Salsa sauces piquantes

Festival / L'île Barbe transformée en Cuba miniature pour la 4e édition du festival Y Salsa, quoi de plus logique ? Mais cette insularité, loin d'être source d'embargo artistique et d'enfermement, n'empêche pas le festival de mettre à toutes les sauces une salsa en perpétuelle évolution. Stéphane Duchêne

À Cuba, il y a deux manières d'afficher son éternelle jeunesse : s'emballer, à la manière du «Lider (plus très) Maximo», Fidel Castro, dans un jogging d'athlète olympique, ou pratiquer la salsa jusqu'à ce que mort s'ensuive comme les vénérables membres du Buena Vista Social Club. On préfèrera sans hésiter, et exclusivement, la seconde méthode. D'une part parce que le mot «jogging» accolé au mot «président» commence à nous chauffer les oreilles, ensuite parce que la salsa, loin d'être réservée aux vieillards, plait aussi beaucoup aux jeunes filles. Et si on n'ira pas jusqu'à voir dans le choix de l'île Barbe un hommage aux Barbudos de la révolution cubaine, il y a fort à parier que ce choix insulaire ne relève pas vraiment du hasard quand il s'agit de célébrer cette spécialité de la grande île des Caraïbes, à l'essaimage varié (Porto Rico, Colombie, États-Unis...). Avec, bien entendu, une programmation à l'avenant, cubaine, mais pas seulement : la soirée du vendredi, soirée Azucar !, présentera ainsi aux aficionados qui ne les connaissent pas déjà sur le bout des hanches Eddy K et Le Clan. Lesquels, conscients que le secret des meilleures sauces est dans la variété des ingrédients, mêlent leurs rythmes caribéens tantôt au jazz-rock (la timba) tantôt au reggae et au hip-hop (le reggaeton). Mais cette même soirée vaudra surtout par la présence de la charismatique légende vénézuelienne Oscar «Diablo» d'Leon, chanteur, danseur, bassiste, égal des Tito Puente et Celia Cruz, réputé dans le monde entier pour la folie de ses shows. Tout ça en même temps et à un âge digne de filer des complexes à Mick Jagger.Spanish Harlem
Le lendemain, la soirée A Bailar ! (décidément, si on ferme les yeux, on voit La Havane), sera celle de Manolito y su Trabuco (près d'une vingtaine de musiciens), incubateur et recycleur de tout ce que la salsa compte de variantes et de cousinages (bolero, cha cha cha, guaracha) et passeur de rythmes entre gardiens de la tradition cubaine et jeunes corps humides avides de danse. Ce même samedi, la présence du Spanish Harlem Orchestra tombera sous le sens, tant ce quartier new-yorkais, refuge des immigrés cubains et portoricains, a joué un rôle moteur dans le développement et la diversification de la salsa. Contribuant notamment à rendre ce genre, et ses multitudes de variantes, à sa matrice originelle : la rue et les rythmes qui lui sont propres. Enfin le dimanche, une fois passée l'agitation des concerts et des afters (au Mi Barrio et à la Marquise), sera consacré, sur le «Village» prévu à cet effet, aux activités gratuites (contes, démonstrations, terrasses, gastronomie ad hoc). Avec en point d'orgue de ce festif festival le Bal Pop'Y Salsa, occasion de mettre en pratique, si le cœur y est toujours, les notions de déhanchés acquises durant le week-end. Sur son dossier de presse, Y Salsa pose une question essentielle : «Peut-on, très honnêtement, passer 3 jours à écouter de la salsa sans tenter de mettre fin à ses jours ?» Il faut savoir vivre dangereusement pour avoir la réponse à certaines questions.