Mardi 31 janvier 2017 Le Razzle devait ouvrir le 19 janvier. Il n'en a rien été, et il semble que ce ne sera jamais le cas : l'équipe n'a pas réussi à obtenir d'emplacement où amarrer son bateau-phare à vocation culturelle.
Razzle : les raisons d'un refus
Par Sébastien Broquet
Publié Mardi 7 février 2017
Photo : © Razzle
Razzle présente : Alex Cameron
Sonic
ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement
Gérard Collomb s'oppose à l'ouverture du Razzle, qui souhaitait ouvrir une salle de concerts et un restaurant sur un ancien bateau-phare. Si le projet est attirant, tout n'est pas si simple en coulisses.
Une pétition ayant dépassé les 10 000 signataires, des réseaux sociaux indignés, des affiches placardées dans la ville : la non ouverture du Razzle a agité le petit monde des cultures alternatives, depuis le mardi 31 janvier et l'annonce sur Facebook et sur notre site de l'abandon de ce projet qui avait fédéré une large part de la scène locale autour de lui. La semaine dernière, l'équipe du bateau-phare, par la voix de sa co-directrice Rihab Hdidou, nous confiait son incompréhension : « Il semble que ça bloque tout en haut, au niveau de Gérard Collomb, qui n'a jamais voulu nous recevoir et s'opposerait à notre projet. On voudrait juste savoir pourquoi. »
Le Razzle, c'est ce bateau-phare qui souhaitait depuis plus de trois ans amarrer sur les berges du Rhône ou de la Saône et ouvrir au plus vite pour proposer son alléchante programmation musicale mais aussi culinaire. Une salle de 300 places, un programmateur clubbing fondateur du réputé label BFDM, un restaurant tenu par un chef étoilé, une terrasse pour les apéros prolongés : tout est attirant dans ce projet, d'où l'incompréhension légitime face au refus de laisser ce bateau s'installer.
La version officielle communiquée par la Métropole est simple : sur le secteur fluvial du Grand Lyon, il n'y a plus d'emplacements disponibles en fixe. Ce que confirme Romain Blachier, en charge de la Culture dans le 7e, lui-même demandeur :
« Je souhaite accueillir le Sonic, on manque de salles dans notre arrondissement. Eux sont d'accord, ils pourraient développer leur modèle économique, ouvrir le midi. Mais on ne peut pas conclure. D'ici à deux ans, les cartes seront peut-être rebattues, il faut que la Métropole accélère sur ce dossier de manque de linéaire fluvial. »
Du côté de la Métropole, on affirme surtout vouloir développer la circulation « des bateaux à passagers et ne pas souhaiter accroître le nombre de bateaux stationnaires. »
Le refus date d'août 2016
Roland Bernard, conseiller délégué en charge du Fleuve et de ses Aménagements, affirme avoir envoyé dès le 17 août 2016 « une lettre à M. Mona Van Cocto, le directeur du groupe Batofar pour lui indiquer ne pas pouvoir donner une suite favorable à sa demande d'installation de la péniche Razzle car aucun emplacement correspondant à ses attentes n'était disponible. »
Le Razzle a décidé de passer outre ce courrier officiel et de continuer à avancer, sur la foi d'un accord oral, comme nous l'affirmait la semaine dernière Rihab Hdidou. M. Bernard s'en offusque :
« Un accord oral ? Certainement pas. Ils ont tout fait à l'envers, ont acheté le bateau, entamé des travaux, sans vérifier la disponibilité d'un emplacement ni solliciter une autorisation. Ils sont venus me voir en dernier. Un bateau comme ça, on ne peut pas le mettre n'importe où, à cause des nuisances sonores, du besoin de places de parking ! »
Un appel d'offres est toutefois envisagé auprès des communes du Grand Lyon afin de savoir si l'une d'elles souhaite accueillir le Razzle. L'équipe, persuadée de faire aboutir son projet qui recueille une large adhésion, établit une programmation et entame des discussions avec la mairie de Caluire, qui n'aboutissent pas.
Mis devant le fait accompli, Gérard Collomb s'est braqué face à ce « forcing » qui fait suite à des maladresses au lancement du projet, selon plusieurs élus et connaisseurs du milieu culturel lyonnais : l'équipe, parisienne au départ, n'a pas su frapper aux bonnes portes. Avant de rectifier le tir en embauchant des acteurs locaux.
Et il y avait un os : « le passif de Mona Van Cocto, le propriétaire » nous confirme Roland Bernard. En effet, une note rédigée par un ancien collaborateur du maire de Lyon détaille des soucis relevés à Bordeaux autour de l'Iboat et surtout à Paris au Batofar. « On parle d'embauches illégales, de salaires non versés, d'artistes non payés » nous confie un proche du maire. Et d'un conflit avec les autorités portuaires de Paris, Haropa, que la Métropole a pris soin de consulter au préalable. Rihab Hdidou, à son tour, s'insurge :
« On a suivi le cheminement conseillé. Beaucoup de choses colportées sur Mona ne sont pas de son fait ou sont fausses : il avait confié la gérance du Batofar à une équipe, avant de reprendre la main et d'assainir la gestion face aux problèmes. Et chaque projet est différent, le Razzle est porté par nous, ici : nous allions signer trente contrats en CDI. On nous fait payer notre appartenance à un groupe pour des problèmes anciens d'une autre société, le Batofar. Aujourd'hui, dans chaque ville, tout va bien : Alain Juppé (NdlR : maire de Bordeaux) et Anne Hidalgo (NdlR : maire de Paris) nous ont fait des courriers pour soutenir le Razzle.»
Des courriers que nous avons effectivement pu consulter.
Dans une impasse
« Le maire de Lyon n'est pas un fossoyeur. Mais impossible de favoriser un projet pas clean, même s'il est innovant comme le Razzle » poursuit Roland Bernard, qui indique que le préfet, au fait de problèmes à Bordeaux, est effectivement intervenu quand « ils ont voulu forcer le passage et venir s'installer sans autorisation. M. Delpuech a fait savoir qu'il y aurait une procédure judiciaire immédiate. »
Rihab Hdidou s'en défend fermement : « Nous n'avons jamais eu l'intention d'arriver à Lyon sans autorisation. Nous espérions pouvoir faire venir le bateau et patienter au Port Herriot en réalisant les finitions des travaux, en attendant de trouver une solution. Nous étions prêt à payer un loyer au Port pour ça. Mais même là, on nous en a empêché en nous prêtant des intentions que nous n'avions pas. Sans preuve, encore une fois. »
Du côté du Sucre, accusé par certains acteurs du milieu de la nuit (mais pas par le Razzle, qui s'en démarque et assure avoir de saines relations avec Arty Farty) de vouloir conserver un monopole, on s'insurge par la voix de son directeur, Cédric Dujardin :
« Quand on entend que c'est la faute du Sucre si le Razzle n'ouvre pas, c'est aberrant. Nous sommes un soutien à tout ce qui peut être bénéfique pour notre ville, je n'ai pas peur de la concurrence, bien au contraire. Je suis ravi qu'il y ait une émulation. Beaucoup nous pensent protégés. Peut-être parce que nous sommes très visibles, et que la politique sociale et culturelle que l'on mène fait des jaloux ? Sans parler du fait que le travail que l'on réalise au quotidien avec le commissariat du 2e arrondissement ne doit pas bien passer aux yeux de tous. C'est très frustrant. »
Le projet étant passionnant, certains élus ont essayé la semaine dernière de convaincre le maire de revoir sa position, louant le travail de l'équipe lyonnaise du Razzle. Mais M. Collomb, dans une situation où il n'y a déjà pas de linéaire fluvial disponible, se refuse à faire une exception pour un propriétaire à l'image écornée.
Roland Bernard poursuit : « Ce n'est pas en mettant la pression comme ils le font actuellement que ça va s'arranger. Cette affiche sur les murs de la ville, c'est de la plus grande stupidité. » Des affiches dont Rihab Hdidou dément fermement être à l'origine, rétorquant : « On était plein de bonnes intentions. On ne nous a jamais laissé défendre notre projet. »
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