Warner lance enfin en France sa collection DVD consacrée à ses «archives» — ses trésors en français, 30 premiers titres allant de Walsh à Altman, de Minnelli à Coppola. Derrière ses éditions et leur restauration, Ned Price, passionné méticuleux et exigeant.Christophe Chabert
Ceux qui annonçaient la mort du DVD, supplanté par le Blu-Ray, vont en être pour leurs frais. Warner Bros. vient de démontrer que le support reste le lieu privilégié de la cinéphilie, la haute définition étant pour l'instant réservée aux titres les plus porteurs. En éditant trente films inédits sous l'appellation «Les Trésors de la Warner», le studio va même un cran plus loin : disponibles uniquement sur internet, les DVD seront pressés à la demande. Disons-le, la qualité de la sélection est telle qu'on se demande pourquoi ils n'avaient pas été édités plus tôt ! Ainsi des Gens de la pluie de Francis Ford Coppola, chronique mélancolique d'une femme qui prend la route pour démarrer une nouvelle vie, ou de La Toile d'araignée de Vincente Minnelli, au casting exceptionnel (Richard Widmark, Lilian Gish, Lauren Bacall, Susan Strasberg...) ; Minnelli est d'ailleurs la star de cette première salve, puisque sont proposés aussi Thé et sympathie et Qu'est-ce que Maman comprend à l'amour ?. Plus rares encore, un Altman de la grande période (Brewster MacCloud) et un Anthony Mann essentiel (Le Grand attentat)...
Sauveur de pellicules
Derrière ce travail de réédition se cache Ned Price, responsable du mastering à la Warner. Price, rencontré lors du dernier festival Lumière, est un fou de cinéma. À 8 ans, il tombe en arrêt devant un vieux film russe qui passe à la télévision, intrigué par sa beauté mais aussi par les lacunes du métrage, certains plans ayant disparu. À Boston où il grandit, il sèche les cours pour aller à l'Orson Welles Theatre et y voir les intégrales de cinéastes, notamment William Wyler dont il vient de superviser, après un an et demi de travail, la restauration numérique de Ben Hur. Arrivé à New York, il fait le siège de la MGM afin de décrocher un poste à la conservation de leur catalogue. C'est là qu'il découvre la médiocrité des copies utilisées pour les transferts vidéo (en 1986, c'est l'époque de la VHS triomphante), et il passera les vingt-cinq années suivantes à repartir du matériel d'origine, travaillant avec les laboratoires des studios et les boutiques spécialisées pour redonner à la pellicule sa splendeur d'origine. Car Price vénère l'argentique, et reste critique sur le numérique : «Mon travail, de toute façon, consiste à créer une reproduction numérique de l'expérience vécue par le spectateur face à la copie argentique.» Modeste, patient, exigeant, Ned Price est peut-être le vrai trésor caché des studios Warner et de leur politique patrimoniale.