Les merveilles de Minnelli

Dernier acte de la Ciné-collection, Tous en scène, comédie musicale dansante et colorée du grand Vincente Minnelli avec le couple Fred Astaire-Cyd Charisse au refrain mythique : «That’s entertainment !» CC

Cinéaste aux multiples visages, Vincente Minnelli a longtemps été considéré comme le maître de la comédie musicale hollywoodienne. Pourtant, ses mélodrames sont au moins aussi sublimes que ses films chantés et dansés, sans parler de ses comédies pures comme La Femme modèle, qui en remontrent à plus d’un cinéaste «moderne». Minnelli met en scène l’art du mouvement, des mots parlés et chantés, du spectacle comme artifice enchanteur mais aussi comme miroir désenchanté des passions humaines dans des jaillissements de couleurs éblouissantes. Tous en scène (The Band Wagon), tourné en 1953, est un résumé moqueur de son cinéma : on y voit Tony Hunter, vedette has been (Fred Astaire), revenir à New York dans l’espoir d’y faire son come back. Ses deux derniers admirateurs lui ont justement écrit un spectacle sur mesure, et pensent engager une vedette de Broadway pour mettre en scène l’affaire, Jeffrey Cordova, un illuminé qui voit de la tragédie partout et transforme l’aimable comédie musicale attendue en pensum. Qui plus est, sa partenaire, une danseuse étoile (Cyd Charisse), n’arrive pas à trouver la bonne distance avec cette ex-star aigrie et mégalomane…

Ironique fantaisie

Dès les premières scènes, Minnelli pose avec ironie la situation de Tony Hunter, dans une cruelle comparaison avec Ava Gardner, star absolue des écrans au moment du tournage, qui apparaît avec malice dans son propre rôle. Hunter ne reconnaît plus le Broadway d’avant, et pense avoir fait son temps. Alors que tout le monde gesticule autour de lui, il garde cette énergie pour les moments où il exerce son art. Fred Astaire, dont le visage trahit effectivement le passage des années, apporte cette crédibilité immédiate au personnage : les moments de grâce chantés et dansés sont arrachés au statisme d’un homme à la notoriété un peu fanée. Lors du numéro le plus célèbre du film, qui débarque à la fin du premier acte, lui et ses nouveaux complices s’exclament : «That’s entertainment !». Mais le spectacle ne pourra advenir que lors du troisième acte, après une deuxième partie où, de querelles en malentendus, le projet se retrouvera dans une impasse. Difficile exercice que celui conduit par Minnelli : réenchanter l’écran après en avoir dévoilé les coulisses peu glamour, retrouver le plaisir originel en dévoilant ce qui le dévoie et le pervertit. Il y arrive magnifiquement, dans un ultime lever de rideau somptueux où la fantaisie musicale attendue sort de la scène et envahit l’écran.

Tous en scène
De Vincente Minnelli (1953, ÉU, 1h52) avec Fred Astaire, Cyd Charisse…
Dans les salles du GRAC jusqu’au 29 juin.