne s’agit pas d’une petite affaire de cinéphilie mais d’une affaire d’importance publique. Si les CNP disparaissent, certains films ne passeront plus du tout à Lyon ce qui est, selon où on se place, dommage, curieux voire révoltant pour une ville qui se prétend «ville de cinéma» !

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