Lemaitre du monde

David Lemaitre + Julia Kat

Épicerie Moderne

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Bolivien de Berlin au patronyme frenchy, David Lemaitre n'est pas simplement la dernière perle du folk déraciné et élégant. C'est un magnifique cartographe musical, qui ne saurait pas plus où poser son compas qu'où se poser lui-même. Stéphane Duchêne

Il y a des patronymes comme ça qui sont autant de jeux de pistes, de leurres destinés à brouiller les GPS, à larguer les amarres et les suiveurs. On en avait déjà un bel exemple avec le Suédois José González ou – dans une moindre mesure – l’Anglais tapi dans les Cévennes Piers Faccini. En voici un troisième en la personne de David Lemaitre – aucun lien avec Pierre, le dernier Prix Goncourt.

Comme son nom ne l’indique pas, David Lemaitre est Bolivien, a grandi à La Paz, et vit depuis fort longtemps dans cette pépinière internationaliste à ciel ouvert qu’est Berlin. Hasard ou coïncidence, cette bizarrerie patronymique qui traduit au mieux l’horizon du métissage mondial, n’est pas le seul point commun entre González et Lemaitre. Il y a quelque chose du folkeux suédois chez le jeune Bolivien. Quelque chose d’aérien et ouaté, de voilé, quelque chose de Nick Drake aussi, référence commune souvent avancée – et à l’origine sans doute de cette richesse rythmique.

River Man

Mais surtout, il y a cette impression que leur musique est le fruit d’un choc thermique où courants tropicaux et air glacé produiraientt comme un drôle de frottement de l’âme, une sorte de mélancolie bondissante, à l’image de l’ouverture de l'album Latitude : Megalomania. Un choc, ou plutôt une friction, celui du déracinement – fut-il volontaire ou même notoirement relatif – et des voyages immobiles qu’il engendre. De Jacques Cousteau à Pandora Express – du Phoenix joué au coin du feu – en passant par The Incredible Airplane Party ou Six Years, on voyage beaucoup sur ce bien nommé Latitude de David Lemaitre, dans l’espace et en musique – Jacques Cousteau ose le rythme… calypso. Dans le temps aussi.


Mais il y à là moins comme une recherche de racines que de voyager pour se perdre. Le River Man de Lemaitre, religieusement emprunté à Nick Drake, se présente ainsi moins comme une reprise, une excursion fétichiste au cœur des ténèbres drakiennes, que comme un acte de lâcher prise qui prendrait le texte au mot – «Going to see the river man / Going to tell him all I can / About the ban / On feeling free / If he tells me all he knows / About the way his river flows / I don’t suppose / It’s meant for me», soit «Je vais voir l'homme de la rivière / Lui dire tout ce que je peux / Sur l'interdiction / de se sentir libre / S'il me dit tout ce qu'il sait / sur la manière dont coule sa rivière / Je ne pense pas / que cela me concerne». Le largage d'amarre d’un type conscient – et content – d'appartenir à ceux qui ne seront jamais vraiment sur la carte parce que leur vie n’est faite que de départs.

David Lemaitre
A l’Epicerie Moderne, le 6 février

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