Chanson / Avec Permafrost, le Lyonnais Denis Rivet livre un nouvel album de l'entre-deux, celui d'un univers qui se déglace et se réchauffe au gré de chansons hivernales en apparence mais solaire en profondeur.
« Ici, la vie est rude / J'en ai pris l'habitude / J'aime ces terres arides / Et ces hivers humides / Et la neige et le froid / Les piqûres d'aoûtats (...) Et si jamais tu passes / Quand l'orage menace / Remets-toi vite en route / Ne laisse pas le doute / J'en ai vus plantés là / Qui ne repartaient pas. »
Voici comment débute Permafrost, le nouvel album du Lyonnais Denis Rivet avec lequel les amateurs de chanson-rock ont au fil des années pris leurs habitudes. Entre une rythmique minimaliste, le ressac d'arpèges cristallins et un synthétiseur sédaté, Rivet pose le décor. Celui d'un disque dont le titre dit tout. Le permafrost c'est ce sol perpétuellement gelé des régions septentrionales qui semble figurer ici la manière dont les paysages du Grand Nord infusent sur l'état de l'âme jusqu'à la cristallisation complète. Mais c'est peut-être aller un peu vite en besogne que de prendre cela, uniquement cela, pour argent comptant.
Je me souviens
D'aussi loin qu'on se souvienne, Denis Rivet a toujours rendu compte des zones grises de la vie. Sur Tout proches (2012), il explorait le thème de l'ambivalence entre la proximité des corps et l'éloignement des âmes, et inversement, quand Tout est triste, rien n'est grave (2015), s'articulait en deux parties autour de la virgule de son titre.
Le chanteur le dit : de virées terrestres en chemins intérieurs, il a beaucoup voyagé, notamment au Québec où il vécut quatre ans – de là, sans doute, sa connaissance du terrain gelé – et c'est à Berlin, en plein hiver, qu'en résidence au Centre Français il a commencé de concevoir cet album, enregistré seul, dans une veine plus acoustique.
Ce sont sans doute ces allers-retours, qui nous amènent à retrouver cet entre-deux : un entre-temps fait de souvenirs (Je me souviens) et de demi-regrets, où la possibilité du départ comme échappatoire, de la résignation comme forme de sagesse, ne se font qu'après avoir tout tenté (Nous partirons d'ici), après avoir essayé de percer en vain les cœurs glacés contre lesquels on se cogne (Permafrost).
Un territoire aussi, musical mais pas que, où perce donc toujours un peu, matérialisée par des guitares solaires et une production plus douce, une lumière, sinon au bout du tunnel, du moins au bout du chemin, une source de chaleur en terrain transi. Comme si Denis Rivet restait posté là, avec ses chansons dont la justesse rasante sonne le dégel du cœur, pour attendre, comme il le chante en clôture de l'album, ceux qui sont restés derrière.
Denis Rivet, Permafrost (Anthropoïde)
Disponible en numérique et en CD sur www.denisrivet.com