Parmi les œuvres de Marion Tivital (exposées à la galerie Françoise Souchaud jusqu'au jeudi 12 juillet), pas forcément toutes convaincantes, certaines nous troublent avec une très particulière intensité. Comme cette station-service qu'on dirait empruntée à l'univers de Edvard Hopper, mais réalisée ici dans des dégradés d'ocres et de gris, comme «floutée» et représentée dans des formes simplifiées. Il en émane, ainsi que dans nombre de tableaux du peintre américain, une inquiétante impression de silence, d'isolement et de solitude. Il y a aussi dans les architectures et les bâtiments modernes peints par Tivital (née en 1960 à Paris), parfois résumés à un agrégat de volumes géométriques minimalistes, comme une vie sourde et étouffée, voilée d'une tristesse implacable. Nous sommes «nulle part» (titre de la série), immergés dans la grisaille, confrontés à l'absurde ou à la laideur industrielle, au spectacle figé de théâtres désertés, et pourtant comme insidieusement envoûtés, saisis de mélancolie, à deux doigts de trouver cela fort beau... Le paysage architectural contemporain n'est pas sans charme lorsqu'il est transposé à l'état de fantôme ou de sépulture.
JED